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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LE DÉSIR DE CONNAISSANCE
Le But de la Vie
Chapitre 3
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Le désir de connaissance peut être détecté dans tous les êtres vivants, dans la création inférieure aussi bien que dans l'espèce humaine. Si l'on fait attention aux mouvements des oiseaux et des animaux dans la forêt, l'on voit qu'en dehors de la recherche de leur nourriture, de leurs jeux avec leurs compagnons, de leur protection contre leurs ennemis, ils prennent aussi intérêt à chaque sensation qui leur vient par leurs cinq sens. Le son, la couleur, le contact, l'odeur, chaque sensation possède un effet sur eux. L'on peut détecter chez les animaux le désir naturel de connaître quelque chose, et c'est cette tendance que l'on peut reconnaître dans l'évolution humaine en tant que curiosité. Depuis l'enfance, cette tendance semble prédominante, et plus un enfant montre cette tendance, plus il est prometteur, parce que cela montre dans la même mesure que la partie âme de l'enfant est prédominante. Parmi les grandes personnes, ce qui nous frappe le plus dans leur personnalité est le brillant de l'intelligence, en dehors de toute leur bonté et leur vertu. Si cela est une chose si importante dans la vie, cela doit avoir comme résultat une réalisation des plus importantes. Et quelle est cette réalisation? Cette réalisation est la connaissance de la vérité ultime, qui remplit le but de la vie.

 

Une âme douée de curiosité commence par essayer de connaître chaque chose qu'elle voit, avec laquelle elle vient en contact. Ce qu'elle veut connaître d'abord est le nom d'un objet, comment il s'appelle, à quoi il correspond, qu'est-ce que c'est, à quoi il sert, comment il est fait, comment l'utiliser, comment en tirer le meilleur profit. Cette connaissance est ce que nous appelons le savoir. Les divisions variées du savoir, appelées de noms différents, sont les classifications de ce savoir que l'on acquiert par l'étude du monde extérieur. Mais la vie est si courte, et le champ de cette connaissance est si vaste, que quelqu'un pourrait continuer sans cesse à étudier. Il pourra peut-être étudier une branche de la connaissance, et il constatera qu'une seule vie n'est pas suffisante pour être même complètement familiarisé avec cette branche particulière de connaissance. Et puis il y a quelqu'un d'autre qui n'est pas pleinement satisfait en touchant seulement une seule branche de connaissance; il veut toucher de nombreuses branches de connaissance. Il pourra se familiariser dans une certaine mesure avec divers aspects de connaissance. Cela pourra peut-être faire de lui, s’il aboutit quelque part, ce que l'on peut appeler un homme complet. Pourtant ce n'est pas ce qui suffira au but de sa vie. Al-Fârâbî, le grand savant arabe de l'ancien temps, prétendait qu'il connaissait beaucoup d'aspects de connaissance, mais quand il dut montrer ses compétences dans la connaissance de la musique, il se trouva qu'il lui manquait la partie essentielle, qui n'était pas la théorie de la musique mais la pratique de la musique.

 

La connaissance peut être divisée en deux aspects: un aspect est la connaissance que nous appelons savoir, l'autre aspect est connaissance. Le savoir vient de la raison: "c'est ainsi parce que c'est ainsi"; tel est le savoir. Mais il y a une connaissance qui ne peut être expliquée grâce à "parce que". L'on peut seulement en dire: "c'est ainsi, cela ne peut être rien d'autre". La connaissance attachée à son "parce que" est contredite mille fois. Un scientifique, un inventeur, une personne savante a un argument; un autre vient et dit: "Ce n'est pas ce que je pense. J'ai trouvé la vérité à propos de cela, celui qui l'a vu auparavant n'a pas perçu correctement". Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi dans la connaissance extérieure. Mais dans cette connaissance qui est la connaissance essentielle, il n'y a jamais eu de différence et il n'y en aura jamais. Les saints, les sages, les voyants, les mystiques, les prophètes de toutes les époques, en quelque partie du monde qu'ils fussent nés, quand ils ont touché ce domaine de connaissance, ont tous été d'accord sur la même et unique chose. C'est pourquoi ils l'ont appelée vérité. Ce n'était pas parce que c'était la conception d'une personne ou la spéculation d'une autre personne ou la doctrine d'un certain professeur ou l'enseignement d'une certaine religion. Non, c'était la connaissance de toute âme connaissante. Et toute âme, que ce soit dans le passé, le présent ou l'avenir, chaque fois qu'elle parvient à ce stade où elle connaît, réalise la même chose. Par conséquent, c'est dans cette connaissance que l'on peut trouver la satisfaction du but pour lequel on est venu sur la terre.

 

Et maintenant vous pourriez me demander: "Quelle est cette connaissance? Comment peut-on l'atteindre?". La première condition en est de séparer ce savoir extérieur de la connaissance du dedans. Le faux et le vrai, ces deux choses ne peuvent aller ensemble. Il s'agit de séparer le réel de l'irréel. Le savoir gagné à partir du monde extérieur est la connaissance de l'enveloppe de toutes choses, non pas de l'esprit de toutes choses. Par conséquent ce savoir ne peut pas être le savoir essentiel. Ce n'est pas la connaissance de l'esprit de toutes choses, c'est la connaissance de l'enveloppe de toutes choses que nous étudions et appelons le savoir; et à cela nous donnons la plus grande importance.

