LE CHEMIN
SACRÉ DU DHARMA |
Dans le langage des Hindous, le devoir est appelé dharma, ce qui signifie religion. Plus l'on étudie la nature et le caractère de ce que l'on appelle devoir, plus l'on en vient à penser que c'est dans l'esprit du devoir que l'on peut trouver l'âme de la religion. Si le devoir n'était pas sacré au point de jouer un rôle important dans notre vie, une forme religieuse n'aurait aucun sens pour un être réfléchi. Il était sage par conséquent de la part des peuples anciens d'appeler la religion «devoir» ou le devoir «religion», car la religion ne consiste pas à se livrer à une cérémonie ou à un rituel; la religion véritable est le sentiment ou le sens du devoir. Le devoir n'est pas nécessairement le but de la vie, mais c'est comme le phare dans le port qui montre: "Ici est le lieu de débarquement, ici est votre arrivée, ici est votre destination". Cela peut ne pas être la destination finale, mais pourtant dans le devoir l'on trouve une route qui mène quelqu'un au but de la vie.
Il semble que, bien que la connaissance du devoir soit acquise après qu'un enfant est venu au monde, l'enfant a cependant apporté avec lui dans le monde le sens du devoir. Et selon ce sens du devoir que montre un enfant, il donne la promesse d'un bon avenir. Quelqu'un peut être des plus instruits, qualifiés, capables, puissants, influents, et pourtant, s'il n'a aucun sens du devoir, vous ne pouvez pas lui faire confiance. Dès que vous constatez que le sens du devoir est vivant dans une personne, vous vous sentez aussitôt en confiance. Vous sentez que vous pouvez dépendre de cette personne, et ce sentiment que vous éprouvez est plus grand que toute autre impression que la personne puisse vous faire. En cela réside toute vertu, puissance, pouvoir et bénédiction. Vous attachez de la valeur à un ami auquel vous pouvez vous fier, vous attachez de la valeur à une relation en qui vous pouvez avoir confiance. Par conséquent, toutes les qualifications que l'homme possède semblent toutes être à la surface, mais derrière elles il y a un esprit qui les rend vivantes et leur donne une vraie valeur, et cet esprit est le sens du devoir. Ceux qui ont gagné la confiance de toute une nation - peut-être une personne dans l'histoire du monde qui a gagné la confiance d'une multitude - ceux-là ont prouvé qu'ils étaient vraiment grands, et cela a été accompli en développant le sens du devoir.
Maintenant il y a cinq aspects différents quand on considère la question du devoir. L'un des aspects est de penser à notre devoir envers la génération plus jeune, envers les enfants, envers nos propres enfants et ceux des autres. Envers ceux qui sont plus jeunes que nous en années, nous avons un certain devoir. Envers nos amis, nos relations qui n'ont pas assez évolué pour voir les choses comme nous, nous avons un devoir. Si l'on en était conscient, l'on trouverait bien des choses dans la vie qui demandent notre attention, et si elles sont oubliées, l'on a réellement négligé son devoir.
Quelle que soit notre situation dans la vie, riche ou pauvre, nous avons pourtant un royaume, et ce royaume est nous-mêmes. Nous pouvons aider et servir en pensée, en actes, en parole, dans une action nécessaire à un certain moment. Par chaque attention donnée à cette question, par chaque chose faite dans ce sens , aussi matériel que cela puisse paraître extérieurement, une action religieuse est accomplie.
Un autre aspect du devoir est le devoir envers notre prochain: envers nos collègues, nos amis et connaissances avec lesquels nous venons en contact dans la vie de tous les jours et avec lesquels nous n'avons pas le sentiment d'être plus âgés ou plus jeunes, ou d'avoir quelque différence que ce soit. Nous avons un devoir envers eux. En premier lieu, celui d'étudier la psychologie de leur nature. Si nous avons à les instruire, de ne pas les instruire comme un maître. Si nous les aidons, nous ne devons pas les aider comme un bienfaiteur; quelle que soit l'aide que nous leur apportons, il faut le faire d'une telle manière que même nous-mêmes n'en sachions rien. Telle est la meilleure manière de servir, car il est très difficile même de faire du bien si nous ne savons pas comment le faire. Si nous sommes capables de gagner l'affection de notre prochain et de donner quelque service sans en avoir la prétention, sans idée d'appréciation ni de retour, nous avons certainement accompli un acte religieux.
