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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'IMPULSION DIVINE
Le Front Souriant
Chapitre 49
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

La première question à considérer concernant le sujet de l'impulsion divine est: d'où vient toute impulsion?

 

Tout mouvement, toute vibration, tout ébranlement a une seule origine. On en voit une indication dans la Bible où il est dit: "Le Verbe était Dieu". Le verbe signifie vibration et la vibration mouvement. Dans le Vedânta nada brahma veut dire "son". La vibration fut le premier aspect, l'aspect originel de Brahmâ, le Créateur. Dans le Coran nous lisons: "Sois -dit-Il - et cela devint". Chaque impulsion, chaque action sur quelque plan d'existence que ce soit, trouve son origine dans la Source unique. Il est dit aussi dans le Coran: "Dieu est tout pouvoir. Il n'y a pas de pouvoir en dehors de Dieu". Dans tout ce qui est fait, cela est fait par Son pouvoir.

 

Maintenant vient la question: si toutes les Écritures le disent, quelle est la place de Satan? Quel est le sens qui se cache derrière le pouvoir de Satan? Cela suggère un autre pouvoir derrière le pouvoir de Dieu et parfois le pouvoir attribué à Satan semble plus fort que le pouvoir attribué à Dieu. C'est une énigme pour beaucoup qui se demandent quelle est la place de l'action de Satan. L'on doit en trouver l'explication dans la compréhension de la métaphysique et dans celle des lois de la nature. Il y a une loi, la loi naturelle, et tout ce qui advient dirigé par la loi de la nature est harmonieux. Les jardins faits par l'homme peuvent sembler un moment être une amélioration des forêts, mais à la fin, quand on l'examine, le jardin avec ses structures artificielles se montre limité en beauté et en harmonie. L'inspiration que l'on reçoit dans la forêt, dans les lieux sauvages est bien plus grande que dans le jardin fait par l'homme, car l'homme y a rendu l'inspiration limitée, parce que la vie qu'il répand est limitée. L'homme élabore une loi et se rend compte qu'il ne peut la garder, aussi en fait-il une nouvelle, et il n'est jamais satisfait car il ne tient aucun compte des lois naturelles de paix et d'harmonie.

 

Les hommes prétendent que la nature est cruelle. Oui, mais l'homme est bien plus cruel que les animaux. Les animaux n'ont jamais détruit autant de vies que l'homme l'a fait. Toute la cruauté apparente de la nature ne peut se comparer à la cruauté, l'ignorance et l'injustice de l'homme. Jésus-Christ a dit: "Que Ta volonté soit faite". Il y a là beaucoup à apprendre pour nous. L'homme fait un autre monde dans lequel il vit, un monde différent du plan de Dieu, des lois de la nature, et ainsi la volonté de Dieu n'est pas accomplie. La prière enseigne à l'homme qu'il doit d'abord trouver quelle est la volonté de Dieu. Il n'est pas nécessaire pour les animaux et les oiseaux de trouver quelle est la volonté de Dieu, car ils sont dirigés par l'impulsion de la nature; ils sont plus près de la nature que l'homme. La vie de l'homme est tellement éloignée de la vie de la nature que chaque mouvement est difficile. Nous ne nous en apercevons pas aujourd'hui; avec toutes nos connaissances, nous rendons la vie de plus en plus compliquée, de sorte que les conflits deviennent de plus en plus grands. Pour toute personne, vieille ou jeune, riche ou pauvre, la vie est une lutte difficile, car nous nous éloignons de plus en plus de l'impulsion qui vient tout droit de la source d'où provient toute impulsion.

 

Du point de vue métaphysique il y a plusieurs rythmes décrivant la condition de l'homme. Le Vedânta en parle comme de sattva, rajas et tammas. Sattva est un rythme harmonieux, rajas est un rythme qui n'est pas en parfaite harmonie avec la nature, et tammas est un rythme qui est par nature chaotique et destructif; toute impulsion qui vient à l'homme pendant qu'il est dans ce rythme chaotique est suivie de résultats destructifs. Toute impulsion venant à un individu quand il est dans le rythme de rajas est accomplie, mais l'impulsion qui vient lorsqu'il est dans le rythme de sattva est inspirée, et est en harmonie avec le rythme de l'univers.

