Premier disciples |
Un poème persan dit: "Ne mange pas de halva tout seul. Le pain sec tu peux le manger seul, mais si tu prépares du halva, invite un ami".
La première personne avec qui Mohammed souhaita partager son expérience fut sa femme Khadidja. Il lui dit: "Viens avec moi dans la montagne". Il y emmena aussi son cousin Ali, et tous deux découvrirent la splendeur de la nature. Il les emmenait non pour les détourner de leur religion mais parce que son esprit généreux souhaitait partager avec d'autres. Il voulait qu'ils fassent eux aussi l'expérience d'une joie qu'il considérait comme la plus haute. Il ne les dissuadait pas du culte de leurs idoles, mais les voyant égarés, il les prit par la main pour les conduire sur la bonne route. Il leur apprit à adorer le Dieu vivant avec toutes les prosternations qu'ils avaient réservées auparavant à leurs idoles.
C'était l'achèvement de la religion qui devait s'accomplir: que l'homme vénère le Dieu du dedans, le Dieu qui voit par nos yeux, qui entend par nos oreilles, qui fait l'expérience de la vie comme plante ou comme rocher, afin que l'homme n'adore plus les statues ou les images, qu'il n'adore plus par l'entremise du prêtre qui prétend lui enseigner telle ou telle croyance, ou lui faire suivre l'ordre d'une voix qui dirait: "Venez dans cette église ou dans ce lieu". Dans le désert, en mer, dans la forêt, partout où il en a le temps et sans intermédiaire, l'homme devrait lui-même adorer et reconnaître Dieu. Une grande opposition commença à se manifester parmi les gens de La Mecque, car l'un pensait: "Le temple que tient mon beau-père sera détruit". Un autre pensait: "Le temple que tient le mari de ma sœur n'existera plus". Ces préoccupations matérielles agitaient leurs esprits et ils s'opposèrent vivement à Mohammed. Grâce à leur notoriété, Abou Talib et Khadidja purent atténuer les effets de l'opposition contre eux, mais les disciples plus pauvres furent bien davantage persécutés qu'eux-mêmes.
Alors son épouse bien-aimée Khadidja mourut. Mohammed avait déjà perdu deux fils, et son oncle Abou Talib aussi était mort. Pour son cœur reconnaissant, la perte de cet oncle qui l'avait élevé fut le premier coup très dur. Ensuite la mort de sa femme fut pour lui un très grand chagrin. En dehors de l'attention d'une mère ou d'un parent, s'il avait eu quelque réconfort dans sa vie, il le devait à son épouse dont le dévouement et les attentions avaient été très grands.
Son mariage lui avait apporté le calme et le quotidien dont il avait besoin pour préparer son esprit à cette grande tâche. Mais au-delà de cela, il lui avait aussi apporté le cœur d'une femme aimante qui était la première à avoir eu foi en sa mission. Toujours prête à le consoler dans son désespoir et à partager ses responsabilités, elle avait entretenu en lui la petite flamme vacillante de l'espoir lorsque personne, pas même lui-même, ne croyait en lui, et le monde désormais était noir à ses yeux.
On a souvent reproché à la religion musulmane d'avoir privé la femme de sa liberté. Si on lit la vie de Khadidja, on verra comme elle fut honorée. Mohammed ne voulait jamais manger sans elle, ne voulait jamais boire sans elle, ne voulait aller nulle part sans elle. Lorsqu'elle entrait dans la pièce, il se levait et disait: "Voici ton siège, ma reine". Tel était le respect qu'il avait pour elle.
Elle lui témoignait un grand dévouement. Lorsque Mohammed manquait de confiance en lui, elle disait: "Pourquoi ne serais-tu pas élu? Je suis témoin que tu es un homme vertueux, qu'il n'y en a pas d'autres comme toi. Pourquoi n'accepteras-tu pas le Message de Dieu? Je crois que tu es l'homme destiné à cela." Elle acceptait la foi de son mari, elle y croyait quand lui-même en doutait encore, elle la lui confirmait et la préférait à la croyance de ses ancêtres. Par sa force d'âme, elle lui inspira un grand courage. Allah dit d'elle dans le Coran: "Nous l'avons réconforté à travers elle lorsqu'il revenait vers elle", car elle le soutenait et rendait sa tâche plus légère en l'assurant de sa confiance et en lui montrant la futilité et l'inutilité du bavardage des hommes. Elle fut la première Musulmane. Tout le crédit lui en revient en priorité, et à partir d'une seule femme la religion parvint au monde entier. Que ceux qui connaissaient le mieux Mohammed, sa propre famille et surtout sa femme, l'aient cru digne d'estime est un grand signe de sa valeur. Dans la relation entre mari et femme, tous les travers, tous les défauts sont connus. S'il y avait eu dans l'esprit de Khadidja le moindre doute quant à savoir s'il en était digne, elle n'aurait pas été sa première disciple, elle n'aurait pas été sa première conseillère et sa consolatrice. Beaucoup sont grands au loin, qui ne sont rien dans leur village, parce que là leurs défauts sont connus.