Le troisième aspect du devoir concerne ceux qui sont avancés en âge: il s'agit d'avoir du respect pour leur âge, pour l'expérience qu'ils ont amassée. Même s'ils n'ont pas cette qualification ni cette culture que nous avons, cela n'a pas d'importance. Peut-être connaissent-ils quelque chose de plus que nous ne connaissons pas.
Nous ne pouvons apprendre toutes choses, nous ne pouvons connaître toutes choses. Il y a des choses que l'expérience apprend, il y a des choses que l'âge leur apporte. Si dans une personne, aussi intelligente et capable qu'elle soit, ce sentiment pour l'âge, ce respect pour son frère aîné, cette considération pour ceux qui sont avancés en âge -sa mère, son père, son frère ou sa sœur, son maître ou son ami - n'est pas encore née, elle ne connaît pas encore la religion, car en cela est la fondation de la religion. Il est dit qu'en enfant du Prophète appela un jour un esclave par son nom. Le Prophète l'entendit et la première chose qu'il dit, fut: "Mon enfant, appelle-le oncle, il est âgé".
D'ailleurs, il y a une action et une réaction psychologiques: ceux qui ont atteint la maturité de la vie sont arrivés à un stade où leur bonne volonté envers les plus jeunes vient comme un trésor, un trésor vivant. Parfois l'ivresse de la vie, l'absorption que l'on a dans les activités du monde, cette énergie de plus en plus grande que l'on éprouve dans la jeunesse, le pouvoir, la situation, les connaissances, et les capacités que l'on possède, vous font oublier cette considération. Mais si une occasion est perdue, elle est perdue, elle ne reviendra jamais. Nous tous en ce monde, nous sommes des voyageurs, et ceux qui nous sont proches ou ceux que nous voyons sont ceux que nous rencontrons dans notre voyage, et par conséquent c'est une occasion de penser à notre devoir envers eux. Nous ne serons pas toujours avec eux, et ils ne le seront pas non plus avec nous. La vie est un songe dans lequel nous sommes jetés, un songe qui change sans cesse. Par conséquent, perdre une occasion d'avoir égard à nos petites obligations dans notre vie journalière, qui forment une partie de notre devoir, est comme oublier notre religion.
Et le quatrième aspect du devoir est notre devoir envers l'état, envers la nation et envers ces personnalités que l'on y trouve, en haut ou plus bas: un roi, un président, un commandant, un officier, un secrétaire, un commis, un portier ou employé; une source d'élévation spirituelle comme une église, un centre spirituel et les personnalités qui y sont attachées, prêtre ou pasteur; son conseiller ou son maître; envers tous ceux-ci nous avons un devoir, et en observant cela, nous ne faisons qu'accomplir notre dharma, notre devoir.
Le cinquième aspect de notre devoir concerne Dieu, notre Créateur, le Dispensateur et Celui qui pardonne nos fautes. On pourrait dire: "Nous n'avons pas désiré venir ici; pourquoi y avons-nous été envoyés?", mais on le dit dans un moment de trouble d'esprit. Si l'esprit est tranquille, si la raison est en bonne condition, quelqu'un dira: "S'il n'y avait rien d'autre qui me soit donné dans la vie, même d'avoir la permission de vivre sous le soleil est le plus grand privilège". Oui, l'on dit: "Je trime et je gagne de l'argent et c'est ma subsistance que je produis là. A qui doit-on en donner le crédit?" Mais ce n'est pas l'argent que nous mangeons. Ce que nous mangeons n'est pas fabriqué à la banque, c'est fait par le soleil et la lune et les étoiles et la terre et l'eau, par la nature, qui est vivante devant nous. Si nous n'avions pas d'air à respirer, nous mourrions en un instant. Ces dons de la nature qui sont devant nous, comment pouvons-nous en être assez reconnaissants? Et par ailleurs, à mesure qu'une personne développe la spiritualité, elle verra que ce n'est pas seulement son corps qui a besoin de nourriture, mais aussi son mental, son cœur, son âme - une nourriture que ce monde mécanique ne peut pas dispenser. C'est la nourriture que Dieu seul peut donner, et c'est pourquoi nous appelons Dieu le Dispensateur. Qui plus est, au moment où il n'y avait en nous ni force ni assez de raison pour gagner de quoi vivre, à ce moment notre nourriture fut créée. Quand on y pense, et quand on pense que chaque petite créature, germe ou ver à qui personne ne fait attention, reçoit sa subsistance, alors on commence à voir qu'il y a un Dispensateur, et ce Dispensateur nous le trouvons en Dieu, envers Qui nous avons un devoir.