 

La vie active de l'homme laisse peu de temps pour la concentration et pour qu'il mette le mental et le corps dans la condition où il peut faire l'expérience du rythme qui apporte l'inspiration et rencontre la volonté de Dieu. Cette expérience vient en réponse à la prière du Christ: "Que Ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel", en amenant cette condition du mental et du corps, en s'accordant soi-même à un certain diapason qui est harmonieux et céleste et dans lequel la volonté divine est facilement accomplie comme elle l'est dans les Cieux. C'est dans ce rythme seul que la volonté de Dieu peut être accomplie.

 

Ce n'était aucun mépris pour le monde qui a amené de grands êtres à quitter le monde et à vivre dans les forêts et les cavernes; ils y allèrent pour s'accorder eux-mêmes à ce rythme dans lequel ils pouvaient faire l'expérience des Cieux. Les Cieux ne sont pas un pays ou un continent; c'est un état, une condition en dedans de soi-même, dont on fait seulement l'expérience quand le rythme est en parfait état de fonctionnement. Si l'on sait cela, l'on réalise que le bonheur est la propriété de l'homme. L'homme est son propre ennemi: il cherche le bonheur dans la fausse direction et ne le trouve jamais. C'est une illusion continuelle; l'homme pense: "Si j'avais ceci ou cela, je serais heureux pour toujours", et il n'arrive jamais au bonheur parce qu'il poursuit une illusion au lieu de poursuivre la vérité. On peut seulement trouver le bonheur au-dedans, et quand l'homme s'accorde lui-même, il trouve tout ce dont son âme a soif au-dedans de lui-même.

 

La nature de chaque impulsion est telle qu'elle passe par trois phases et qu'après la succession de ces trois phases l'on en constate le résultat, qu'il soit bon ou mauvais, bénéfique ou désavantageux. Il n'y a pas d'impulsion qui dans son commencement soit mauvaise ou sans but, ou dysharmonieuse, car dans la somme totale de toutes choses, chaque impulsion a son objet. C'est notre vision limitée qui juge. La justice à l'arrière-plan est si grande que dans le résultat ultime chaque chose s'accommode à sa juste place. Mais dans le processus par lequel passe l'impulsion, elle devient bonne ou mauvaise, mais non pas au commencement ou à la fin, car le commencement a un but et la fin a répondu à la demande.

 

Cela est une question de métaphysique et on doit l'étudier de différents points de vue, sans quoi l'on sera très dérouté. L'homme, avec sa petite compréhension est prompt à condamner et à admirer, et il manque mille fois à juger correctement. Toutes les grandes âmes se sont rendues compte de cela. Le Christ a dit: "Ne jugez pas". Alors vient la tolérance, et quand on réalise ce qui est derrière l'impulsion, on parle très peu.

 

Le premier processus par lequel passe l'impulsion se produit dans la région du sentiment, et dans cette région l'impulsion est ou bien renforcée, ou bien détruite. Le sentiment peut être l'amour ou l'aversion, la bonté ou la méchanceté, mais quel que soit le sentiment, là où s'élève l'impulsion, elle acquiert de la force pour aller plus loin, ou bien elle est détruite. Par exemple, quelqu'un peut avoir un sentiment de grande bonté; si une impulsion de vengeance s'élève, celle-ci sera détruite. Une autre personne aura un sentiment de grande méchanceté, mais si l'impulsion est de pardonner celle-ci sera détruite avant qu'elle puisse toucher la raison. Ou bien encore un individu est très bon et lorsqu'une impulsion à se venger s'élève, il se sent très malheureux: il n'aura pas besoin de faire appel à la réflexion pour juger de l'impulsion, car son sentiment la détruira. Ou quelqu'un a un grand sentiment d'amertume et l'impulsion à rendre service avec bonté lui vient, mais elle sera détruite avant d'arriver dans la région de la pensée; ou alors si l'impulsion va jusqu'à atteindre la région de la pensée, il raisonnera: "Pourquoi - se dira-t-il - donnerais-je mon aide? Pourquoi servirais-je cette personne? Est-ce qu'elle le mérite? En tirera-t-elle bénéfice? Est-ce que c'est juste?". Toutes ces questions sont en effet résolues dans cette région. Enfin en troisième lieu vient le domaine de l'action. Si le mental a détruit l'impulsion, elle ne va pas plus loin; mais si le mental l'a autorisée, elle arrive dans le domaine de l'action et elle résulte en réalisation.

