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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


HARMONIE
Mysticisme du son
Chapitre 3
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

L'Harmonie est la source de la manifestation, la cause de son existence et l'intermédiaire entre Dieu et l'homme. La paix, à laquelle aspire toute âme, cette paix, véritable nature de Dieu et but suprême de l'homme, n'est autre chose que le résultat de l'harmonie. C'est la preuve que, sans un sens d'harmonie, tout ce qui est accompli dans la vie est vain. C'est l'acquisition de l'harmonie qu'on appelle Ciel et l'absence d'harmonie qu'on nomme Enfer. Seul celui qui est le maître de l'harmonie comprend la vie; celui qui l'ignore est un insensé en dépit de toutes les autres connaissances qu'il a pu acquérir.

 

Le Soufi attache une grande importance à l'acquisition de l'harmonie, croyant que la lumière est pour les anges et les ténèbres pour le démon, mais que l'harmonie est indispensable à l'être humain pour conserver un équilibre dans la vie.

 

L'Harmonie se présente sous trois aspects: éternel, universel et individuel. L'Harmonie éternelle est l'harmonie de la conscience. Étant éternelle en elle-même, toute chose et tout être se meuvent et vivent en elle; cependant elle demeure à part, calme et paisible. C’est le Dieu du croyant et le Dieu de celui qui possède la connaissance. Toutes les vibrations, de la plus subtile à la plus grossière, aussi bien que chaque atome de la manifestation sont reliés entre eux par cette harmonie; création et destruction existent toutes deux dans le but de la maintenir. Son pouvoir attire finalement tout être vers la Paix éternelle.

 

Le pouvoir de l'harmonie attire l'homme dans deux directions opposées: vers l'Infini et vers la manifestation. Il est moins conscient de la première que de la seconde, et faisant face à l'une des directions il perd l'autre de vue. L'Infini étant l'esprit essentiel de tout, attire finalement tout à lui. Le Soufi attache la plus grande importance à l'harmonie avec l'Infini qu'il réalise par sa soumission à la volonté de Dieu, le Bien-Aimé.

 

L'existence de la terre et de l'eau, de la terre pour l'eau et de l'eau pour la terre, l'attraction entre les cieux et la terre, tout démontre une harmonie universelle. L'attraction réciproque du soleil et de la lune, l'ordre cosmique des étoiles et des planètes, toutes reliées et en rapport les unes avec les autres, se mouvant et agissant suivant une certaine loi, la succession régulière des saisons, la nuit faisant suite au jour et le jour à son tour, faisant place à la nuit, la dépendance des êtres entre eux, la distinction, l'attraction et l'assimilation des cinq éléments, tout prouve l'harmonie universelle.

 

Le mâle et la femelle, la bête et l'oiseau, la plante et le roc, toutes les classes de choses et d'êtres sont liées entre elles et attirées les unes vers les autres par une corde d'harmonie. Si un être ou une chose, en apparence inutile, manquait dans cet univers de variété sans fin, cela produirait l'effet d'une note oubliée dans un chant. "Tout être est né pour un but déterminé et la lumière de ce but est allumée dans son âme". (Saadi.)

 

Toutes les famines, pestes et désastres comme les orages, les inondations, les éruptions volcaniques, les guerres et les révolutions, si détestables qu'ils puissent paraître à l'homme, sont en réalité nécessaires pour régler cette harmonie universelle. On raconte en Inde comment tous les habitants d'un certain village ayant souffert de la sécheresse, se réunirent devant le temple de leur Dieu, implorant qu'une pluie abondante leur soit accordée cette année-là. De l'Invisible une voix répondit: "Tout ce que nous faisons est pour l'amélioration de notre but. Vous hommes, n'avez aucun droit de vous immiscer dans Notre Œuvre!" Mais ils demandèrent pitié et continuèrent avec plus de persévérance. Vint alors cette réponse: "Vos prières, vos jeûnes, vos sacrifices Nous ont amené à vous accorder pour cette année seulement autant de pluie que vous en désirez". Tous retournèrent chez eux, remplis de joie. A l'automne, ils travaillèrent avec ardeur; après avoir travaillé et ensemencé le sol, ils prièrent encore pour la pluie. Quand ils eurent jugé que la pluie était suffisante, ils se remirent à prier et la pluie cessa. Tous les habitants de cette contrée furent joyeux; ils firent ainsi une abondante récolte de blé, car il en poussa cette année-là plus que jamais auparavant. Après les récoltes cependant, tous ceux qui mangèrent de ce blé moururent et grand fut le nombre des victimes. Pleins de perplexité, les habitants eurent encore recours à leur Dieu, se prosternèrent devant le Temple en pleurant: "Pourquoi nous manifestes-tu ainsi ton courroux après nous avoir donné une si grande preuve de pitié?" Le Dieu répondit: "Ce n'était pas notre courroux, mais votre folie de vous immiscer dans notre Oeuvre; parfois nous envoyons la sécheresse, parfois une inondation pour détruire une partie de votre blé. Nous avons nos raisons pour agir ainsi, car de cette façon tout ce qui est poison et malsain se trouve supprimé; seul subsiste ce qui est profitable à la conservation de votre vie".

