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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'AMOUR
Le Front Souriant
Chapitre 6
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Idées - Histoires - Réponses à des Questions - Aphorismes

 

Pour une âme angélique, l’amour signifie glorification.
Pour une âme ‘djinn*’, l’amour signifie admiration.
Pour une âme humaine, l’amour signifie affection.
Pour une âme animale, l’amour signifie passion.

 

L’on n’a pas besoin de "tomber" amoureux;
L’amoureux doit s’élever par l’amour.

 

Déversez des flots d’amour,
mais faites en sorte que votre vêtement ne soit pas mouillé.

 

 

Question: Est-ce que l’amour l’emporte sur la sagesse ou est-ce que la sagesse l’emporte sur l’amour? Qu’arrive-t-il dans chacun de ces deux cas? Est-ce que l’amour est jugé par rapport à l’amour ou est-ce que la sagesse est jugée par rapport à l’amour?

Réponse: Il est vrai que sage est celui qui aime et qu’aimer est en réalité sage, bien que chez une personne la sagesse puisse prédominer et que chez une autre ce soit l’amour. Mais l’amour et la sagesse sont tous deux nécessaires. L’homme au cœur sec n’est jamais sage, et une personne qui a vraiment le cœur chaud n’est jamais insensée. Cependant chacune de ces qualités, l’amour et la sagesse, sont distinctes et séparées, et il est possible qu’une personne soit aimante tout en manquant de sagesse et il arrive qu’une personne qui est sage puisse manquer d’amour jusqu’à un certain point. Mais nul ne peut être sage si l’amour est absent de son cœur; appelez-le plutôt avisé. Et personne ne sera véritablement aimant si la sagesse n’a pas éclairé son cœur, car l’amour vient de la sagesse et la sagesse vient de l’amour.

Il est très difficile de dire ce qu’est l’amour et comment l’on doit aimer. Est-ce que cela consiste à embrasser les gens et à leur courir après et à leur dire des mots gentils? Que pourrait-on montrer quand on aime? Car chaque personne a sa manière différente d’exprimer son amour. Peut-être une personne a-t-elle l’amour caché dans son cœur et qui ne se manifeste pas, et l’amour d’une autre personne s’exprime-t-il dans ses mots et ses actes. L’amour d’une personne s’élève comme une vapeur et charge l’atmosphère entière, et l’amour d’une autre personne est comme l’étincelle cachée dans la pierre; extérieurement la pierre est froide, au-dedans il y a une étincelle.

Par conséquent, juger de qui possède l’amour et de qui ne le possède pas n’est pas au pouvoir de tout être; c’est une chose très difficile. Par exemple l’amour peut être comme le feu d’un pétard qui éclate, criant très fort: "Je suis l’amour", mais qui brûle une seconde et s’éteint. Il y a aussi le feu dans le caillou qui ne se manifeste jamais; si vous tenez le caillou, vous le sentez froid et pourtant le feu est là, on peut compter sur lui, il est durable. Autant il y a de gens, autant il y a de qualités différentes à leur amour et l’on ne peut juger.

 

Question: La jalousie est-elle inséparable de l’amour humain?

Réponse: C’est comme si l’on demandait: "L’ombre est-elle séparable du corps?" Où il y a forme, il y a ombre; où il y a l’amour humain, il y a jalousie.

L’amour peut susciter le pire et le meilleur dans l’homme.

L’amour peut prendre bien des formes, même celle de l’indifférence. Je me souviens avoir été un jour, pour un parent, au cabinet d’un médecin, un médecin indien qui avait une très ancienne méthode pour rédiger ses prescriptions; chacune lui prenait à peu près dix minutes. On m’introduisit dans une petite pièce où quinze à vingt personnes attendaient déjà et je m’assis parmi elles. Lui continua à écrire des ordonnances pour chacun de ceux qui venaient, et quand il en eût terminé avec ceux qui étaient avant moi, il commença à rédiger des ordonnances pour ceux qui étaient venus après moi. J’aurais pensé que ce médecin, étant un ami de la famille, m’aurait pris d’abord, mais il continua jusqu’à ce qu’il ait vu chacun et je fus le dernier.

