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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'HOMME BUT DE LA CRÉATION
Le privilège d'être humain
L'Art d'Être

Chapitre 1
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Dans toutes les Écritures, il est indiqué que l'homme est l'idéal de la Création. Le Coran dit: "Nous avons fait de l'homme le calife de toute la Création", en d'autres mots, le maître de la Création. Plus nous approfondissons l'étude de la vie, plus clairement nous voyons que la vie sous tous ses aspects, ses noms et ses formes, tend constamment vers le plan humain, et qu'elle aide l'homme à réaliser le but de sa vie, qui est de devenir l'instrument de Dieu. On peut constater que les chameaux, les éléphants et les chevaux se soumettent à la volonté de l'homme. Des animaux comme les chiens et les chats, des oiseaux comme les perroquets et beaucoup d'oiseaux chanteurs comme les canaris finissent, avec le temps, par être contents, emprisonnés dans leur cage: dans leur captivité, ils peuvent jouir de la compagnie de l'homme.

 

On dit que, dans les temps anciens, les saints et les sages connaissaient le langage des animaux. Ceci n'était pas seulement vrai dans les temps anciens, c'est vrai de tout temps. On peut entendre ce que disent les animaux, comprendre leur langage. Le tout est d'ouvrir le cœur, ce sont les oreilles du cœur qui peuvent entendre leur langage, que d'autres ne comprennent pas. Ce que l'on entend est un mot venu du cœur des animaux, qui s'exprime le plus souvent dans leur regard; ce mot ne dit pas seulement: "Je t'aime " ou "Je t'adore", mais aussi: "Je voudrais être comme toi". Lorsque le chat ou le chien regardent l'homme, ils disent: "Je t'aime". Mais c'est plus que cela; c'est véritablement le désir parfait. Le désir a ses degrés; un de ces degrés est de souhaiter être comme l'autre. Lorsque l'on veut être comme l'autre, ce désir atteint son plus haut degré et c'est en cela que réside le secret des mystiques et le mystère de la vie.

 

Lorsqu'un sculpteur veut créer un objet, il se sert d'argile et en fait différents modèles afin de produire, de faire naître l'objet parfait qu'il désire. De même toute la création de Dieu, dans toutes les étapes - de l'animal et de l'oiseau jusqu'à l'homme - et sous les différents aspects des noms et des formes que nous voyons devant nous, prépare l'accomplissement du désir de Dieu, qui est l'homme. Dieu dit dans le Coran: "Nous avons fait l'homme pour qu'il jouisse de la Création". S'il est une forme de vie qui plaît à Dieu, c'est l'homme.

 

Il ne fait pas de doute que, par ignorance, l'homme a exagéré cet idéal et l'a quelque peu outrepassé (C'est-à-dire qu'il veut jouir pour son propre plaisir et non pour l'amour de Dieu.). Il ne reconnaît pas la divinité dans l'homme, il veut séparer l'homme du divin. Le Christ n'a pas fait cela. Le Christ n'a pas dit: "Mon Père qui est dans les Cieux", il a dit: "Notre Père dans les Cieux". Mais lorsque, dans son ignorance, l'homme sépare le Christ de Dieu et le Christ de l'homme, l'homme du Christ et l'homme de Dieu, il interprète mal cette merveilleuse idée de Dieu donné par le Christ: la paternité de Dieu et la filiation bénie de l'homme.

 

