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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


La prédisposition de l'âme de Mohammed
La vie mystique du prophète Mohammed
La vie de Mohammed

Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Ainsi l'âme prédisposée de Mohammed s'éveilla peu à peu à la recherche de la vérité, lui donnant faim de cette nourriture que son âme réclamait. Il vint à son esprit des questions concernant la vie, concernant la mort, concernant la joie, concernant la douleur. Où pourrait-il en trouver la solution? Un besoin passionné s'éleva en lui d'adresser ses louanges à quelqu'un qui mériterait réellement l'adoration. Où pourrait-il le trouver parmi les idoles de tant de dieux et de déesses à la face hideuse plantées dans l'entourage, idoles non seulement inférieures à l'homme, qui au moins peut répondre à un appel, mais même plus impuissantes que les animaux et les oiseaux, et même incapables de voir malgré leurs yeux toujours si largement ouverts durant le jour et la nuit.

Il ne vit aucun être parmi toutes les créatures de la terre qui ne fût pas sujet à la naissance et à la mort. Il ne vit personne qui ne fût indemne d'erreur, ni au-dessus des fautes. Il ne vit personne d'assez puissant pour ne pas avoir d'égal. Il ne vit personne de miraculeux qui fût au-delà de l'impuissance humaine. Il regarda en haut et vit les étoiles, la lune, le soleil; la lune radieuse dans sa beauté, le soleil seul, sans égal dans sa splendeur, intouchable là-haut, mais tantôt présent et tantôt absent. Comment pourrait-il se reposer sur une présence qui vient et puis disparaît à la vue? Il ne trouva personne autour de lui qui pût dire pourquoi les gens étaient tant égarés, personne pour soulager son cœur aimant de la douleur et des souffrances de toute l'humanité qu'il portait dans son cœur. Il se posait des questions: pourquoi est-ce que les hommes ne vivraient pas dans cette harmonie que notre cœur le plus intime recherche? Qu'est-ce qui en vaut réellement la peine dans la vie, le pouvoir, la situation, la fortune et la gloire, ou bien y a-t-il quelque chose d'autre? Où se trouve notre origine? Où est la destination de notre vie? Pourquoi la souffrance existe-t-elle dans chaque aspect de la vie? Pourquoi tous ces troubles en tous lieux? Il vit chaque individu centré sur son propre intérêt. Il pensa: qui prendra à cœur l'intérêt des autres? Il se trouva comme perdu parmi les nuages de confusion, sans que nulle part il semblât y avoir une source de sagesse pour apaiser sa soif, sans que nulle part il apparût une torche de lumière pour lui montrer son chemin dans cette obscurité. La seule chose à laquelle il put penser fut de se retirer loin de tous ceux qui se trouvaient autour de lui, amis ou ennemis, sages ou insensés, d'aller dans la solitude et de dénouer lui-même ces nœuds.

Ce maître promis de l'humanité, inconscient de sa tâche à venir, se prosternant la face dans la poussière, se rendit au Dieu vivant, attirant ainsi Sa miséricorde et Sa compassion sur la terre. Il s'immergeait si profondément en lui-même pendant des heures qu'aucune idée de temps, aucun manque de nourriture, aucune inclination au sommeil, rien n'était capable de distraire son esprit de cet état d'absorption. C'était là la bonne manière, c'était là le seul chemin. Si quelqu'un a atteint la réalisation de la vérité, c'est en la cherchant au-dedans de son propre être. Il aimait chaque jour davantage la solitude et s'asseyait sur les rochers du Mont Hira, cherchant tout alentour une aide, là où nul homme et même pas d'oiseau ou d’animal sauvage n'étaient en vue. Le désert nu avec ses rochers muets, dénués même d'arbres et de plantes, parla sans entraves quand le moment béni arriva. Il ferma les yeux et dirigea son attention pour écouter si quelque réponse venait du dedans, sinon du dehors. Alors vint la réponse à son appel fervent. Quelque chose du dedans dit: "Crie le nom de ton Dieu". Il dit: "Quel Dieu? Mon peuple en a des milliers". La seconde fois, comme une voix plus claire dit: "Crie le nom de ton Dieu", il répondit: "Non, je ne le ferai pas, car je n'ai pas de Dieu défini pour moi". Alors vint une troisième injonction: "Répète le nom de ton Seigneur, le Dieu vivant, le seul Dieu que tu aies appelé". Il commença alors à crier à haute voix: "Allah! Allah!" Et comme il le répétait, les nuages de la confusion qui l'entouraient commencèrent à se dissiper à sa vue. A chacun de ses appels "Allah!", les oreilles de son âme entendirent, répété un million de fois à travers toutes choses, à travers la lumière du soleil, à travers la clarté de la lune, à travers le scintillement des étoiles, à travers le murmure de la brise, à travers la plainte de la nuit sombre: "Je suis ici", "Je suis près", "Je suis ton Seigneur", "Je suis ton Dieu".