 

Les villageois se prosternèrent en une humble prière disant: "Nous n'essaierons jamais plus de diriger ce qui concerne l'univers; Tu es le créateur, Tu es celui qui contrôle, nous sommes tes enfants innocents; seul Tu sais ce qui est le meilleur pour nous". Le Créateur sait comment contrôler son monde, ce qui est à produire et ce qui est à détruire.

 

Il y a deux aspects d'harmonie individuelle: l'harmonie entre le corps et l'âme; l'harmonie entre les individus.

 

L'âme se réjouit du confort dont le moi extérieur fait l'expérience; cependant l'homme s'absorbe tellement en lui que le véritable bien-être de l'âme est négligé. Ce qui le rend mécontent à travers les satisfactions passagères dont il peut jouir. Ne le comprenant pas, il attribue la cause de cette insatisfaction à quelque désir insatisfait dans sa vie. La réalisation de toutes les passions terrestres donne une satisfaction momentanée, créant toutefois une tendance à souhaiter davantage; dans cette lutte, l'homme oublie la satisfaction de l'âme, passant son temps à la poursuite des jouissances et du bien-être terrestres, privant l'âme de son véritable bonheur. Le véritable bonheur de l'âme réside dans l'amour, l'Harmonie et la beauté qui procurent sagesse, calme et paix; plus ces qualités sont constantes, plus l'âme est satisfaite.

 

Si dans sa vie quotidienne, l'homme examinait chaque action qui a reflété sur son âme une image désagréable de lui-même, y causant obscurité et mécontentement; si d'autre part, il observait consciencieusement chaque pensée, parole ou action ayant produit intérieurement amour, harmonie, beauté et chaque sentiment lui ayant procuré sagesse, calme et paix, il comprendrait facilement alors la voie de l'harmonie entre l'âme et le corps et les deux aspects de la vie tant extérieur qu'intérieur, seraient satisfaits. La satisfaction de l'âme est beaucoup plus importante que celle du corps, car elle est plus durable. Ainsi, la pensée, la parole et l'action peuvent s'ajuster pour que l'homme puisse d'abord s'établir dans le moi par l'accord de l'âme et du corps.

 

Le second aspect de l'harmonie individuelle se pratique dans l'harmonie avec autrui. Tout être possède un égo individuel, produit de sa propre illusion. Sa vision s'en trouve limitée et se dirige vers son intérêt personnel; il juge le bien et le mal, le supérieur ou l'inférieur, le juste ou le faux en rapport avec lui-même et les autres, au moyen de sa vision limitée. Or elle est généralement plus partiale et imaginative que vraie. Cette obscurité est due à l'ombre projetée sur l'âme par le moi extérieur. L'être devient donc aveugle à ses propres infirmités, aussi bien qu'aux mérites des autres; la bonne action de son prochain devient mauvaise à ses yeux alors que sa propre faute lui paraît juste. C'est là le cas de l'humanité en général, jusqu'à ce que le voile des ténèbres soit ôté de ses yeux.

 

Le "Nafs", l'égo d'un individu est cause de toute inharmonie, tant avec lui-même qu'avec autrui, montrant ainsi son indiscipline dans tous les aspects de la vie. Le lion, souverain parmi tous les animaux, le plus puissant et majestueux, n'est jamais le bienvenu parmi les habitants de la forêt; il est même hostile à sa propre espèce. Deux lions ne s'accueilleront jamais amicalement car leur "nafs" est trop puissant. Bien que le lion soit le chef de tous les autres animaux, il est esclave de ses passions qui agitent sa vie. Le "nafs" des herbivores comme les moutons et les chèvres, est soumis; c'est pourquoi ils sont inoffensifs les uns envers les autres et même suffisamment harmonieux pour vivre en troupeaux. L'harmonie et la sympathie qui règnent entre eux leur fait partager mutuellement leurs joies et leurs tristesses, mais ils sont aisément victimes des animaux sauvages de la forêt.

