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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LA JUSTICE ET LE PARDON
Questions et Réponses

Le Front Souriant
Chapitre 39
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Question: N'est-il pas très difficile d'éviter de juger? Car pour devenir juste l'on doit arriver à une certaine conclusion.

 Réponse: Oui, mais ce que l'homme fait généralement c'est qu'il juge n'importe qui non seulement dans son esprit, mais aussi qu'il est tout prêt à exprimer son opinion. Il n'est pas assez patient pour attendre et pour analyser la question et y réfléchir davantage. D'une façon générale, un individu n'est pas seulement prêt à juger, mais sans aucun frein de sa part il est prêt à exprimer à l'instant même son jugement. Il ne songera pas:"Ai-je le droit de juger telle personne? Est-ce que je suis arrivé à ce degré d'évolution?" - alors que Jésus-Christ lui-même refusa de juger et dit: "Celui qui est sans faute, c'est le rôle de celui-là d'accuser ou de punir". Cela enseigne une grande leçon: même pour apprendre la justice il n'est pas nécessaire que nous soyons prêts à juger et à exprimer instantanément notre jugement, notre opinion.

 

L'idée des Soufis, qui voient en toute forme la forme divine, dans chaque cœur le divin sanctuaire, est que juger quiconque, quelle que soit sa situation, son action, sa condition, est contraire à leur religion, à leur attitude, car leur attitude est une attitude de respect envers chacun. Et de cette manière ils développent cette philosophie qu'ils ont d'abord apprise intellectuellement.

 

Question: Est-ce que le fait de ne pas blâmer les autres signifie que nous ne voyons plus les fautes, que nous sommes trop au-dessus d'elles pour les voir?

 Réponse: Non, c'est d'abord une question de se retenir, de se contrôler, une attitude de politesse, de bonté, de sympathie et d'amabilité, une attitude d'adoration envers Dieu, le Créateur de tous les êtres: tous sont Ses enfants, bons ou mauvais. S'il arrive que l'enfant de quelqu'un soit laid d'apparence, serait-ce poli de dire devant ses parents: "Votre enfant est laid?". Le Père et la Mère de tous les êtres est ici, toujours présent, et sait ce qui se passe dans le cœur de chaque personne; tous sont Ses créatures. Quand leurs fautes et leurs mérites étant devant nous, nous sommes prêts à les juger et à exprimer notre opinion contre eux, c'est certainement contre l' Artiste qui les a faits - et non pas derrière Son dos, dans Sa présence! Il ne serait pas difficile de sentir la présence de Dieu partout si seulement nous étions conscients de cela.

 

En outre nous ne jugeons pas les fautes et les mérites des gens impartialement, notre faveur et notre défaveur s'en mêlent aussi. Notre faveur est toujours encline à voir le mérite, notre défaveur la faute. Y a-t-il une personne, aussi grande qu'elle soit, dépourvue de faute? Une personne, aussi mauvaise qu'elle soit, sans un seul mérite? Alors si nous voyons davantage de faute cela signifie que nous fermons notre cœur à l'attitude favorable et ouvrons notre cœur à l'attitude qui est défavorable afin de critiquer.

 

Maintenant l'autre question: sommes-nous trop au-dessus d'elles pour voir les fautes? Oui, il vient un temps, après une pratique continuelle de cette vertu qui consiste à ne pas juger, où nous voyons la raison derrière chaque faute qui apparaît chez tous ceux que nous rencontrons dans notre vie. Par exemple, une personne est malade, elle fait du tapage dans son entourage en criant, ou en pleurant ou en hurlant. Cela nous dérange et nous disons: "C'est terrible, c'est odieux, c'est exaspérant. Quel mauvais caractère a cette personne!". Ce n'est pas son caractère, c'est la maladie. Si nous considérions cela d'un point de vue différent, cette raison nous rendrait tolérant. Et la tolérance peut donner naissance à ce pardon, à cette unique essence de Dieu que l'on peut trouver dans le cœur humain.

 

 

Question: Voudriez-vous nous parler de la justice du Jugement de Dieu?

 Réponse: En vous donnant une petite comparaison, je vous montrerai quelle est la différence entre la justice de l'homme et la justice de Dieu. Il y a des enfants du même père et ils se disputent au sujet de leurs jouets. Ils ont leurs raisons pour se disputer au sujet de leurs jouets. L'un pense qu'un certain jouet est plus joli: pourquoi ne l'aurait-il pas? L'autre dit qu'on lui a donné ce jouet; pourquoi ne le garderait-il pas? Tous les deux ont leur raison et tous les deux sont justes, mais la justice du père est différente de la leur. Non seulement le père leur a donné les jouets pour s'amuser avec, mais en même temps il connaît le caractère de chaque enfant et ce qu'il souhaite développer chez cet enfant, et il sait si ce jouet particulier aidera à développer ce qu'il souhaite voir apparaître. L'enfant ne sait pas cela. Peut-être que le jouet lui semble pauvre et selon son sens de la justice il ne peut pas comprendre pourquoi on lui a donné ce jouet à lui et pas à l'autre. Si l'enfant avait été plus grand il aurait accusé son père d'injustice, mais il ne connaît pas la justice de son père. Il doit s'élever à ce stade d'évolution où se trouve son père pour comprendre le sens qui s'y cache.

 

Il en est de même de la justice de Dieu et de l'homme. La justice de l'homme est voilée par son expérience limitée de la vie, par sa faveur et sa défaveur, par ses idées préconçues, par les connaissances qu'il a, qui ne sont rien comparées à la connaissance de Dieu. Quand on compare le père à son enfant innocent, leur relation est trop semblable pour que l'on puisse la comparer à la relation entre Dieu et l'homme dans laquelle il y a une telle distance; si nous comptions tous les êtres humains qui existent, ils seraient comme une goutte dans l'océan. Il n'y a pas de comparaison entre Dieu et l'homme. Par conséquent la justice de l'homme est imparfaite, la justice de Dieu est parfaite.

