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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'ACCOMPLISSEMENT DES OBLIGATIONS
DE LA VIE HUMAINE
La Vie Intérieure
Chapitre 3
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

La Position de celui qui vit la vie intérieure devient celle d'un adulte vivant parmi beaucoup d'enfants, mais la différence n'est pas visible parce qu'elle consiste en l'étendue et la profondeur de son regard sur la vie et sur le monde, ce qui n'est pas toujours sensible, apparent. Celui dont la vie est la vie intérieure devient beaucoup plus âgé que les êtres qui vivent autour de lui; toutefois, extérieurement il est comme tout le monde. C'est pourquoi l'homme qui est arrivé à la plénitude de la vie intérieure adopte une ligne de conduite toute différente de celle de l'homme qui vient seulement de s'engager dans ce chemin et différente aussi de celle de l'homme qui connaît intellectuellement quelque chose de la vie intérieure, mais qui ne la vit pas en réalité. Dans le monde encore il suit une autre règle de vie, parce que l'intellectuel critique toujours ceux qui ne savent pas ce qu'il croit savoir et les regarde de haut, avec orgueil et suffisance, estimant qu'ils ne se sont pas élevés à la hauteur du mystère qu'il comprend et à laquelle lui-même s'est élevé, il désire se distancer des autres; il se dit qu'ils sont retardés dans leur évolution, et qu'il ne peut les fréquenter: "Je suis plus avancé, je ne puis me joindre à eux en rien; je diffère d'eux, ils sont différents de moi". Il se rit des idées mesquines de ceux qui l'entourent et considère qu'il ne doit pas s'associer avec eux, qu'il ne doit rien avoir à faire avec ce qu'ils font, parce qu'il est bien plus avancé qu'eux. Mais pour celui qui connaît la vie intérieure dans sa plénitude, c'est une grande joie de se mêler à ses semblables, de même que c'est une joie pour les parents de jouer avec leurs petits enfants. Les meilleurs moments de leur vie sont ceux où ils se sentent enfants avec leurs enfants, et ou ils peuvent se joindre à eux dans leurs jeux. Les parents qui sont bons et tendres font semblant de boire et d'y prendre plaisir quand un enfant leur apporte une tasse de poupée. Ils ne lui font pas sentir qu'ils lui sont supérieurs, ni que ce jeu n'est pas pour eux. Ils jouent avec leur enfant et sont heureux avec lui, parce que le bonheur de l'enfant est aussi le leur.

 

C'est ainsi que se comporte l'homme dont la vie est la vie intérieure, et c'est pour cette raison qu'il vit en bon accord et en harmonie avec les autres, où qu'ils en soient de leur évolution, quelles que soient leurs idées, leurs opinions, leur croyance ou leur foi, de quelque manière qu'ils adorent Dieu ou manifestent leur enthousiasme religieux. Il ne dit pas: "Je suis beaucoup plus avancé que vous ne l'êtes, et me joindre à vous serait rétrograder". Celui qui est allé si loin en avant ne peut plus jamais retourner en arrière, mais en se joignant à eux il les entraîne avec lui. S'il continuait seul sa route, il considérerait qu'il fuit son devoir envers son prochain. C'est la cruche vide qui rend un son quand on la frappe; la cruche pleine d'eau ne rend aucun son, elle est silencieuse.

 

Ainsi les sages vivent au milieu de tous les hommes de ce monde, et ils ne sont pas malheureux. Celui qui aime tous les êtres n'est pas malheureux. Est malheureux celui qui regarde le monde avec mépris, qui hait les êtres humains et se croit supérieur à eux. Celui qui les aime pense simplement qu'ils traversent les étapes que lui-même a déjà traversées. C'est des ténèbres qu'il est entré dans la lumière. Ce n'est qu'une différence de moments: le sage avec grande patience passe par ces moments, alors que ses semblables sont encore dans les ténèbres, sans leur faire sentir qu'ils sont dans l'obscurité, sans les en laisser souffrir, sans les regarder avec mépris. Il pense que, puisque l'âme passe par l'enfance, la jeunesse et l'âge mûr, il est naturel que chaque être humain passe par ces étapes. J'ai vu de mes propres yeux des êtres arrivés à l'état de sainteté, et qui avaient atteint une grande perfection. Et cependant une telle âme peut adorer l'idole de pierre avec un des ses semblables, sans laisser paraître qu'il est aucunement plus évolué que les autres; il garde un humble maintien, et ne prétend pas être allé plus loin qu'eux dans son évolution spirituelle.