 

Les Maîtres de passé, tels Moïse et Mahomet, ont toujours aimé garder leurs troupeaux dans le désert et Jésus-Christ parle de lui-même comme "le Bon Pasteur" alors que St. Jean-Baptiste parle de l'agneau de Dieu, inoffensif, innocent et prêt au sacrifice.

 

Le Nafs des oiseaux est plus doux encore; c'est pourquoi, sur le même arbre, peuvent vivre comme une seule famille des variétés multiples, chantant à l'unisson la louange de Dieu et s'envolant en bandes par milliers.

 

Parmi les oiseaux on trouve ceux qui reconnaissent leur compagne et vivent ensemble, construisant harmonieusement leur nid pour leurs petits, couvant les œufs chacun à son tour et partageant la tâche de nourrir leurs petits. Souvent ils pleurent et se lamentent de la mort de leur compagnon. Le Nafs des insectes est moindre encore; ils passent sur le corps les uns des autres sans se faire de mal, vivant ensemble par millions, comme une seule famille, sans faire de distinction entre ami ou ennemi. Cela montre combien le pouvoir du "Nafs" augmente à chaque degré de l'évolution de la nature, atteignant son point culminant chez l'homme, créant l'inharmonie dans toute sa vie à moins qu'il ne l'ait maîtrisé; ce qui amène en son moi le calme, la paix et un sens d'harmonie avec autrui.

 

Tout être humain possède un attribut particulier à son Nafs. L'un ressemble à un tigre, un autre à un chien, tandis qu'un troisième peut ressembler à un chat et le quatrième à un renard. Par là l'homme extériorise les bêtes et les oiseaux dans sa parole, ses pensées et ses sentiments. La condition de son Nafs est conforme à leur nature, prenant même parfois leur ressemblance. Sa tendance à l'harmonie dépend donc de l'évolution de son Nafs.

 

Lorsque l'homme commence à voir clairement à travers la vie humaine, le monde lui apparaît comme une forêt remplie d'animaux sauvages, combattant, tuant et s'entredévorant.

 

Il y a quatre différentes classifications d'hommes qui s'harmonisent entre eux suivant leurs différents degrés d'évolution. Ce sont:

1°L'angélique
2°L'humaine
3°L'animale
4°La diabolique. 

 

L'être angélique recherche le ciel; l'humain s'efforce sans cesse dans le monde; l'homme aux tendances animales les révèle dans ses plaisirs terrestres, alors que l'homme diabolique s'occupe à faire le mal, créant de ce fait un enfer pour lui et pour les autres. L'homme après son évolution humaine devient angélique; et par son développement dans l'animalité, il parvient au stade du démon.

 

La loi d'harmonie en musique veut que la note la plus proche ne fasse pas un intervalle consonant. Ce qui explique l'interdiction du mariage entre parents proches, à cause de la proximité morale et sanguine. En général l'harmonie réside dans les contrastes. Les hommes combattent les hommes et les femmes se querellent entre elles; mais le mâle et la femelle sont généralement en harmonie mutuelle et l'unité complète produit une parfaite harmonie.

 

En tout être les cinq éléments sont constamment en œuvre et dans tout individu l'un d'eux prédomine. Le sage a donc distingué en l'homme cinq natures différentes suivant son élément prédominant. Parfois deux éléments, ou même davantage, prédominent plus ou moins chez un être humain.

 

On peut apprendre l'harmonie de la vie de la même façon qu'on apprend l'harmonie de la musique. Que l'expression en soit directe ou indirecte, l'oreille devrait être entraînée à distinguer à la fois le ton, le mot et leur sens caché, savoir d'après le sens verbal et le son de la voix si un mot est vrai ou si c'est une fausse note; discerner le sarcasme et la sincérité; les mots proférés en plaisantant ou dits sérieusement; comprendre la différence entre la véritable admiration et la flatterie; différencier la modestie de l'humilité, un sourire d'une moquerie, l'arrogance de la fierté. Par là l'oreille s'exerce graduellement comme dans la musique et l'on sait exactement, aussi bien pour soi que pour les autres, si son propre ton et le mot qu'on prononce sont faux ou vrais. L'homme devrait, comme on cultive sa voix, apprendre dans quel ton certaines pensées ou certains sentiments devraient être exprimés. Il est des instants où il devrait parler fort, d'autres qui nécessitent une voix douce; chaque mot a besoin d'une certaine note, chaque discours une certaine élévation de timbre. En même temps l'on devrait se servir avec attention des notes aiguës ou sourdes tout en n'oubliant pas la clé.