En dépit de la justice et de l'injustice que nous constatons à la surface de ce monde, une attention aiguë à notre propre vie nous enseignera qu'il n'y a pas de comparaison entre nos fautes et nos bonnes actions. Les bonnes actions, comparées à nos fautes, sont si peu nombreuses que si nous étions jugés, nous n'aurions pas un bon point à notre crédit. Cela ne veut pas dire que la justice soit absente en cela. Cela veut seulement dire que ce qui est au-dessus de la loi est l'amour. Et qu'est-ce que l'amour? Dieu. Et comment voyons-nous l'amour de Dieu? Sous quelle forme? Sous bien des formes, mais la plus belle forme de l'amour de Dieu est Sa compassion, Son divin pardon. Considérant ces choses, nous réalisons que nous avons un devoir envers Dieu.
Ce sont ces cinq aspects différents du devoir qui, lorsque nous les prenons en considération et que nous commençons à les vivre, commencent alors à nous donner le sens d'une vie religieuse. Une vie religieuse ne signifie pas vivre dans un endroit religieux ou un cimetière ou une église ou dans une religion qui soit entièrement extérieure. La vraie religion est et de vivre en étant conscient du sens du devoir que nous avons envers l'homme et envers Dieu.
Mais l'on pourrait demander: "Le devoir est responsabilité; comment pouvons-nous être délivrés du grand poids de la responsabilité?". De deux manières. Celui-là est déjà délivré du poids de la responsabilité qui n'a aucun sens des responsabilités. Il ne veut pas prendre de responsabilités. Il est tout à fait heureux, il ne se soucie pas de ce que tout un chacun pense de lui, il ne se soucie pas de savoir à qui il fait mal ni à qui il nuit. Il s'occupe très tranquillement de ses affaires, il est déjà délivré. S'il y a une autre délivrance, elle est atteinte en vivant une vie de devoir; en la vivant jusqu'au bout, car la vivre ainsi élèvera une personne de plus en plus haut, jusqu'à ce qu'elle s'élève au-dessus. Et elle sera extrêmement heureuse d'avoir traversé tout le chemin du devoir, le chemin sacré du dharma, et d'avoir finalement pu atteindre à un stade de réalisation dans lequel seul se trouve le but de la vie.
Question : Comment se fait-il qu'une personne vivant une vie de devoir est souvent dépourvue d'amour, de beauté et de poésie? Réponse : Je ne pense pas que le devoir ait quoi que ce soit à voir avec le fait de priver quelqu'un d'amour, d'harmonie et de beauté. Au contraire, quand le véritable esprit de devoir s'éveille dans une personne, c'est cela qui initie la poésie. Si l'on peut trouver un beau poème, si quiconque a jamais éprouvé l'amour, l'harmonie et la beauté, c'est cette personne qui comprend le sens du devoir. Par exemple un enfant nouveau-né; il vient du ciel, il est heureux comme les anges, il est beau dans son enfance, il est une expression d'harmonie et il est l'amour même; et pourtant il ne connaît pas l'amour, l'harmonie et la beauté. Pourquoi? Parce qu'il ne connaît pas le devoir. Dès l'instant où l'esprit du devoir est éveillé dans une personne, la poésie commence, et quand la poésie a commencé, alors l'amour, l'harmonie et la beauté se manifestent pleinement à sa vue.
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