L'évolution a progressé à travers toutes les étapes différentes de la vie et l'homme, comme idéal de la Création, s'est élevé au-dessus de toutes: cela indique que, pour l'univers entier, l'homme représente la divinité. Par exemple, le minéral est dans l'homme, le royaume végétal est dans l'homme, l'ange est dans l'homme, et il n'est pas un être des cieux et de la terre que l'homme ne reflète pas. Nul n'a jamais représenté un ange différent de l'homme; chaque fois que l'imagination de l'homme produit un ange, elle voit l'ange qui est dans l'homme - comme elle découvre aussi le démon qui est en lui. L'homme porte en lui toutes les différentes catégories d'êtres, et à chaque stade il se développe et devient plus grand qu'eux. S'il développe la nature de l'animal, il est plus animal que les animaux; s'il développe la nature diabolique, il est plus diabolique que le démon et en développant la nature angélique, il devient plus grand que les anges car, après tout, les anges se sont prosternés aux pieds de l'homme (Il est dit dans le Coran que Dieu ordonna aux anges de faire une image d'argile. Dieu souffla sur cette image qui devint alors vivante et demanda aux anges de se prosterner devant elle. Tous les anges s'inclinèrent excepté Iblis, qui encourut ainsi le déplaisir de Dieu.). Donc, chaque esprit, chaque élément dans toute la Création se retrouvent en l'homme, et pourtant l'homme s'interroge sur le but de sa vie.

 

Lorsque l'homme réalise cela, son âme commence à ouvrir les yeux à la vérité, mais avant cela, il est endormi, son âme n'est pas encore née. Nul doute que les réponses aux questions de l'homme viennent en temps voulu. Un millier de réponses seront données l'une après l'autre, chaque réponse expliquera quelque chose et laissera autre chose inexpliquée. Chaque voile que nous soulevons donne une réponse mais non pas LA réponse: une autre réponse attend encore son heure.

 

Si nous observons le but de la vie des différents êtres en ce monde, nous découvrirons sûrement que la vie de l'être humain a un but différent. Par exemple, l'homme est très enclin au plaisir, à la nourriture, à la boisson et au jeu. Mais s'il était né pour cela, comment se fait-il que les animaux partagent aussi ces goûts? Eux aussi raffolent de la nourriture et du jeu. Mais acquérir ces nécessités de vie - ces nécessités animales - provoque de graves désordres pour l'homme et très peu de perturbations pour l'animal. Si la nourriture, le sommeil et un logement peuvent donner le bonheur, alors l'animal est bien plus heureux que l'homme. Après son labeur du jour, l'homme pense "Comment vais-je satisfaire mon besoin de plaisir?". Il ne peut jamais être aussi paisible, aussi satisfait que les animaux. Si la nourriture, la boisson et le jeu étaient le but de sa vie, l'homme serait la plus misérable des créatures.

 

La question est alors de savoir si l'homme est né pour commettre tous les mensonges, toutes les duperies, les trahisons et les duretés qu'il inflige aux autres. La réponse est que, sans doute, il se rend la vie facile à lui-même par le mensonge et en faisant du mal à autrui mais il est en même temps très malheureux et ne peut éviter les conséquences de ce qu'il fait. Tout le tort et le mal qu'il fait à autrui lui reviennent, un jour ou l'autre, multipliés par mille.

 

S'il était prévu que l'homme doive être un ange et doive mener une vie pieuse, bonne et retirée dans le désert, les forêts et les grottes de montagne, il n'aurait pas été nécessaire de le créer. Les anges auraient suffi, car en raison de la nature de son être, l'homme ne peut mener une vie aussi pure, aussi pieuse et spirituelle que les anges sur qui ne pèse pas le poids du monde. Ceci indique que l'homme n'est né ni pour devenir un ange (Être humain, vivre une vie vraiment humaine sur terre, est le premier but de l'homme. Ainsi, pour devenir parfait et pour atteindre "la réalisation de Soi ", il faut atteindre deux degrés de plus: le degré angélique et finalement l'union avec l'Être Divin. Cela est expliqué dans les chapitres intitulés: La Réalisation de Soi - 1 - 2 - 3.), ni pour être un animal et mener la vie des animaux. L'Univers entier est pour lui.

 

Comment pouvons-nous découvrir les qualités qui peuvent être considérées comme humaines? Elles seront différentes des qualités angéliques, démoniaques ou animales. Il en est une surtout qu'on peut appeler une qualité typiquement humaine, et c'est la sympathie. Un grand poète hindi a dit:

"La sympathie est la racine de la religion,
et aussi longtemps que l'esprit de sympathie est vivant dans votre cœur,
la lumière de la religion l'illumine".

