Les efforts pour détourner le peuple
de l'idolâtrie |
Mohammed oeuvra discrètement pendant trois ans sevrant son peuple du culte des idoles. Mais le culte des idoles était si profondément gravé dans leur cœur qu'il n'était pas facile d'en effacer l'empreinte. Par ailleurs, l'Islam possédait la vérité pure, et celle-ci a été de tous temps sans intérêt et incompréhensible pour un esprit ordinaire pour lequel les idoles offrent naturellement bien plus d'attirance. D'autre part, les croyances aveugles des masses procuraient aux plus puissants et aux plus intelligents d'entre eux leur source de revenus, et l'oligarchie était une autre force dont dépendait leur destin. Malgré toutes les difficultés, trente disciples acceptèrent la foi pendant ces trois années, ce qui n'était pas un si mince avantage. Aussi lente que semblât la progression de l'Islam, cela ne découragea jamais le cœur vivant de Mohammed. Ferme dans sa foi en Allah, solide sur ses deux pieds, à travers toutes les difficultés et les obstacles semés sur son chemin, il tint bon.
La force divine cherche inlassablement: "A travers qui pourrais-je parler au monde?", tout comme le maître spirituel pense continuellement: "Qui pourrais-je inspirer et guider?" Il conduit les plus évolués d'une certaine manière, il guide ceux dont l'évolution est différente d'une autre manière, comme le ferait un médecin qui ne traite pas tous ses patients de la même façon. Parfois, le patient frappe le médecin, parfois s'il est angoissé, il lui donne un coup de poing dans la figure ou il lui crache sur les mains. Le médecin ne s'en formalise pas, il pense: "Je suis ici pour guérir", et ne se préoccupe pas de la manière dont le patient se conduit; il le soigne. Le maître spirituel ne se préoccupe pas de la manière dont le disciple se conduit; il le guide malgré tout.
Ses compatriotes commencèrent à douter de la santé mentale d'Al Amîn et pensèrent qu'il était devenu fou ou obsédé, mais lui poursuivit son travail avec la force de Dieu, tranquillement, consciencieusement.
La force de la foi dans le cœur de Mohammed, et la beauté de la sagesse divine, qui est toujours à la recherche d'une occasion de se dévoiler, encouragea maintenant Mohammed à dire à haute voix ce qu'il disait depuis si longtemps à voix basse. Il convoqua une assemblée sur le Mont Safah et leur parla en termes ardents, leur expliquant combien le culte des idoles est un crime aux yeux du Dieu vivant, et à quel point il obscurcit le chemin des Cieux. Il leur dit comment les prophètes du passé avaient prévenu les gens qui n'obéissaient pas, et les malédictions qui s'en étaient suivies pour eux. Il les invita à adopter la religion de l'amour et de la sagesse, et les pressa d'abandonner le culte des idoles. Les railleurs se moquèrent et les hommes sarcastiques ironisèrent en entendant cela. Certains s'amusèrent de l'enthousiasme de Ali et s'en allèrent; d'autres continuèrent de se moquer dans leur scepticisme. Certains s'éclipsèrent, effrayés par ce qu'ils croyaient être le signe avant-coureur d'une révolution parmi eux. Bref, personne ne sembla répondre publiquement à l'appel du Maître.
Comme il n'avait pas réussi à convaincre les Qorayshites de la vérité simple et claire qu'il présentait, il s'adressa aux étrangers venus à la Mecque en pèlerinage ou pour affaires. Mais là aussi, les habitants de la ville firent de leur mieux pour influencer défavorablement les étrangers tant que leurs impressions étaient encore fraîches. Pourtant "les flèches de la vérité percent les montagnes et les collines". Bien que les Qorayshites fissent passer Mohammed pour un dangereux magicien, certains de ces étrangers l'écoutèrent et racontèrent aux leurs qu'il y avait à la Mecque un homme courageux qui enjoignait ouvertement toutes les tribus d'Arabie d'abandonner l'idolâtrie, le culte de leurs ancêtres, et les conjurait à haute voix de s'unir dans la véritable foi en Dieu.