L'amour de Mohammed, l'amant divin idéal, jaillit de son cœur en écoutant la réponse du Bien-Aimé, les mots dispensateurs de vie de Celui qui était désiré. Versant des larmes de joie, il sentit son corps empli de légèreté, qui se sentait comme voler, qui se sentait comme prêt à sauter du haut des montagnes. Et qu’était-ce donc? C'était le commencement du duo d'amour entre l'amant terrestre et le divin Bien-Aimé. C'était la première rencontre du regard de l'amant et de la beauté de la Bien-Aimée. Pour la joie de ce stade où l'on commence à faire la cour, si les anges pouvaient en être témoins du haut des cieux, ils tomberaient des cieux pour devenir un homme de la terre.

Quand l'amour se manifeste à la fois dans l'amant et la bien-aimée, alors il est naturel que la bien-aimée demande à l'amant non seulement l'amour, l'admiration ou l'attention mais le sacrifice, le service. La pensée de Dieu cherchant un esprit responsable, le verbe de Dieu cherchant une langue de feu rayonnant constamment, l'esprit de Dieu cherchant une âme pure, la miséricorde de Dieu cherchant un cœur aimant se réjouirent de la dévotion de Mohammed, comme une jeune fille aimée se réjouirait d'un admirateur, surtout de celui qui pourrait voir et admirer sa beauté tandis que la foule cherche autre chose avec les yeux fermés. Le cœur aimant de Mohammed dans le Ghare-e-Hira  (Une grotte du Mont Hira)écoutait de plus en plus attentivement les paroles de son Bien-Aimé céleste. Et qu'était-ce donc? C'était l'appel, la demande du sacrifice, du service. L'intellect de Mohammed disait: "Mais comment peut-on faire? La raison n'y peut rien comprendre. Ce Dieu mien, omniprésent et omnipotent, sans forme et sans couleur, que j'ai réalisé, sera tellement différent des dieux du peuple". Mohammed se regarda lui-même et imagina: "Moi, goutte dans la mer - et voici la divine injonction de secouer l'océan tout entier!" Stupéfaction au-delà de toute explication. Comment l'accomplir? Où aller? A qui demander? Que faire? Et son corps qui tremblait même à l'idée de cette responsabilité! Imaginez le roi demandant à un général d'opposer sa petite armée aux forces du monde entier réunies pour le combat. Quel serait alors son état d'esprit? Et l'esprit sensible de Mohammed qui était empli d'amour et nourri de sympathie commença à voir le monde entier devant lui en armes. Il ne pouvait ni refuser la parole du Tout-Puissant, la demande du Bien-Aimé, le commandement de l'Être Suprême, ni voir son chemin ouvert où que ce soit, tel que le monde apparaissait à son expérience

Il rentra chez lui en hâte depuis le Ghare-e-Hira, perdu dans son expérience récente, et chercha refuge près de la consolatrice de son cœur, jusque là sa seule conseillère sur la face de la terre, sa femme Khadidja. Il lui demanda de le cacher. Il ne pouvait expliquer ce qu'il ressentait ni que le fait d'être ainsi caché pourrait cacher à sa propre vue son petit moi qui semblait être chargé du poids de la terre et des cieux. Malgré toute sa discipline et sa réponse courageuse à la Volonté Suprême, il ne savait pas encore que Sa puissance est suffisante pour porter n'importe quelle responsabilité, si lourde soit-elle, et il ne connaissait pas encore la force toute-puissante qui se cachait sous le voile de son moi limité et impuissant.

Nous avons proposé notre confiance aux montagnes qui n'ont pu la supporter. Ensuite nous avons proposé notre confiance aux arbres qui n'ont pu en supporter le poids. Alors nous l'avons proposée à l'homme et c'est lui qui l'a acceptée". Quelle était cette confiance? On peut la comprendre dans une faible mesure comme la charge qui est donnée aux parents concernant leurs enfants, à un capitaine concernant son vaisseau, à un gouverneur concernant son gouvernement, à un roi envers son royaume, au Wali, Ghawth, Qutb et Nabi concernant la charge des âmes qui sont sous leur influence pour les guider et les gouverner, mais la culmination de cette confiance était cachée dans le Risalat qui était conféré à Mohammed.

C'était la charge non seulement de glorifier le nom de Dieu devant le monde en général - et, qui plus est, à une époque où le dieu du mari était différent du dieu de la femme et où, à cause de cette différence même, le sabre était toujours dégainé - mais cette responsabilité consistait en fait à interpréter de façon juste la vérité divine enseignée par les divers Messagers, la vérité qui avait été maltraitée jusqu’à un certain point dans les diverses écritures religieuses, ceci afin qu'un lien de fraternité puisse être établi parmi les enfants d'Adam, parmi les créatures de Dieu.

Nous nous rendrons compte, en regardant les choses avec sympathie, que le cœur plein de jeunesse de Mohammed, totalement absorbé dans l'amour de son divin Bien-Aimé, l'avait conduit encore et encore à Ghare-e-Hira. Là, couvert de son manteau, s'isolant de tout l'environnement du monde, assidu à diriger son esprit dans la pensée exclusive du Bien-Aimé avec espoir et confiance dans sa guidance, il passa là des heures en contemplation.

Alors la Voix tant attendue se fit entendre: 

 

« O toi, l'enveloppé du manteau,
Lève-toi et avertis,
Et de ton Seigneur célèbre la grandeur,
Et ta vêture purifie-la
Et de l'abomination éloigne-toi,
Et n'accorde pas d'avantages pour augmenter tes gains,
Et tiens-toi dans l'attente de ton Seigneur. »

 

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