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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


La Musique élève l'Âme
Musique et Son
Chapitre 
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


 

Dans le monde, beaucoup prennent la musique comme une source de distraction, comme un passe-temps; pour beaucoup, la musique est un art, et le musicien un amuseur. Pourtant personne n'a vécu en ce monde, n'a pensé et senti, sans avoir considéré la musique comme le plus sacré de tous les arts. Car le fait est: ce que l'art de peindre ne peut pas clairement suggérer, la poésie l'explique en mots, mais ce que même un poète trouve difficile à exprimer en poésie est exprimé en musique.

 

Par cela, je ne dis pas seulement que la musique est supérieure à la peinture et à la poésie: en fait la musique surpasse la religion, car la musique élève l'âme de l'homme même plus haut que la prétendue forme extérieure de la religion. Mais il ne faut pas comprendre que la musique puisse prendre la place de la religion, car toutes les âmes ne sont pas nécessairement accordées à cette hauteur où elles peuvent vraiment bénéficier de la musique; également toute musique n'est pas nécessairement élevée qu'elle exaltera une personne qui l'entend, mieux que la religion ne le ferait. Cependant, pour ceux qui suivent la voie du culte intérieur, la musique est des plus essentielles pour leur développement spirituel. La raison est que l'âme qui cherche la vérité est en quête du Dieu sans forme. L'art *, sans aucun doute, élève beaucoup, mais il contient une forme; la poésie a des mots, des noms évocateurs de formes, c'est seulement la musique qui a la beauté, la puissance et le charme, et qui, en même temps, peut élever l'âme au-delà de la forme. (Hazrat Inayat Khan a utilisé souvent le mot "art" dans le sens restrictif de la peinture, du dessin et de la sculpture.)

 

C'est pourquoi, dans les temps anciens, les plus grands prophètes étaient de grands musiciens. Par exemple, dans les vies des prophètes hindous, on trouve Narada, le plus grand prophète, qui était en même temps un grand musicien, et Shiva, un divin prophète, qui était l'inventeur de la vîna sacrée. Krishna est toujours représenté avec une flûte.

 

Il y a une légende bien connue de la vie de Moïse qui raconte comment Moïse entendit un ordre divin sur le Mont Sinaï dans ces termes: "Musa ke!"- Moïse entend ou Moïse médite - et la révélation qui lui vint ainsi était celle du son et du rythme. Il l'appela du même nom: musake. Des mots comme "music" ou "musik" sont venus de ce mot. (Cette histoire, qui fait partie de la tradition populaire indienne, ne doit pas être comprise comme une explication étymologique. Pour Hazrat Inayat Khan, le langage est une forme de musique, et ce qui l'intéressait était de découvrir la musique cachée dans les mots.)

 

David, dont le chant et dont la voix ont été connus depuis des siècles, donna son message au monde sous forme de musique. Orphée des légendes grecques, celui qui connaissait le mystère du son et du rythme, grâce à cette connaissance, avait pouvoir sur les forces cachées de la nature. La déesse hindoue du savoir et de la connaissance, dont le nom est Sarasvatî, est toujours représentée avec la vîna. Qu'est-ce que cela suggère? Cela suggère que tout savoir a son essence dans la musique.

 

Outre le charme naturel que la musique possède, elle a un pouvoir magique, un pouvoir qui peut être éprouvé même maintenant. Il semble que la race humaine ait beaucoup perdu de l'ancienne science de la magie, mais s'il reste quelque magie, c'est la musique.

 

La musique, en plus du pouvoir, est ivresse. Quand elle enivre ceux qui l'entendent, comme elle doit enivrer bien plus ceux qui jouent ou chantent eux-mêmes! Et comme elle enivre bien plus encore ceux qui ont touché la perfection de la musique, et ceux qui ont médité sur elle pendant des années et des années! Cela leur donne une joie et une exaltation même plus grandes que celles qu'un roi ressent assis sur son trône.

 

Selon les penseurs orientaux, il y a quatre différentes ivresses: l'ivresse de la beauté, de la jeunesse et de la force, ensuite l'ivresse de la richesse, la troisième ivresse est celle du pouvoir, du commandement, du pouvoir de décision, et la quatrième est l'ivresse du savoir, de la connaissance. Mais ces quatre ivresses disparaissent toutes comme des étoiles devant le soleil en présence de l'ivresse de la musique. La raison est qu'elle touche la partie la plus profonde de l'être de l'homme. La musique touche plus loin que n'importe quelle autre impression du monde extérieur ne peut toucher. La beauté de la musique est telle qu'elle est la source de la création et le moyen de l'absorber. En d'autres termes, par la musique le monde a été créé, et c'est encore par la musique que le monde se retire dans la source qui l'a créé.

 

Pour appuyer ces propos, vous pouvez lire dans la Bible que d'abord était le Verbe, et que le Verbe était Dieu. Ce Verbe signifie son, et du son vous pouvez saisir l'idée de musique. Il y a une légende orientale qui est venue à travers les siècles: quand Dieu fit l'homme à partir de l'argile et demanda à l'âme d'entrer, l'âme refusa d'entrer dans sa maison-prison. Ensuite, Dieu commanda aux anges de chanter, et comme les anges chantaient, l'âme entra, enivrée par le chant.

 

En ce monde scientifique et matérialiste, nous pouvons aussi voir un exemple de ce type. Avant qu'une machine – un mécanisme – puisse marcher, elle doit d'abord faire du bruit. D'abord elle devient audible, et ensuite elle montre sa vie. Nous pouvons le voir dans un bateau, dans un avion, dans une automobile. Cette idée appartient au mysticisme du son.

 

Avant qu'un bébé ne soit capable d'admirer une couleur ou une forme, il se réjouit du son. S'il y a un art qui peut charger la jeunesse en vie et enthousiasme, en émotion et passion, c'est la musique. S'il y a un art dans lequel une personne peut exprimer pleinement ses sentiments, son émotion, c'est la musique qui est la plus adéquate pour cela. En même temps, elle est ce qui donne à l'homme cette force et ce pouvoir d'agir qui fait marcher les soldats aux battements du tambour et au son de la trompette.

 

Dans les traditions du passé, il était dit qu'au Dernier Jour sonnera la trompette avant la fin du monde. Cela montre que la musique est reliée avec le commencement de la création, avec sa continuité, et avec sa fin.

 

Les mystiques de toutes les époques ont beaucoup aimé la musique. Dans presque tous les cercles de culte intérieur, quelle que soit la partie du monde où ils sont, la musique semble être le centre de leur culte, ou cérémonie, ou rituel. Ceux qui atteignent cette paix parfaite qui est appelée nirvana, ou dans la langue des hindous Samâdhi, le font plus facilement à travers la musique. Ainsi les soufis, particulièrement ceux de l'école Chishtia, ont pris la musique comme source de leur méditation. Et en méditant ainsi, ils en tirent plus de bénéfice que ceux qui méditent sans l'aide de la musique.

 

L'effet qu'ils expérimentent est le dévoilement de l'âme, l'ouverture de leurs facultés d'intuition. Leur cœur, pour ainsi dire, s'ouvre à toute la beauté qui est intérieure et extérieure, les élevant et, en même temps, leur apportant cette perfection à quoi toute âme aspire.

 

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Musique et Son       L'ivresse

 

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