Le chagrin de Mohammed fut immense. Des jours durant il pleura et appela son nom. La seule chose qui le consolait était cette parole intérieure murmurée par les lèvres de son cœur: "Tu es l'homme, tu es celui qui avertit, tu es le réformateur".
Ses disciples avaient beaucoup de mal à lui rendre sa gaieté et sa bonne humeur d'avant. C'étaient de si fidèles disciples; ils ne cessaient de l'entourer et, partout où il pouvait y avoir du danger, ils couraient devant lui pour le protéger, pensant: "Soyons tués s'il le faut, mais pas lui". Ils estimaient que c'était un bonheur de donner leur vie pour la cause de la vérité.
Après Khadidja, Ali fut le deuxième disciple de Mohammed. Il était non seulement son cousin mais presque son fils adoptif. Mohammed ouvrait d'abord son âme à ceux qui étaient proches. Parfois il les emmenait avec lui au Ghare-e-Hira pour prier avec lui dans la solitude le Dieu vivant. L'oncle de Mohammed, Abou Talib qui l'avait élevé, lui avait dit: "Je ne sais pas grand-chose de la religion, mais je sais que tu es un homme vertueux. Je te confie mon fils Ali et je suis sûr que tu seras pour lui un bon guide". Mohammed prit donc Ali sous sa guidance et il le laissait parfois plusieurs jours dans la montagne. C'est là que le mysticisme, la science du souffle, le Soufisme lui fut enseigné.
Mohammed prêcha au Mont Safah et les Soufis qui vivaient là furent ses premiers disciples. C'étaient des philosophes, des métaphysiciens, des ascètes, et ils n'adoraient pas les idoles.
La religion de Mohammed attira ensuite quelques âmes qui étaient prêtes à la recevoir, les premiers parmi eux étant Abou Bakr. Abou Bakr était un homme important parmi les Qorayshites et possédait une grande fortune. C'était un homme doué d'une intelligence claire et d'un jugement sain, et dans son califat il fit preuve d'une grande énergie doublée de prudence et d'honnêteté. Le fait qu'il adopta sans hésiter la nouvelle foi est en soi la preuve qu'il était beaucoup plus évolué que ses frères qui lui étaient opposés.
Othman le suivit. C'était un lettré, ce qui était rare en ce temps-là, surtout en Arabie. Son assistance fut d'une grande utilité, car il consigna les sourates du Coran à mesure qu'elles étaient révélées. Il fut le troisième calife, après Abou Bakr. Ensuite vinrent Abd'ul Rahman, Sad, le futur conquérant de la Perse, et Zubair. Ceux-là furent les premiers disciples qui reçurent la bénédiction de l'initiation des mains de Mohammed.
Un jour Omar, qui était un ennemi, prépara une épée, empoisonnée comme c'était alors la coutume, et partit tuer Mohammed. En chemin il apprit que sa sœur était devenue une disciple de Mohammed et il décida de la tuer la première. Il arriva chez elle et la trouva en train de lire le Coran. Elle lui dit: "Je ne te crains pas, ni ta forte voix, ni ton épée, ni tes regards furieux. Depuis que j'ai appris la vérité, je crains Dieu et ne crains personne d'autre". Omar lui dit: «Tu parles beaucoup de vérité. Si c'est ça la vérité, lis-la-moi». Elle lut dans le Coran et Omar fut touché. C'était un homme sensible et son cœur fut attendri; le sentiment était vivace en lui et ce sentiment fut touché. Il se rendit chez Mohammed l'épée à la main et lui dit: "J'étais parti dans l'intention de te tuer car j'étais ton adversaire acharné, mais maintenant j'ai compris la vérité. Alors, tue-moi". Peut-on penser que Mohammed, qui était indulgent pour tous, même pour ses pires ennemis, aurait pu le tuer? Il l'embrassa aussitôt, disant: "Mon frère, je suis heureux que tu sois venu pour être mon disciple".
Quelques autres le suivirent qui étaient de condition plus modeste. Le but prédestiné de la vie de Mohammed révéla sa promesse d'avenir dès ses modestes débuts. Tout d'abord sa femme et son cousin devinrent ses premiers disciples, et ils étaient assez proches de lui pour connaître ses mérites autant que ses fautes. Ils auraient remarqué la plus petite chose dans sa vie susceptible d'altérer leur confiance en lui comme prophète inspiré de Dieu. Ensuite, et bien que peu nombreux, les premiers qui adoptèrent sa religion étaient les hommes les plus intelligents du pays à cette époque. Ils étaient de ses amis, ils le voyaient dans toutes les circonstances de la vie. S'ils avaient eu la moindre raison de douter de sa mission prophétique, ils l'auraient quitté sans aucun doute. Ceci était un grand témoignage de la bénédiction de prophétie qu'il avait reçue, et ses tout premiers disciples assurèrent les fondations, modestes mais encourageantes, de ce qui accomplirait un jour la promesse faite par Dieu à Abraham:
"Pour Ismael je t'ai exaucé.
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