Un chef Yathrabit (de Yathrib, appelée plus tard Médine) demanda aux Qorayshites de la Mecque d'écouter le nouveau prédicateur. "Un homme honorable a adopté une certaine religion. Pourquoi le persécuter? Car seul le Seigneur du ciel peut lire dans le cœur de l'homme". Les hommes de Yathrib prêtèrent serment: "Nous n'associerons rien à Dieu, nous ne volerons pas, nous ne commettrons pas l'adultère ni la fornication. Nous ne tuerons pas nos enfants. Nous nous abstiendrons de calomnier et de diffamer. Nous obéirons au Prophète dans tout ce qui est juste et nous le suivrons dans le bonheur comme dans le malheur". Mohammed parla aux gens de Yathrib: "O gens de Yathrib, montrez votre joie en donnant à vos voisins le salut de paix. Donnez des parts aux pauvres. Resserrez vos liens de parenté. Priez pendant que d'autres dorment. Ainsi vous entrerez en paradis".
Mais rien ne pouvait dissiper l'obscurité dans l'esprit des Qorayshites car aucune lumière, aussi brillante soit-elle, ne peut changer la nuit en jour. Ils n'épargnèrent rien pour torturer la vie de Mohammed. Ils l'interrompaient dans ses prières à la Ka'ba; ils le poursuivaient partout où il allait; ils jetaient des saletés et des ordures sur lui et sur ses disciples lorsqu'ils faisaient leurs prières dans des vêtements propres. Ils répandaient des épines dans les lieux où il venait le plus souvent se prosterner devant le Tout-Puissant. Malgré toutes ces épreuves, le coeur de Mohammed, fermement ancré dans sa foi en Dieu, ne fléchit pas un seul instant. Il poursuivit assidûment la mission pour laquelle il avait été créé, en affrontant quantité de dangers qui menaçaient sa vie à chacun de ses pas. Il n'y avait pratiquement aucune protection contre ces dangers si ce n'était garder bon espoir, conserver sa présence d'esprit, sa gentillesse, son calme naturel et une grande maîtrise de soi.
Abou Talib, l'oncle de Mohammed, avait gardé la croyance de ses ancêtres. Ayant appris que Mohammed suivait une religion différente de celle de leurs ancêtres, il vint le trouver et lui demanda: "O fils de mon frère, quelle est cette religion que tu suis? Délivre-nous des maux qui s'amoncellent sur toi et sur notre famille". Mohammed répondit: "O mon oncle, si le soleil tombait sur ma main droite et la lune sur ma main gauche pour me combattre, et si je devais choisir entre renoncer à ma mission ou périr en l'accomplissant, je ne dévierais pas de mon but". Voyant que beaucoup étaient hostiles à Mohammed à cause de sa mission bénie, Abou Talib déclara ouvertement que Mohammed était le bienfaiteur de la veuve et de l'orphelin, qu'il était Al Amîn, celui qui ne manque jamais à sa parole ni à ses actes, et que, si les Qorayshites voulaient à tout prix lui faire du tort, les enfants de Hashim et de Mutalib défendraient l'innocent au prix de leur vie.
Certains furent à demi intéressés et dirent: "Nous attendrons, pour nous convertir, que l'opposition soit calmée, ensuite nous en apprendrons davantage". Quelques-uns des disciples ne disaient à personne qu'ils étaient des adeptes, mais, peu à peu, cela finissait par se savoir, et ils rencontraient alors beaucoup d'inimitié. Ses disciples entouraient Mohammed pour le protéger du danger. S'ils avaient faibli à ce moment-là, le message aurait été perdu. Mais ils étaient déterminés et prêts à chaque instant à donner leur vie pour le protéger. Mohammed vécut ainsi un certain temps au milieu des dangers, des attaques et de l'hostilité. Puis, voyant que beaucoup de ses disciples étaient persécutés et que certains étaient tués, il pensa qu'il valait mieux aller dans un autre pays. Il demanda à ses disciples s'ils étaient prêts à faire l'hégire, c'est-à-dire à abandonner ce qu'ils avaient. Ils dirent qu'ils étaient prêts. C'est alors qu'il alla avec eux à Jash en Abyssinie, un lieu peu éloigné, mais dans un autre pays dont le roi était chrétien.
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