 

L'on pourrait demander: "Alors pourquoi ne pourrions-nous pas aller jusqu'au fond de toutes les choses extérieures? N'atteindrions-nous pas par-là la même connaissance?". Oui, mais cela n'est pas possible. La voie la plus aisée, et celle qui est possible, est d'atteindre à la connaissance du moi. C'est l'effet secondaire de cette réalisation qui donnera la vision profonde des choses extérieures, de l'esprit des choses qui sont au-dehors. La question concerne nous-mêmes, la connaissance du moi, et concerne ce qu'est cette connaissance. Est-ce que nous ne nous connaissons pas nous-mêmes? Aucun d'entre nous ne pensera une seconde que nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. Telle est la difficulté. Chacun dit: "Je me connais moi-même mieux que je ne connais personne d'autre. Qu'est-ce alors que l'on doit connaître de soi-même? Est-ce la connaissance de l'anatomie du corps?". Oui, la première chose est de comprendre la constitution du corps; ceci est la première leçon.

 

Par l'étude de celui-ci, l'on trouvera qu'il y a cinq éléments différents qui constituent notre corps physique. Les mystiques les appellent par convenance: la terre, l'eau, le feu, l'air et l'éther, mais l'on ne doit pas comparer ceux-ci avec les termes scientifiques; ils sont seulement pour la convenance du mystique. Et puis l'on verra les divers sens, les organes des sens; chacun des sens représente l'un de ces éléments. Et puis l'on en viendra aux tendances et aux besoins naturels de la vie, chaque action que l'on fait a une relation avec l'un de ces cinq éléments. Cette étude du mécanisme du corps vous fera comprendre ceci: "Quelque chose que j'ai toujours appelé moi-même n'est rien qu'un mécanisme, un mécanisme fait de cinq éléments, les éléments qui sont empruntés au monde extérieur." Et l'on constatera: "Mon mental qui fait son expérience par tous ces organes des sens demeure pourtant à part comme un spectateur qui envisage et perçoit ce qui vient du monde extérieur par le truchement de ce mécanisme que j'appelle mon corps". Cette connaissance éveillera un profond penseur au fait qu'il n'est pas son corps, bien que consciemment ou inconsciemment il y ait peut-être une seule personne sur un million qui perçoive clairement: "Mon corps est mon instrument, je ne suis pas mon corps". Celui qui perçoit: "Je suis mon corps", est emprisonné dans son corps. Celui qui en est venu à percevoir: "Le corps est mon instrument", est le contrôleur de cette prison, il est l'ingénieur de cette machinerie.

 

Et puis vient le stade suivant de la connaissance du moi, et cela consiste à explorer ce que l'on appelle le mental. Par une étude minutieuse du mental, l'on trouvera que les différentes qualités telles que la raison, la mémoire, la pensée, le sentiment et l'ego, ces cinq choses à la fois, constituent le mental. L'on trouvera qu'il y a en lui une surface et qu'il possède une profondeur; sa profondeur est le cœur, sa surface est l'intellect. Chacune des qualités du mental représente l'un de ces cinq éléments. Cela nous amène à nouveau à l'idée que même le mental qui est au-dessus du corps est un mécanisme. Et plus l'on est familiarisé avec le mécanisme, plus l'on est capable de l'utiliser à son meilleur avantage. C'est l'ignorance du secret de ce mécanisme qui garde l'homme ignorant de son propre domaine.

 

Cette connaissance fait penser: "Je ne suis ni mon corps ni mon mental. Je suis l'ingénieur qui a en sa possession ces deux-là, ces deux machineries, afin de travailler avec elles pour le plus grand bénéfice de la vie". Alors l'on commence à se demander: "Que suis-je?". Car jusqu'à un certain point, même le mental est un mécanisme qui est emprunté à la sphère extérieure, tout comme le corps est un mécanisme qui a été emprunté au plan physique, qui a été rassemblé et construit. Par conséquent, ni le corps ni le mental ne sont le moi. L'on pense: "C'est moi", seulement parce que l'on peut se voir soi-même. Par conséquent, tout ce que l'on voit, on l'appelle "moi"; le moi prend connaissance de n'importe quoi sauf de lui-même. De sorte que le mécanisme que le moi a utilisé est devenu une sorte d'écran sur la lumière qui accomplit le but de la vie.

 

Comprendre intellectuellement cela ne répond pas au but, mais cela commence notre voyage dans la recherche de la vérité. Cela doit être perçu par le procédé de méditation, le procédé par lequel le moi peut se séparer du corps, et par la suite du mental. Pour le moi, abusé pendant toute sa vie, cela n'est pas facile à percevoir. Il n'est pas préparé à percevoir la vérité, il rejette la vérité, il combat la vérité. C'est comme dans l'histoire racontée dans mon Diwan dans laquelle un lion vit un jour un lionceau errant dans les lieux sauvages avec des moutons. Le lion fut très étonné. Au lieu de courir après les moutons, il courut après ce lionceau. Le petit lion tremblait d'effroi. Le père lion dit: "Viens, mon fils, avec moi, tu es un lion" -"Non - dit le lionceau - je tremble, je tremble, j'ai peur de vous. Vous êtes différent de mes compagnons de jeu. Je veux m'enfuir avec eux, je veux être avec eux" - "Viens, mon fils, avec moi - dit le lion - tu es un petit lion" -"Non - dit le petit - non, je ne suis pas un lion. Vous êtes un lion, j'ai peur de vous". Le lion répondit: "Je ne te laisserai pas partir, tu dois venir avec moi". Le lion l'emmena au bord d'un lac et dit: "Maintenant regarde dedans et vois de tes propres yeux si tu es un lion ou si tu es un mouton". Le lionceau fut alors convaincu qu'il était bien un lion.

 

Cela explique ce qu'est l'initiation, et ce que l'initiateur enseigne à son disciple en tant que méditation. La méditation signifie regarder dans le lac du cœur l'image qui s'y reflète. Une fois que l'image se reflète dans le lac du cœur, la connaissance du moi vient d'elle-même.

 

 

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Le But de la Vie   Le désir de pouvoir   La connaissance de soi

 

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