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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LA GUERRE SAINTE
Principe et exemples
Point de vue historique
La vie mystique du prophète Mohammed
Faits et traditions concernant Mohammed et sa religion, souvent mal compris

Chapitre 1
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Il est naturel que toute tête qui dépasse le niveau ordinaire de l'humanité se fasse abattre. L'homme n'aime jamais voir son frère s'élever plus haut que lui et Mohammed qui s'éleva au plus haut et jusqu'à l'idéal divin - Allah dit dans le Coran: "Si Je ne t'avais pas créé, Je n'aurais pas créé l'univers" - a été particulièrement attaqué. Il fallait s'attendre à ce que la jalousie naturelle qui existe entre les nations, les races et les religions comme entre les individus frappe de façon répétée Mohammed durant son vivant et même encore à présent. Certains l'ont attaqué par l'épée, d'autres par la plume et d'autres encore par des propos venimeux.

 

Parmi beaucoup de critiques quant à la vie de Mohammed, la première est que le maître ait été un héros, un guerrier, ce qui est très différent de la vie d'un prophète, d'un saint ou d'un sage. A cela, on peut répondre en prenant comme exemple le développement du corps et de l'esprit. Si l'esprit est hautement développé et que le corps est négligé au point de devenir un squelette à force d'abstinence et de privations, comme ce fut jadis le cas des Yogis et en général de très nombreux mystiques de l'ancien temps, qu'arrive-t-il? L'esprit a pris le commandement et son armée, le corps, est incapable d'exécuter les ordres. Les religions et les peuples qui observaient ces principes évoluèrent par l'esprit et s'affaiblirent physiquement, de sorte qu'ils furent au cours des siècles écrasés sous le talon des plus forts, et les générations ultérieures perdirent la foi dans leurs religions et se trouvèrent physiquement trop affaiblies pour suivre les principes des autres plus matérialistes. Tel est le cas des anciennes religions fondées sur les principes de la sainteté.

 

Imaginez un instant qu'un roi construise un très beau palais pour son agrément et son confort sans entourer sa capitale de fortifications. Un jour ou l'autre le palais tomberait aux mains d'un conquérant et cela en serait fini du confort et de l'agrément du roi. Mohammed, qui fut idéalisé par les sages et qui fut un créateur de saints, en même temps fut celui qui enseigna les nations et qui créa des nations. L'on en trouve la preuve dans sa propre vie, car il n'est pas d'autre exemple dans l'histoire du monde de l'expansion aussi rapide et aussi considérable d'une nation fondée sur l'enseignement de la loi divine. Il vit que si chaque individu évolue pour lui-même, très peu évolueront et tous les autres resteront sans recours. Dorénavant l'évolution devait être celle de beaucoup, unis la main dans la main, afin qu'il y ait des fondations solides et que toutes les causes d'obstacles puissent disparaître. C'est en cela que ses enseignements sont admirables: ils sont adaptés à toutes les nations et aux gens d'évolution différente. Ses principes se sont avérés les seuls possibles pour la vie dans le monde et, directement ou indirectement, ils ont été adoptés par toutes les nations, même à notre époque moderne de progrès, qu'ils soient ou non inclus dans leurs religions. Et pourtant il n'y a personne pour prendre l'épée comme le fit Mohammed, car le monde a toujours pris l'épée pour gouverner le monde, pour posséder des royaumes; mais il prit l'épée pour frayer un passage afin que le Message de Dieu se répande.

 

Les Arabes ont toujours été une race guerrière. Pas une semaine, pas un mois, pas une année ne se passaient sans qu'il n'y eut de guerre. Il était impossible d'apprendre à cette race des principes d'humanité en gardant l'épée au fourreau. Pas un mot sur Dieu ou sur la vérité pouvait leur être dit sans devoir les garder à une portée de lance.

 

Il n'y a pas d'exemple que Mohammed ait jamais attaqué qui que ce soit. Son épée était son bouclier; il ne s'en servait qu'en cas de légitime défense. Les pays conquis étaient rendus à ceux qui les possédaient. Les hommes conquièrent les peuples pour les gouverner, lui les conquérait pour le service de l'Amour. Ceci est gravé dans le cœur de l'humanité, si bien qu'aujourd'hui le cœur de presque chaque Musulman se sent ému et attendri quand le nom de Mohammed vient à ses oreilles. L'épée peut-elle laisser une telle empreinte?