Finalement il me dit: "Maintenant racontez-moi ce que vous avez à me dire". Je le lui dis et il rédigea l’ordonnance sans aucune hâte. Quand je le quittai, il me dit: "J’espère que vous comprendrez que je ne voulais pas vous voir pendant que tous les autres patients étaient encore là. Je voulais vous voir tranquillement". Il m’avait fait une faveur, et bien qu’il ait éprouvé ma patience, c’était pourtant une faveur, en quelque sorte majestueuse. Cela me donna un bon exemple d’amour sous un aspect d’indifférence.

Avec l’indifférence l’on doit avoir la sympathie et l’amour; être de plus en plus sensible au fur et à mesure que l’on évolue.

 

oOo

 

L’Histoire de Hatim

 

La vie de Hatim est écrite par les Persans et l’on raconte beaucoup d’anecdotes sur lui. L’une d’elles est très connue parmi les gens d’Orient. Elle raconte qu’une princesse qui était très célèbre par sa beauté et sa grandeur avait posé comme condition à ceux qui l’aimaient et désiraient sa main que seul celui qui lui apporterait une certaine perle qu’elle désirait posséder l’épouserait. Il y avait un amoureux de la princesse qui l’aimait réellement mais ne trouvait nulle part moyen de se procurer la perle.

 

Le travail de Hatim consistait à aller de pays en pays et à faire ce qu’il pouvait pour aider ceux qui avaient besoin de ses services. Il rencontra cet amoureux qui, errant ainsi, était très malheureux de ne pouvoir trouver la perle. Hatim le consola et dit: "Persiste dans ton amour, même si c’est difficile, et souviens-toi que je ne me reposerai pas que je n’aie apporté soulagement à ton cœur en te ramenant la perle que tu désires si ardemment". Hatim partit alors à la poursuite de cette perle et l’histoire raconte quelles difficultés il rencontra pour l’obtenir. Quand il l’obtint enfin, il l’apporta au palais et la princesse fut conquise par la perle. Quand elle consentit à accepter Hatim comme époux, il dit que cette promesse devait être accordée à son ami qui était l’amoureux véritable, tandis que lui, Hatim, n’était que l’ami de ceux qui étaient dans le besoin.

 

Dans cette histoire, la princesse est Dieu et la perle qu’elle demandait est la connaissance de Dieu. Il y avait quelqu’un qui aimait Dieu mais qui ne pouvait pas se décider à prendre la peine que l’on doit prendre pour obtenir cette connaissance. Quelqu’un d’autre était prêt à cela; sa tâche consistait à prendre la peine d’aller jusqu’au bout - même si ce n’était pas pour lui-même mais pour un autre - afin d’obtenir la connaissance et de la donner à celui qui avait assez d’amour pour l’avoir.

 

Cette histoire nous explique aussi qu’il y a deux stades parmi ceux qui s’efforcent dans cette voie. Le premier stade est pour celui qui s’efforce pour lui-même; le stade plus élevé consiste à s’efforcer pour les autres. Celui qui s’élève au-dessus du stade de l’effort pour soi-même arrive au stade de l’effort pour les autres, amenant dans leur existence la bénédiction qui est nécessaire à leur vie.

 

A quoi mène l’amour de Dieu? Il mène à cette paix et à cette tranquillité que l’on peut voir dans la vie de l’arbre qui fleurit et porte fruit pour les autres et n’attend aucune réciprocité.

 

La paix ne viendra pas au cœur de l’amant aussi longtemps qu’il ne sera pas devenu amour lui-même.

 

 

Question: Pourquoi est-ce qu’avec la croissance de l’amour les difficultés s’élèvent de tous côtés? N’a-t-il pas été dit par les Anciens que Dieu est un Dieu jaloux?

Réponse: C’est seulement un dicton. Dieu ne peut jamais être jaloux de sa propre manifestation. Seulement, avant que l’amour n’ait débuté, l’on était inconsciemment lié à la Source seule, mais une fois que l’amour s’est éveillé sur le plan physique, l’on est attaché à quelqu’un sur la terre. Et il en est comme d’Adam et d’Ève exilés du Jardin d’Eden. Cela fait que naturellement chaque influence travaille contre cet amour. Même le Trône de Dieu est ébranlé par l’explosion de l’amour, pour la raison que par un lien sincère sur la terre, qui est par lui-même pouvoir, toute autre influence est automatiquement tirée et poussée causant par là une commotion dans le monde des cœurs.