 

Ce qui veut dire que la religion et la morale peuvent se résumer en une seule chose: la sympathie, que le Christ a appelé la charité, comme l'expliquent les Évangiles. Toutes les belles qualités telles que la tolérance, le pardon, la gentillesse, la considération, le respect et le désir de servir proviennent de la sympathie. Un autre poète a dit en Urdu que l'homme a été créé pour la sympathie, et que lorsqu'il découvre en lui cette qualité particulière, il reçoit sa première leçon de vie.

 

Nous découvrons tout d'abord combien il y a de choses dans la vie qui méritent notre gratitude, mais à cause de nos soucis et de la souffrance qui nous entoure, nous les oublions, et au lieu d'être reconnaissants, nous développons une nature ingrate. Plus une personne se plaint, moins elle fait preuve de gratitude et, plus elle devient reconnaissante, plus elle commence à comprendre. Sa'di nous dit: "Le soleil, la lune, les planètes, l'air, l'eau et la terre vous servent tous: ils contribuent au dessein de la vie et préparent votre nourriture. Pourtant vous considérez tout cela avec ingratitude, absorbés que vous êtes par vos petits soucis qui ne sont rien devant les grandes forces à l'œuvre, jour et nuit, dans la nature". Nos petits soucis submergent notre vie, y sèment le désordre et nous absorbent, nous empêchant ainsi de connaître la perfection et la grandeur de Dieu.

 

La première leçon que l'homme a reçue fut d'être reconnaissant pour son pain quotidien car c'était de cela qu'il avait le plus besoin pour vivre. Aujourd'hui cela est devenu si simple, et la vie a tellement changé, que l'homme oublie la gratitude. Il va même jusqu'à penser: de quoi serais-je reconnaissant? Il oublie que sa propre personnalité dissimule Dieu. Son propre travail lui semble plus important que le travail de chaque atome de la nature qui prépare pour lui des bénédictions.

 

L'apitoiement sur soi-même est la pire des pauvretés; il est la source de tout le malheur et rend l'homme aveugle à tout ce dont il devrait être reconnaissant. L'habitude de se plaindre constamment et la tendance à réclamer la sympathie des autres sont la plus grande épine dans la vie de l'homme: il devient dépendant de la sympathie d'autrui. La meilleure chose est d'offrir la sympathie. La compréhension et la sympathie de la part d'un autre sont la nourriture dont chaque âme a besoin.

 

Le pire ennemi de l'homme est son ego, qui se manifeste par de l'égoïsme; même lorsqu'il fait le bien, l'égoïsme est parfois à l'œuvre dans ses bonnes actions. Lorsqu'il fait le bien avec l'arrière-pensée qu'un jour ce bien lui sera rendu et qu'il en profitera, il vend des perles au rabais. Une bonne action, une pensée de sympathie, une pensée généreuse sont trop précieuses pour faire l'objet d'un commerce. On devrait donner les yeux fermés. L'homme devrait penser à faire chaque bonne action, chaque petite gentillesse, chaque acte généreux avec tout son cœur sans espérer quoi que ce soit en retour comme s'il en faisait un commerce. Il doit trouver du plaisir à le faire, et rien de plus.

 

Chaque étape de l'évolution donne à la vie une plus grande valeur. Plus vous êtes évolué, plus chaque instant devient inestimable; cela devient une occasion de faire du bien aux autres, de les servir, de les aimer, de leur être agréable, de donner votre sympathie à des âmes qui en ont faim et soif. La vie est triste pour quelqu'un qui est occupé de lui-même mais, dès qu'il s'oublie, il est heureux. Plus il pense à lui-même, à ses problèmes, à ses travaux, à ses intérêts, moins il connaît le sens de la vie. Lorsqu'on regarde l'autre, on ne peut en même temps se regarder soi-même. La maladie, les désillusions et les épreuves importent peu lorsqu'on peut les voir d'un point de vue plus élevé.