 

La guerre sainte pour Dieu avait ses principes, très différents de ceux de la guerre pour le monde. Dans la première, il y a une idée d'amour, de bonté, de sympathie humaine, de justice et du bien de l'adversaire; dans la seconde, il y a l'envie, la jalousie, la colère, la haine, et chaque adversaire a à cœur d'anéantir l'autre. La première repose sur l'esprit d'abnégation, la seconde est le fruit de l'ego. Même s'il s'agit de défendre la famille, le pays ou la race, c'est l'égoïsme érigé en patriotisme.

 

Les guerriers qui sacrifièrent leur vie pour la cause de Dieu et de la vérité méritaient véritablement plus qu'un titre ou une décoration. Tout sacrifice pour la plus noble cause appelle sûrement une récompense plus élevée. Pour un esprit aveugle, la promesse d'une plus haute récompense ou d'une vie meilleure passe pour du fanatisme; pour celui-là, une étoile et un ruban seront son prix et il trouvera sa récompense dans un gain terrestre. La récompense de ceux qui sont à la poursuite de gains terrestres est créée sur terre. Mais que valent la terre et ses trésors pour ceux-là qui ont donné leur vie pour la cause de la vérité, pour Dieu? En Islam on les appelle shahid, ceux qui font le sacrifice de leur vie pour Dieu. Leur récompense les attend au ciel.

 

La majeure partie des Hadiths et tout le Coran expliquent abondamment combien l'amour du monde est dangereux, combien l'existence est transitoire et combien il est important de suivre le chemin de la vérité. Cette impression n'a jamais quitté le cœur du Musulman. Dans toutes les situations et les tentations de la vie, il a donné d'admirables exemples moraux chaque fois qu'il a été testé dans l'épreuve de la guerre.

 

Ce ne fut jamais pour le pouvoir, la possession ou les richesses terrestres que Mohammed fit la guerre, mais bien pour la diffusion la plus large du Message final dans le monde, ou alors pour la protection des fidèles ou la préservation de l'Islam. Et ainsi en fut-il pour ses successeurs. S'il en avait été autrement, l'Arabie se serait enrichie des dépouilles d'au moins la moitié du monde jadis possédée par l'Islam. A partir du moment où il avait embrassé cette fraternité universelle, chaque converti était traité comme n'importe quel autre Musulman, même dans les affaires politiques, morales ou sociales. Les Musulmans de tous pays et de toutes conditions accueillaient Mohammed comme un des leurs. Où que ce soit dans le monde où ses représentants s'installaient et où ils établissaient la mosquée sous la protection des remparts locaux, ils consacraient leur vie aux gens de ce pays. Ils leur laissaient leur fortune ainsi que leurs pouvoirs et leurs possessions. La bravoure seule fut toujours leur unique moyen de conquête pour étendre leur nation. On ne trouve aucune circonstance historique où l'Islam aurait sacrifié son idéal d'unité à un intérêt national.

 

Des exemples laissés par des souverains tel Akbar n'ont pas encore été suivis. Sous son règne les vaincus pouvaient garder leurs armes et personne ne s'immisçait dans leurs commerces. Il considérait que ses richesses appartenaient au pays qu'il gouvernait. Le premier ministre de son empire était Birbal, un Hindou. S'il existe dans l'histoire une religion qui a fait preuve de fraternité universelle, c'est bien l'Islam. Sous le règne d'Akbar, les temples des Hindous, les églises des Chrétiens, les agijaris des Parsis, les synagogues des Juifs étaient tous maintenus et visités par Akbar lui-même avec autant de respect que celui des adeptes de chaque culte. Aujourd'hui encore on trouve les traces de ce principe impartial et tolérant à Hyderabad, le seul état musulman qui existe encore en Inde (Ceci fut écrit entre 1917 et 1920), où non seulement les mosquées mais aussi toutes les autres religions sont sous la protection de l'état.

 

Les actes du Prophète ne peuvent être comparés à ceux de ses successeurs ultérieurs. Après tout, l'homme est l'homme, il a ses vertus et ses défauts. Comme le maître l'avait prédit, la nation perdit peu à peu la vraie saveur de l'enseignement du Prophète et ceci fut la cause de son déclin, tandis que d'autres, considérés comme incroyants, l'imitèrent et en eurent le bénéfice. S'il en avait été autrement, la nation, avec la force de la vertu et le pouvoir divin dont elle était investie à ses débuts, se serait sûrement répandue dans le monde entier.

 

"Dieu ne rejette jamais un peuple à moins qu'eux-mêmes ne provoquent leur chute".

Coran.

