Quand on observe attentivement la nature de cette vie de variété, l'on découvre que, derrière le monde de variété, il y a une seule vie, la source et le but de toutes choses. C'est cette vie que l'on peut appeler le sang de l'univers circulant à travers les veines de l'univers; c'est une substance, un esprit ou une vie, dont tout ce que l'on voit, et dont toute intelligence, ont été formés, maintenus en vie et en bon fonctionnement. C'est cette vie qui constitue, pour ainsi dire, les veines de l'univers, et nous la reconnaissons en la nommant "Intelligence".

Il est certain que nous confondons souvent intelligence avec intellect, mais l'intelligence est quelque chose qui se trouve même dans la création moins évoluée. On peut la dépister dans la vie végétale, et même la pressentir dans le cœur du rocher. La différence entre la psychologie moderne et la pensée antique est que, selon la première, l'intellect est un développement qui se manifeste dans la vie de l'homme en tant que mental, mais que les animaux n'ont pas, que le mental est un développement de la matière, le travail du cerveau. L'idée des mystiques de tous les temps, des prophètes et de tous les êtres méditatifs, est différente. Ils disent: "Ce qui était, est et sera; si c'est la même substance ou vie, elle n'est pas sujette au changement, et elle ne se développe pas non plus". Cependant, un degré différent de cette vie que nous sommes capables de percevoir nous donne le sentiment que c'est un développement qui sort de la matière. Les grands êtres, les âmes méditatives qui s'asseyaient dans les forêts et communiquaient avec la vie autour d'eux, réalisaient cette vérité, et bien souvent éprouvaient une harmonie, une paix et une élévation plus grandes là où il n'y avait aucune vie visible. La vie est intelligence, même dans le roc; et plus l'on communique avec la vie, plus l'on sent que même le roc n'est pas sans vie, qu'à travers lui bat le sang de l'univers.

Quelqu'un dit à un brahmine: "O Brahmine, comme c'est absurde de ta part d'adorer un dieu de pierre, une idole! Le vrai Dieu est sans forme, Il est Celui qui est au-dessus de toutes choses du monde". Le brahmine répondit: "Connais-tu le phénomène de la foi? Si tu as foi dans un dieu de pierre, tu recevras ta réponse; mais si tu n'as pas foi même dans ton Dieu sans forme, Il ne communiquera pas avec toi". La vie considérée de ce point de vue nous dit qu'il n'y a aucun lieu, aucun objet, qui ne soit sacré, que, même dans un rocher, l'on voit la source et le but de toutes choses sous cette forme particulière.

Beaucoup, qui connaissent la vie des plantes, savent à quel point elles sont réceptives à la sympathie d'un être humain qui aime la nature et qui les soigne. J'ai rencontré avec beaucoup d'intérêt un scientifique en Californie qui avait voué sa vie à des recherches sur la vie végétale. Comme il est vrai que si l'on poursuit la vérité par quelque moyen que ce soit, l'on acquiert une expérience qui montre la vérité! Je fus spécialement intéressé quand il me dit: "Je considère les plantes comme des êtres réellement vivants. Je travaille avec elles, et je sens toujours qu'elles sont des créatures vivantes, qu'elles ont leur propre mentalité. Elles montrent de l'obstination, elles ressentent votre sympathie, et, si vous apprenez à les comprendre, vous pouvez arriver à en tirer grand bénéfice. Toute ma vie, j'ai parlé aux plantes comme je parlerais aux hommes". Ici encore circule le sang de l'univers - à un niveau supérieur à celui du roc.

Un autre scientifique, le professeur Chandra Bose du Bengale, a voué beaucoup de temps et de réflexion à prouver que les plantes respirent. Si l'on peut trouver le souffle dans la vie de la plante, il y a sûrement aussi de l'intelligence. Il m'arriva une fois de voir une pierre que son propriétaire appelait une pierre magique. En réalité, elle était très ordinaire, mais elle changeait souvent de couleur; et en particulier dans la main d'une certaine personne, elle prenait une couleur et une teinte différentes. Ainsi une pierre peut répondre au mental d'une personne, et cela nous montre qu'il y a beaucoup à explorer dans le règne minéral. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on le découvre, c'était connu des gens de l'ancien temps. Nous lisons dans les poèmes persans de Djalal-ud-Din-Roumi que Dieu dormit dans le minéral, rêva dans le végétal, devint conscient dans l'animal, et Se réalisa Lui-Même dans l'être humain.

Cependant, cette vie unique se révèle de façon plus prononcée dans les êtres humains, dans l'intellect qu'ils montrent, dans le travail qu'ils font, dans leur façon de charger l'atmosphère de magnétisme, dans la puissance de pensée qu'ils exercent, dans leur influence de guérison. Bien qu'un individu soit séparé d'un autre, bien qu'il puisse n'y avoir aucun contact extérieur, il arrive qu'ils ressentent à distance l'influence réciproque de leurs pensées et de leurs sentiments. Il y en eut beaucoup d'exemples pendant la guerre, lorsque des mères et des épouses de soldats ressentaient leurs moments de détresse, leur maladie et leur mort, sans aucun autre moyen de communication. Souvent quand deux êtres sont très unis, chacun ressent la situation de l'autre, non seulement par les vagues de la pensée, mais aussi dans le domaine du sentiment. Cela montre qu'il y a un seul corps, et que, dans ce corps, il y a une seule vie qui circule continuellement, comme le fait le sang dans les veines.