 

Il y a neuf différents aspects de sentiments qui ont chacun leur mode d'expression: la joie s'exprime d'un ton vif, la douleur pathétiquement; la crainte s'exprime avec une voix tremblante, la pitié d'une voix tendre, la surprise avec un ton d'exclamation; le courage dans un ton emphatique, la frivolité sur un ton léger, l'attachement avec un ton profond, l'indifférence avec la voix du silence.

 

Celui qui n'est pas exercé y apporte de la confusion. Il murmure les mots qui devraient être entendus et crie ceux qui devraient rester cachés. Certains sujets doivent être présentés d'une voix puissante tandis que d'autres demandent peu de voix. On devrait considérer le lieu, l'espace, le nombre de personnes présentes, leur qualité et leur degré d'évolution, parler suivant leur compréhension, comme il est dit: "Parlez aux gens dans leur propre langage". Avec un enfant on doit avoir un parler enfantin, avec les jeunes il faut employer les mots appropriés; avec les gens âgés leur parler selon leur entendement. Nous devrions avoir une façon nuancée d'exprimer nos pensées de sorte que toutes ne puissent être conduites avec le même fouet. C'est la considération pour autrui qui distingue l'homme des animaux.

 

Il faut comprendre que le rythme est l'équilibre de la parole et de l'action. Il faut parler à son heure, sinon le silence est préférable à la parole. Un mot de sympathie pour la douleur d'un autre, un sourire au moins en réponse au rire d'un ami. Il faudrait toujours attendre le moment opportun pour lancer un sujet dans une réunion et ne jamais changer brusquement de conversation, mais lier harmonieusement deux sujets. On devrait également attendre patiemment quand un autre parle et freiner sa propre parole lorsque des pensées incontrôlées font irruption, afin de conserver le rythme de sa parole et d'en garder le contrôle. On devrait faire ressortir les mots importants en tenant compte des accents forts ou faibles. Il est nécessaire de choisir le mot adéquat et le mode d'expression, de régulariser la vitesse du débit, tout en conservant le rythme. Certaines personnes commencent à parler lentement, puis graduellement, augmentent la rapidité de leur discours pour en arriver au point de ne plus pouvoir parler de façon cohérente.

 

Ce qui précède s'applique à tous les actes de la vie.

 

Comme le fait l'étudiant en matière musicale, le Soufi exerce à la fois sa voix et son oreille à l'harmonie de la vie. L'entraînement de la voix consiste à prendre conscience de chaque mot prononcé, de son ton, son rythme, son sens et son application à l'occasion. Une parole de consolation, par exemple, devrait être exprimée dans un rythme lent, d'une voix douce et d'un ton sympathique. Quand on profère une parole de commandement, un rythme vivant, une voix puissante et nette sont nécessaires. Le Soufi évite toutes les actions arythmiques. Il conserve le rythme de sa parole sous le contrôle de la patience, n'émettant pas une parole avant le temps voulu, ne répondant jamais avant que la question soit terminée. Il considère une parole contradictoire comme une discordance, sauf si elle est prononcée dans un débat, et même alors il essaie de la résoudre en un accord. Chez l'homme une tendance à contredire se transforme en passion jusqu'à en arriver même à la contradiction de son idée personnelle si elle est proposée par un autre.

 

En vue de conserver l'harmonie, le Soufi module même son discours d'une clé à une autre; en d'autres termes, il répond aux idées d'un interlocuteur en considérant le sujet du point de vue de celui qui parle au lieu du sien propre. Il forme la base de toute conversation par une introduction appropriée, préparant ainsi les oreilles de ses auditeurs à un accueil parfait. Il surveille chacun de ses mouvements, chacune de ses expressions aussi bien que ceux des autres, cherchant à établir un accord harmonieux entre lui et ceux qui l'écoutent. Il faut plus longtemps pour acquérir l'harmonie dans la vie, une étude plus soigneuse encore que ne le demande celle de l'entraînement de l'oreille et la culture de la voix, bien qu'on y parvienne de la même façon que pour la connaissance de la musique. A l'oreille d'un Soufi, chaque parole harmonieuse est comme une note juste; elle est fausse quand elle est discordante. La gamme de son discours est soit majeure, soit mineure ou chromatique, suivant l'occasion et ses paroles sont aiguës, sourdes ou naturelles en accord avec la loi d'harmonie. Par exemple les modes d'expression directs, parlé et plein de tact d'un discours sont comme sa gamme majeure, mineure ou chromatique, représentant la domination, le respect et l'égalité.