 

 

Exemples

On ne trouve pas un seul fait historique relatant que Mohammed ait tué qui que ce soit avec son épée. Il existe par contre d'innombrables témoignages de sa magnanimité. Il a pardonné à l'Arabe dont la brutalité avait tué sa fille bien-aimée. Il pardonna à ceux qui se moquaient et se gaussaient de lui, ceux qui le critiquaient, ceux qui l'insultaient dans les rues, ceux qui le lapidaient, ceux qui riaient des versets du Coran, ceux qui tuèrent ses dévoués disciples et les blessèrent à plusieurs reprises. Après sa victoire, il leur dit: "Vous qui m'avez traité comme vous l'avez fait dans le passé, comment voudriez-vous que je vous traite à présent?" Capturés comme prisonniers de guerre, tous lui répondirent: "O frère, traite-nous avec bonté". Mohammed fut touché et oublia dans l'instant tout ce qu'ils avaient dit et fait. "Frères, je vous pardonne au nom d'Allah, le Miséricordieux, et je vous traiterai comme Joseph traita ses frères".

 

L'ultime témoignage de sa clémence restera un exemple vivant jusqu'à la fin des temps. Il pardonna à la femme qui lui avait donné le poison qui causa sa mort alors que ses nombreux pouvoirs lui auraient facilement permis de se venger. Quelle perte pour ses adorateurs fidèles! Mais à aucun ne fut permis de lever un doigt contre elle, parce que le mal avait été commis contre la seule personne du Prophète. Il prit cela très volontiers comme étant la volonté d'Allah.

 

Une histoire célèbre en Islam raconte que lorsque Ali eut terrassé son ennemi dans un combat au corps à corps, celui-ci incapable de se dégager lui cracha à la figure. Au lieu de le tuer, Ali lui rendit la liberté. Stupéfait l'ennemi lui demanda: "Pourquoi m'as-tu libéré alors que mon geste aurait dû me valoir la mort sur le champ?". Ali répondit: "Ton geste indigne d'un guerrier m'a rendu un instant furieux, et nous avons pour principe de considérer l'emprise de la colère comme haram, interdite. Si je t'avais tué sous l'emprise de la colère, c'eut été une faute et non une vertu". Ali, qui était un vaillant guerrier ainsi qu'un saint et un grand mystique, appliqua ce principe durant toute sa vie. Un jour un ennemi l'attaqua par derrière, le poignarda et prit la fuite. Quand on le ramena chez lui, Ali était mourant. Pendant les quelques instants qui lui restaient à vivre, ses amis lui apportèrent un peu de nourriture. La première chose qu'il demanda fut: "Qu'est-il advenu de mon assassin?" - "Il a été capturé", lui dit-on. - "Alors commencez par lui apporter cette nourriture, car furieux comme vous l'êtes, je suis sûr que vous le négligerez". Mais lorsqu' il reçut le plat que Ali lui envoyait, l'assassin dans son aveuglement refusa d'y toucher, disant: "Je suis sûr qu'il doit être empoisonné".

 

Un jour, au cours d'une bataille, un soldat terrassa Mohammed. Aucun de ses disciples n'était là pour le secourir, et le soldat qui le maintenait à terre lui demanda: "Dis qui t'aidera maintenant que je vais t'enlever la vie?" - Le maître répondit avec assurance: "Allah". La force d'Allah lui vint en aide et brusquement Mohammed jeta le soldat à terre et lui arracha son épée. "Maintenant dis-moi, l'homme, qui te viendra en aide?" - Le soldat répondit: "Toi, Mohammed. Sois bon pour moi qui n'ai plus personne de mon armée pour me secourir". Mohammed lui dit: "Ce qui vient de se passer sous tes yeux n'est-il pas une preuve évidente de l'aide de Dieu? N'est-ce pas suffisant pour te donner confiance en Allah et te convaincre que Lui qui vient de me sauver pourra te sauver toi aussi? Reprends ton arme et apprends désormais à croire en Allah qui est notre secours de chaque instant". L'homme accepta la foi de Mohammed sur le champ et depuis ce jour-là il fut Musulman. Dira-t-on que ceci est le geste d'un saint ou le geste d'un guerrier? Dieu était présent en permanence à la vue de Mohammed, même en temps de guerre quand dans le feu du combat un homme serait tenté de l'oublier.

 

La guerre est une chose naturelle dans la vie, même les animaux et les oiseaux se font la guerre. Quel combat l'homme ne doit-il pas mener dans la vie de ce monde - pas seulement pour gagner quelque chose mais simplement pour vivre! Il y a la guerre contre ses propres défauts; l'homme doit combattre ses fautes. S'il ne sait pas comment se battre, il doit pourtant se défendre contre les attaques du dehors. Et s'il n'a pas appris à faire la guerre au-dehors, comment pourrait-il faire la guerre au-dedans?

 

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Faits et traditions

  L'ange Gabriel tombant sur Mohammed  

La paix

 

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