 

Plus ces âmes vont loin, plus humbles elles deviennent; plus profond est le mystère qu'elles ont pénétré, moins elles en parlent. Vous le croiriez à peine, si je vous disais que, au cours des quatre années de la présence de mon Murshid, je n'ai guère eu avec lui plus d'un ou deux entretiens sur des sujets spirituels. Habituellement, la conversation traitait des choses de la vie courante, comme avec n'importe qui; personne ne se serait senti en présence d'un homme conscient de Dieu, toujours absorbé en Dieu. Sa conversation était celle de tout le monde, il parlait de tout ce qui concerne la vie terrestre, jamais de la vie spirituelle; il ne laissait jamais voir ni piété ni spiritualité. Cependant l'atmosphère qu'il répandait, la voix de son âme et sa présence révélaient tout ce qui était caché dans son cœur. Ceux qui sont "dieu-réalisé" et ceux qui ont atteint la Sagesse parlent très peu de Dieu. Ce sont ceux qui ne connaissent pas Dieu qui essayent de le discuter, non parce qu'ils savent, mais parce qu'ils ont des doutes. Là où est la connaissance, il y a contentement, il n'y a pas tendance à discuter. On discute parce qu'on n'est pas satisfait. Richesse, rang, position, pouvoir ou savoir, rien ici-bas ne favorise l'orgueil autant que la moindre connaissance spirituelle, et quand on donne accès à cet orgueil, on ne peut faire un pas de plus, on est cloué sur place, parce que l'idée même de réalisation spirituelle est dans l'absence du moi. L'homme doit prendre conscience de lui-même comme étant quelque chose ou comme n'étant rien. C'est dans cette conscience de n’être rien qu’est la spiritualité. Si nous avons une connaissance quelconque des lois cachées de la nature, ou si nous avons quelque tendance à penser: "Comme je suis bon, bienveillant, généreux, bien élevé, attrayant, combien j'ai d'influence", la moindre pensée de ce genre venant à l'esprit ferme les portes qui conduisent au monde spirituel. C'est un chemin si facile à parcourir, et pourtant si difficile! L'être humain est si naturellement orgueilleux qu'en paroles il se refusera mille fois une vertu, mais dans son cœur il ne pourra s'empêcher de se l'accorder, car l’ego lui-même est orgueil. L'orgueil est l’ego, l'homme ne peut vivre sans lui. Pour atteindre à la connaissance spirituelle, pour devenir conscient de la vie intérieure, il n'est point besoin de beaucoup apprendre, parce que là il s'agit de connaître ce que l'on sait déjà; il faut seulement le découvrir soi-même. Pour comprendre ce savoir spirituel, il n'est besoin de connaître que soi-même. On acquiert la connaissance du Soi qui est soi-même; si près, et pourtant si loin.

 

Un autre point à remarquer chez l'amant de Dieu, c'est la même tendance que celle de l'amant: il ne parle de son amour à personne; il ne le peut, aucun mot ne peut exprimer son amour; d'ailleurs, il n'éprouve aucun désir d'en parler. Même s'il pouvait éprouver ce désir, en présence de sa bien-aimée ses lèvres resteraient closes. Comment, alors, le vrai amant de Dieu pourrait-il professer: "J'aime Dieu"? Il garde son amour caché dans le silence de son cœur, comme une graine semée dans la terre; et si la semence croît, elle croît dans son comportement envers son prochain: il ne peut agir qu'avec bonté, son cœur n'est que pardon; chacun de ses mouvements, tout ce qu'il fait exprime son amour, mais non pas ses lèvres.

 

Cela montre que la plus grande règle que l'on doive observer dans la vie intérieure, c'est d'être effacé, silencieux, sans afficher sa sagesse, sans faire étalage de son savoir; sans aucun désir de laisser voir jusqu'où on est allé sur le chemin de l'évolution, ne se permettant même pas à soi-même de le savoir. La tache qu'il faut accomplir consiste à s'oublier complètement soi-même, et à vivre en bonne intelligence avec son prochain; agir en bon accord avec tous, rencontrer chacun sur son propre plan, parler à chacun sa propre langue; à répondre au rire d'un ami par un sourire, à la tristesse d'un autre par des larmes, à être près de ses amis dans leurs joies et dans leurs peines, qu'on soit très évolué ou non. Si l'homme, au cours de sa vie, devenait semblable à un ange, il accomplirait bien peu de chose. L'accomplissement le plus désirable pour l'homme est de remplir les obligations de la vie humaine.

 

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La Vie Intérieure   La réalisation de la vie intérieure

 

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