C'est ce qui donne une explication logique de la loi de cause et d'effet. Un malfaiteur peut échapper aux lois terrestres, mais il ne peut échapper à cette vie unique dans laquelle il vit et se meut et a son être. Une personne qui a fait du bien à une autre peut ne jamais revoir celle-ci, pourtant ce bien doit lui revenir parce qu'il y a un seul corps et une seule vie. Tout comme par la circulation dans le corps physique, tout ce que l'on mange est absorbé par le sang en tant qu'essence, ainsi chacune de nos pensées, de nos paroles et de nos actions, affecte la vie unique.

Les gens s'étonnent souvent de certaines superstitions et les tournent en ridicule, disant: "Comment peut-on lire dans les cartes le passé, le présent et l'avenir?". Ceci, de même que l'astrologie et la voyance par boule de cristal, peut être expliqué quand on comprend qu'il y a une seule vie dans laquelle la circulation est continuellement vibrante, une seule musique, un seul rythme. Quelqu'un a seulement besoin d'être familiarisé avec le thème de la musique, alors il peut lire et comprendre. Ce n'est pas seulement par les cartes et par la boule de cristal qu'il pourra lire le passé, le présent et l'avenir, mais par n'importe quel moyen. Si quelqu'un est capable de communiquer avec seulement une seule veine de cette vie unique, il est en contact avec la veine de l'univers entier. Quelques-uns de ces moyens sont meilleurs, quelques-uns uns sont pires, mais grâce à n'importe lequel d'entre eux, il pourra comprendre, prouvant ainsi qu'il y a une seule vie derrière eux tous.

L'homme peut apprendre à faire le bien, on peut lui enseigner la droiture, mais ce sera une vertu qu'on lui imposera comme le résultat d'un certain enseignement. Mais la vertu véritable ne vient que par la compréhension de l'unité de la vie, qui relie l'homme à l'ami ou à l'ennemi. Jésus-Christ enseigne: aimez vos ennemis. Tant qu'il nous sera souvent difficile d'aimer nos amis, nous ne serons pas capables d'aimer nos ennemis, à moins que nous ne réalisions le secret de la vie à l'arrière-plan du tout, en dépit du monde de variété qui sans cesse crée l'illusion.

Si, par la religion, la philosophie ou le mysticisme, l'on atteint cette réalisation, alors l'on touche le secret de la vie, et, sans accomplir de miracles, l'on obtient un puissant pouvoir. Cette leçon est facile à apprendre intellectuellement, mais ce n'est pas assez. Cette leçon peut être absorbée, comme la nourriture, en un moment, mais pour la digérer, toute la durée de la vie n'est pas suffisante, car la vérité est mélangée aux faits, et quand la vérité devient un fait, elle n'a plus d'importance. Absorbés que nous sommes dans le monde de variété, nous sommes enclins à oublier la vérité, car nous sommes sans cesse absorbés par des faits. Par conséquent, les gens méditatifs, qui passent beaucoup de temps en méditation, tâchent de penser à l'unité de l'être, essayent de méditer sur la vérité ultime de l'être. Cela travaille comme le remontage d'une pendule: cela ne prend qu'une minute de la remonter et elle fonctionne toute la journée. Ainsi, dans la méditation, la même pensée continue, et en toute chose que l'on fait ou que l'on dit, l'on fait usage de la même vérité.

Quelles conséquences proviennent du manque de compréhension de cette vérité? Tous désastres tels que les guerres, les inondations, les tremblements de terre, les famines, tout ce à quoi l'homme ne peut rien, proviennent du désordre du corps, le seul corps qui existe. Quand le sang est déréglé, tout va mal, et bien que parfois, il semble que ce qui est désavantageux pour une partie soit avantageux pour l'autre, pourtant à la longue l'on voit que toutes souffrent; l'effet à long terme est ressenti par le monde entier comme tension et douleur et comme toutes sortes de souffrances. L'âme de toute la création est une, la vie derrière tous ces fantômes en perpétuel mouvement est une. La méditation sur cela et l'éveil à cette vérité harmonisera la condition du monde.

Les prophètes et les grands mystiques sont venus au monde de temps à autre comme le médecin vient pour aider le patient dont la santé est perturbée. Et chaque fois que les grands êtres sont venus, ils ont apporté au monde une autre vie, une nouvelle vie, amenée à l'organisme entier pour l'aider à fonctionner sans à-coups. Les Soufis qui, à toutes les époques, ont existé en tant que mystiques, dont toute la vie a été vouée à la méditation et aux pratiques spirituelles, qu'ont-ils appris de ces méditations? Ils ont appris l'essence du tout, l'unicité ou l'unité, et dans l'unité - en y pensant, en la réalisant et en la vivant - l'on atteint le but de la vie.