 

Si l'on a jamais un aperçu de la justice divine, c'est seulement en croyant en la justice de Dieu contre toutes les preuves qui contredisent Sa justice. Il y a bien des preuves qui contrediront Sa justice. Pourquoi cette personne est-elle riche, pourquoi est-ce que l'autre est pauvre, pourquoi est-ce que cette personne-ci est dans une situation élevée, pourquoi est-ce que cette personne-là a tant souffert, et pourquoi est-ce qu'une autre a vécu longtemps et a eu une vie agréable? Si l'on juge leurs actions, leur intelligence, leur degré d'évolution, l'on ne trouve aucune justification. En jugeant cela, l'on arrivera à une conclusion où l'on dira: "Oh, il n'y a aucune justice, c'est entièrement un processus mécanique qui est sans doute à l'œuvre à l'arrière plan".

 

Des idées telles que le karma et la réincarnation pourront donner satisfaction, mais en même temps elles ne déracineront pas Dieu à l'arrière plan, car alors Dieu n'aurait aucun pouvoir: Dieu ne peut pas être Tout-Puissant si chacun a le pouvoir de faire son propre karma. Eliminez Dieu, alors tout fonctionne automatiquement. Et même si cela était, il ne peut pas y avoir de machine sans ingénieur. Est-ce qu'il est assujetti à sa machine? Est-il assujetti à son pouvoir ou est-ce qu'il la contrôle? S'il y est assujetti alors il n'est pas assez puissant. S'il est limité alors il ne peut plus être Dieu. Dieu est Celui Qui est parfait dans Sa justice, dans Sa sagesse et dans Son pouvoir.

 

Si nous nous posons des questions sur la cause de tous ces événements qui ne nous semblent avoir aucune justification, alors nous en venons à une autre question et cette question est celle-ci: est-ce qu'un compositeur peut apporter une justification particulière pour chacune des notes qu'il a écrites dans sa composition? Il ne le peut pas; il ne peut que dire: "C'est le courant qui est sorti de mon cœur. J'ai essayé de me tenir à certaines lois, de conserver certaines règles de composition, mais si vous me demandez la justification de chaque note je suis incapable de vous la donner. Je ne suis pas concerné par chaque note, je suis concerné par l'effet que l'ensemble produit".

 

Il n'est pas vrai qu'il n'y ait pas de loi. Il y a une loi, mais est-ce que la loi prédomine ou est-ce l'amour? La loi est une habitude et l'amour est l'être. La loi est faite, l'amour n'a jamais été créé; il était, il est et il sera. Ainsi l'amour est prédominant. Que lisons-nous dans la Bible? Dieu est amour. Ainsi Dieu est au delà de la loi: l'amour est au-dessus de la loi. Par conséquent si nous arrivons à quelque solution concernant notre question toujours renaissante: pourquoi est-ce ainsi? - ce n'est pas par l'étude de la loi - en aucun cas. L'étude de la loi ne donnera qu'un appétit grandissant qui ne sera jamais satisfait. S'il y a quelque chose qui apportera la satisfaction c'est de plonger profondément dans l'amour et de laisser l'amour inspirer la loi. Cela ouvrira un domaine pour mieux voir la loi.

 

Alors nous verrons qu'il n'y a rien en ce monde qui n'ait aucune justification. Il est inexplicable mais il est perceptible que tout a sa justification, et dans la lumière de la parfaite justice toute la vie deviendra claire. Alors nous n'aurons plus un seul mot pour dire: "ceci est injuste", même pas la chose la plus cruelle que nous ayons vue. Une telle pensée peut choquer, mais en même temps c'est le point où arrive l'homme sage, et il l'appelle le sommet de la sagesse.

 

Question: Comment savons-nous que Dieu pardonne davantage qu'Il ne juge?

 Réponse: En premier lieu la justice est née et l'amour n'est jamais né. Il a toujours été et toujours sera. De quoi est née la justice? Elle est née du sens de l'équité. Quand ce sens a mûri, l'homme commence à chercher l'égalité, et ce qui n'est pas égal il ne l'aime pas. Mais afin d'inspirer ce sens, de le développer, tout doit d'abord exister: la justice est le produit de ce que nous voyons, non pas l'amour. L'amour est spontané et il est toujours là, comme il est dit dans la Bible, "Dieu est amour". Par conséquent la justice est la nature de Dieu, mais l'amour est l'être même de Dieu. Par conséquent Il pardonne parce qu'Il est le pardon même, et Il juge parce que c'est Sa nature de juger.

 

Question: Ainsi la justice vient de l'intelligence de Dieu, et le pardon de Son amour divin?

 Réponse: L'intelligence de Dieu dans ce monde d'illusion a une expression limitée, car quand on juge des choses limitées notre intelligence devient limitée aussi. L'on est aussi limité que l'objet que l'on a devant soi; plus grand est l'objet, plus grande devient la vision. Mais le pardon ne juge pas, c'est seulement le sentiment de l'amour. Par conséquent quelle que soit la faute de l'autre, une fois que quelqu'un a pardonné, le bonheur et la joie sont partagés par les deux. La justice n'a pas cette joie. Celui qui juge trop est malheureux lui-même et il rend aussi malheureux celui qu'il juge. Celui qui pardonne est heureux, il ne garde aucun grief dans son cœur, il en purifie son cœur et il l'en libère. Par conséquent le plus grand attribut de Dieu est le pardon.

 

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Le Front Souriant Les paires d'opposés employés dans les termes religieux Le pardon

 

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