L’âme de l’homme est bonheur; pourtant l’homme n’est jamais heureux tant qu’il est occupé par ce monde de chagrins. C’est seulement l’amour qui peut amener ce bonheur dont on parle dans les légendes et qui est au-dessus de tous les plaisirs de ce monde mortel. Ceux qui consciemment ou inconsciemment voient ou sentent ce bonheur qui est partagé par les amants réagissent naturellement, soit de façon consciente, soit inconsciemment, contre lui.

L’amour spirituel est nectar, mais aussitôt qu’il est mélangé à la matière, il devient comme un vin savoureux mêlé à un poison détestable.

Si nous nous laissons complètement absorber par l’amour pour quiconque ou pour quoi que ce soit, Dieu devient jaloux et Il reprend cet être ou cette chose. C’est pourquoi l’appel vint à Abraham d’avoir à sacrifier son fils. Cette leçon fut donnée: que Dieu ne permet pas à une autre affection d’être plus chère que Son amour. Si nous aimons nos enfants parce qu’ils sont à nous et que les autres enfants sont négligés par nous, Dieu nous dit: "Ce sont les êtres que Nous vous avons donnés à aimer, à garder pour Nous, non pas à chérir pour vous-mêmes". Il nous reprend quoi que ce soit que nous aimons le plus en L’oubliant Lui, pour nous montrer qu’Il est le Seigneur du jelal, du jemal et du kemal. L’amour de tous les êtres dure une saison, mais c’est Son amour qui est toujours avec nous dans toutes les formes et tous les êtres.

Aucune créature n’est jamais née qui ait en réalité appartenu à aucune autre. Chaque âme est la bien-aimée de Dieu. Dieu n’aime-t-Il pas comme nous autres êtres humains ne le peuvent.?

Le Maharadjah de Jaipur, Ram Singh, était un grand amateur de musique. A sa cour il y avait d’extraordinaires chanteurs et danseurs qui étaient comme les Apsaras et les Ghandarvas. De toute l’Inde d’admirables chanteurs et danseurs y étaient appelés; tous les grands musiciens de l’Inde s’y trouvaient et mon grand-père Maula Bakhsh s’y trouvait aussi. Le Maharadjah ne connaissait pas le secret de retenir son désir. S’il l’avait connu, il aurait pu garder son bonheur bien plus longtemps. Mais il ne le connaissait pas, et quand tout fut parfait, il mourut.

C’est pourquoi en Orient il y a une superstition selon laquelle si une chose ou un être nous appartenant est très loué ou admiré, cette chose ou cette personne sera bientôt perdue pour nous. De sorte que si quelqu’un dit: "Votre enfant est superbe", les parents répondront: "Non, il n’est pas beau, c’est un enfant très ordinaire". Et si l’enfant est beau, ils mettront une marque noire sur son visage pour qu’il ne soit pas parfaitement beau.

La vie nous fournit un remplacement pour tout ce que nous avons perdu.

L’amour est le feu qui brûle toutes les infirmités.

 

Question: Comment pouvons-nous voir l’amour de Dieu dans le livre de la Nature? Partout nous voyons des fruits, des plantes et une vie animale voués à l’épanouissement et puis à la destruction, et parmi les hommes la cruauté, la misère, les tragédies et l’inimitié partout.

Réponse: C’est une différence de point de vue. Si nous focalisons notre esprit sur tout ce qui est bon et beau, nous verrons - en dépit de toute la laideur qui existe dans la nature et plus prononcée spécialement dans la nature humaine - que cette laideur se voilera. Nous jetterons un voile sur elle, et nous verrons tout ce qui est beau, et à tout ce qui manque de beauté, nous serons capables d’ajouter ce que nous prendrons parmi tout ce qui est beau dans notre cœur où nous aurons rassemblé la beauté en suffisance. Mais si nous focalisons notre esprit sur toute la laideur qui existe dans la nature - et dans la nature humaine - alors il y en aura beaucoup. Elle prendra toute notre attention, et il viendra un moment où nous ne serons plus capables de voir aucun bien où que ce soit. Nous verrons toute la cruauté, la laideur, la méchanceté et la malignité partout.

 

Question: En focalisant notre esprit sur la beauté seulement, n’y a-t-il pas un danger de fermer les yeux sur la laideur que nous pourrions améliorer et sur la souffrance que nous pourrions soulager?