 

On pourrait maintenant demander comment les sages et les penseurs ont distingué l'impulsion divine parmi les diverses impulsions qui s'élèvent dans le cœur de l'homme. D'abord il nous faut comprendre ce que signifie le mot "divin". Divin veut dire: dans un état de perfection. Cet état est expérimenté par Dieu à travers l'homme. En d'autres termes, quand un homme est arrivé à l'état de développement où il peut être le parfait instrument de Dieu, quand rien de son propre être ne bloque la voie de l'impulsion directe qui vient du dedans, cet esprit, on peut l'appeler parfait. Ce qui est le plus précieux, ce qui est le but de la vie de l'homme est d'arriver à ce stade de perfection où il peut être le parfait instrument de Dieu.

 

Une fois qu'un homme est arrivé à ce stade il commence d'abord à réaliser Dieu de façon momentanée; ensuite, à mesure qu'il se développe, de façon plus prolongée; et ceux qui se développent encore plus passent la plus grande partie de leur temps dans cette réalisation. Alors le sentiment et la pensée n'empêchent plus l'impulsion divine, car elle s'élève librement et mène à son accomplissement un dessein divin. Le message des prophètes et des instructeurs de tous les temps a été d'enseigner à l'homme comment faire la paix avec Dieu. Le but de la vie consiste à s'harmoniser avec Dieu, et cela est accompli en distinguant l'impulsion divine.

 

Comment peut-on distinguer l'impulsion divine? Tout à fait comme en musique l'on peut distinguer la note juste de la fausse, l'accord harmonieux du discordant; ce n'est qu'une question d'entraînement de l'oreille. Quand l'oreille est entraînée, on peut distinguer la plus petite discordance. Plus grand est le musicien, plus il est capable de déceler l'harmonie et la discordance, la note juste et la note fausse.

 

Beaucoup de gens pensent que ce que nous appelons vrai ou faux, bon ou mauvais, est quelque chose que nous acquérons par l'étude. C'est vrai lorsqu'il s'agit du vrai et du faux fabriqués par l'homme; mais du vrai et du faux de la nature, chaque petit enfant en connaît le sens. L'enfant sent instantanément une vibration fausse; le bébé sent si son entourage est en harmonie ou en dysharmonie, mais l'homme crée tellement de confusion pour lui-même qu'il ne peut plus distinguer clairement. Pour l'homme, apprendre à connaître par lui-même est un grand avancement sur le chemin spirituel. Quand un homme est lucide concernant le sentiment qu'il reçoit de chaque impulsion, il est déjà allé loin. Il y a des gens qui disent, au vu du résultat: "Je regrette"; mais il est trop tard, la vraie éducation de l'oreille n'est pas faite.

 

L'impulsion divine est une impulsion remplie d'amour, elle donne le bonheur, elle est créatrice de paix. La difficulté vient de ce que tout homme n'observe pas le début de l'impulsion, il n'observe que le résultat. Il ressemble à quelqu'un en état d'ivresse, de sorte qu'avec le temps, comme lorsqu'il s'agit d'un ivrogne, il devient confus et déprimé et il y a lutte et contestation. Mais l'homme n'est pas né pour cela. Il est né pour le bonheur. La paix, l'amour, la bonté et l'harmonie font partie de son être même et quand une personne est malheureuse, cela veut dire qu'elle ne sait pas où elle est.

 

L'homme cherche des phénomènes, il veut des prodiges, la communication avec des fantômes et des esprits; il cherche quelque chose de complexe; et pourtant la chose la plus simple et de plus grande valeur dans la vie est de trouver son propre être.

 

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