 

Dans la conversation, le Soufi adopte un mouvement identique pour s'adapter au temps et à la situation: il les suit pas à pas, acquiesce, se différencie et même s'oppose, tout en gardant la loi d'harmonie.

 

Prenez deux individus comme deux notes; l'harmonie établie entre elles forme des intervalles consonants ou dissonants, parfaits ou imparfaits, majeurs ou mineurs, diminués ou augmentés, comparables à ceux qui peuvent se présenter chez les individus.

 

L'intervalle de classes, croyances, castes, races, nations ou religions aussi bien que l'intervalle de l'âge, du degré d'évolution ou d'intérêts variés et opposés montrent là clairement la loi. Un homme sage serait plus vraisemblablement en harmonie avec un serviteur niais qu'avec un homme demi-sage qui se penserait infaillible. Il est de même possible qu'un sage se trouve loin d'être heureux dans la société d'un fou et vice-versa. L'orgueilleux se querellera toujours avec un orgueilleux alors qu'il supportera celui qui est humble. Il est également possible aux orgueilleux de s'entendre sur une commune question d'orgueil, de race ou de naissance, par exemple.

 

Parfois l'intervalle entre deux notes désaccordées se trouve comblé par une note intermédiaire formant un accord consonant. Par exemple, un désaccord entre mari et femme peut être résolu par le lien qu'est l'enfant, ou le désaccord entre frère et sœur peut cesser par l'intervention du père ou de la mère. De cette façon, si peu en harmonie que puissent être deux personnes, la formation d'un accord consonant par l'intervention d'un lien, crée l'harmonie. Un être sot est une note sans souplesse tandis qu'une personne intelligente est souple. Le premier tient à ses idées, ses goûts, ses dégoûts et ses convictions, qu'ils soient justes ou faux; tandis que la seconde les rend aigus ou doux en élevant ou baissant le ton et la portée, s'harmonisant avec l'autre suivant la nécessité de l'occasion. Le diapason est toujours en harmonie avec chaque note car il possède en lui toutes les notes de la gamme. Le Soufi s'harmonise de la même façon avec chacun, bon ou mauvais, sage ou insensé, en devenant semblable au diapason.

 

Toutes les races et nations, les classes et les peuples sont comme un chant musical basé sur un accord lorsque le diapason, l'intérêt commun, maintient tant de personnalités en un seul lien d'harmonie. En étudiant la vie, le Soufi apprend et exerce la nature de son harmonie. Il établit l'harmonie avec lui-même, les autres, l'univers et l'infini. Il s'identifie à un autre, se voit lui-même pour ainsi dire, en tout autre être. Il ne se soucie pas plus du blâme que de la louange, considérant que tous deux viennent de lui. Si quelqu'un laissant tomber un poids lourd se blessait le pied, il ne mettrait pas sa main en cause, se rendant compte qu'il est lui-même dans la main et le pied. Par là même le Soufi est tolérant quand un autre le blesse pensant que le mal est venu de lui-même. Il se sert du contrepoint, nuançant la conversation peu désirable de l'ami et la composant en une fugue. Il ferme les yeux sur les fautes des autres, considérant qu'ils ne savent pas mieux. Il cache les fautes d'autrui et supprime tous les faits qui pourraient produire l'inharmonie. Il est en lutte continuelle avec le "Nafs", racine de toute inharmonie et seul ennemi de l'homme. En écrasant cet ennemi, l'homme acquiert la maîtrise sur lui; il obtient ainsi la maîtrise sur l'univers entier parce qu'il a renversé le mur qui s'élevait entre lui et le Tout-Puissant. Tendresse, douceur, respect, humilité, modestie, abnégation, délicatesse de conscience, tolérance et pardon sont considérés par le Soufi comme les facteurs producteurs d'harmonie, tant dans sa propre âme que dans celle des autres. L'arrogance, la colère, le vice, l'attachement, l'avidité et la jalousie sont les six principales sources d'inharmonie. Le Nafs, le seul créateur d'inharmonie, devient plus puissant à mesure qu'on a pour lui plus d'indulgence; ce qui revient à dire que plus on accède à ses désirs, plus il est satisfait. Il montre momentanément sa satisfaction d'avoir obtenu ce qu'il réclamait, mais bientôt après il demande plus encore, jusqu'à ce que la vie devienne un fardeau.

 

Le sage découvre cet ennemi comme l'instigateur de tous les malheurs, mais généralement tout le monde blâme autrui de son infortune dans la vie.

 

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Le Mysticisme du Son

  Le Nom  

L'harmonie

 

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