Réponse: Afin d’aider les pauvres il nous faudrait être riches, et afin d’enlever la méchanceté à une personne nous devrions être d’autant meilleurs. On doit gagner la bonté comme on doit gagner son argent. Gagner la bonté consiste à amasser la bonté où que nous la trouvions, et si nous ne nous concentrons pas sur la bonté, nous ne pourrons pas en amasser suffisamment. Ce qui arrive est que l’homme s’irrite de toute l’absence de beauté qu’il voit. Étant lui-même pauvre, il ne peut pas en ajouter et inconsciemment il développe dans sa nature ce qu’il voit. Il pense: "Oh! pauvre homme! Je devrais pourtant préférer que tu sois bon!". Mais cela n’aide pas cet individu. Par le fait qu’il regarde ce qui est mauvais, son irritation ajoute seulement une personne de plus à tout le lot. Quand on aura focalisé son attention sur la bonté, l’on ajoutera la beauté, mais quand les yeux d’un homme sont concentrés sur ce qui est mauvais, il amassera assez de méchanceté pour qu’il soit lui-même ajouté à la fin au nombre des méchants car il a reçu cette impression-là.

D’ailleurs, en critiquant, en jugeant, en regardant la méchanceté avec mépris, l’on n’aide pas l’individu méchant ou stupide. Celui qui aide est celui qui est prêt à passer au-dessus, qui est prêt à pardonner, à tolérer, à prendre les désavantages qu’il peut rencontrer avec patience. C’est lui qui peut aider.

Celui qui peut aider les autres ne doit pas se cacher, mais faire de son mieux pour aller vers le monde. "Élevez haut votre lumière", est-il dit. Tout ce qui est en vous doit ressortir, et si les conditions vous sont contraires, passez au travers des conditions. Telle est la force de la vie.

Vous êtes l’amour - vous venez de l’amour - vous êtes faits par l’amour - vous ne pouvez cesser d’aimer.

 

Question: Est-ce un grand manque dans le caractère quand quelqu’un ne peut donner l’amour que les amis demandent? Quand on reçoit l’amour et que l’on n’est pas capable de le rendre, quand on oublie ses amis parce que l’on est absorbé dans son travail et ses occupations?

Réponse: La question est: de quel travail et de quelle occupation s’agit-il? Il y a des tâches et des occupations d’un plus haut caractère qui prennent votre totale attention, votre vie. De telles tâches peuvent demander renonciation et sacrifice. Alors on ne devient pas sans amour; il y a un devoir envers lequel on ne peut se montrer négligent. Cependant si l’on peut s’arranger pour donner et recevoir l’amour en même temps, c’est préférable.

 

Question: Est-ce que quelqu’un souffrira un jour d’être incapable d’aimer, de donner seulement une froide affection?

Réponse: L’amour, qu’il soit chaud ou froid, est l’amour.

 

Question: Y a-t-il un amour froid?

Réponse: Puisque Dieu est amour, la manifestation entière est amour, l’eau froide et le feu brûlant.

 

Question: Par quel pouvoir est-ce que l’homme attire sa nourriture et tout ce dont il a besoin?

Réponse: S’il y a un pouvoir puissant, c’est le pouvoir de l’amour. Tout ce que l’on désire provient de l’amour. Même si l'on désire la nourriture, c’est l’amour de la nourriture, et c’est dans la mesure de la puissance de son amour que l’homme l’attirera. La question est seulement: qu’est-ce qu’il aime le plus? Est-ce qu’il aime quelque chose qui soit au-dessus des choses ordinaires de la vie? Alors cela doit être son but.

La faim est un aspect de l’amour. L’amour du cœur est ce que nous appelons affection. L’amour du territoire a causé beaucoup de morts. Ce que l’homme aime, il doit l’obtenir. Tous ces mots comme chercher, désirer, demander, rechercher, sont des mots pour aimer. L’amour est la racine du phénomène entier de la vie. Même si un homme pauvre ne trouve pas sa nourriture, vous constaterez qu’il y a quelque chose d’autre qu’il aime davantage.

 

oOo

 

Dieu est amour et en Lui j’ai mon être et je ne crains point.

Puisse mon intelligence briller au-dehors en tant qu’amour;
Puisse mon moi limité s’élargir jusqu’à Ta Divine Perfection.

 

-oOo-

 

Le Front Souriant   La différence entre vouloir, souhaiter et désirer  

L'amour

 

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