 

A côté de cet aspect moral, il y a un aspect mystique; et lorsqu'on regarde sous l'angle du mysticisme, on voit que le plus grand dessein de Dieu est accompli dans l'homme. Pour expliquer cette philosophie, je voudrais faire une comparaison avec un artiste qui aurait peint un très beau tableau. Les chiens l'ont regardé, les chats l'ont regardé, mais ce n'est pas suffisant. Arrive un homme qui n'a pas compris l'idée du tableau, l'art, le sentiment qu'il contient. Lorsqu'il regarde le tableau et dit "Il n'y a rien là-dedans", l'artiste qui l'a peint a manqué son but. Arrive enfin quelqu'un qui regarde le tableau et dit "Oh quelle belle idée! Cela évoque quelque chose, j'y vois quelque chose, cela me parle, c'est vivant". Cet homme n'a pas seulement compris le tableau, il a touché l'âme de l'artiste.

 

Toute la beauté de la Création, les chiens l'ont vue, les chats l'ont vue, les paons et d'autres oiseaux l'ont vue et, à leur manière, ils en ont été ravis, ils en ont profité, ils ont dansé et s'en sont réjouis. A leur manière, ils l'ont admirée. L'homme aussi l'admire, mais il voit plus loin, sa vue pénètre tout ce qu'il voit et il touche Dieu, le Créateur. Ce n'est pas seulement louer Dieu, mais c'est connaître et comprendre Dieu qui donne à la Divinité la plus grande satisfaction, parce que c'est là le but de la création de l'homme: qu'il puisse comprendre et connaître. Et ceci ne peut se faire qu'en voyant la sublime beauté de la nature, en y étant sensible; en la comprenant, en connaissant son langage, en entendant sa voix. L'homme qui est vivant, qui peut entendre et voir et dont le cœur peut sentir, s'est élevé au-dessus du commun de l'humanité. Cela ne veut pas dire qu'il doive devenir un ange; ce dont il a besoin, c'est de vivre une vie plus pleine, une vie réellement humaine.

 

Quelle chose magnifique que la compréhension! C'est inestimable. Nul homme ne peut donner plus de plaisir à son semblable qu'en le comprenant. L'ami le plus proche est celui qui comprend le plus. Votre meilleur ami au monde n'est pas votre épouse ni votre frère ni votre sœur, mais celui qui vous comprend le mieux. Vous pouvez être le meilleur ami de Dieu si vous pouvez comprendre Dieu. Voyez comment l'homme vit en ce monde: les yeux fermés et les oreilles bouchées! Chaque nom et chaque forme parlent continuellement, vous font continuellement des signes pour que vous entendiez, pour que vous répondiez, pour que vous interprétiez et deveniez l'ami de Dieu. L'unique but de votre vie est de vous préparer à comprendre ce qu'est Dieu, ce qu'est votre semblable, ce qu'est la nature de l'homme, ce qu'est la vie.

 

Nous en venons maintenant à un secret de la vie plus grand encore et je voudrais répondre à cette question: comment pouvons-nous parvenir à lire et à comprendre le message que la vie proclame à travers tous ses noms et toutes ses formes? La réponse est que, tout comme en ouvrant les yeux vous pouvez voir les choses, en ouvrant le cœur vous pouvez comprendre les choses. Aussi longtemps que le cœur est fermé, vous ne pouvez comprendre. Le secret est que lorsque les yeux et les oreilles du cœur sont ouverts, tous les plans du monde sont découverts, tous les noms sont découverts, tous les secrets, tous les mystères sont dévoilés.

 

Comment ouvrir le cœur? En ayant une vie naturelle, celle de l'enfant qui sourit à qui sourit, prie avec celui qui prie, toujours prêt à apprendre de chacun, prêt à aimer. L'enfant n'a d'inimitié pour personne, il n'a pas de haine, pas de malice. Son cœur est ouvert. C'est dans l'enfant que vous voyez le sourire des anges; l'enfant peut voir au travers de la vie.

 

Lorsque l'adulte s'est préparé, lorsqu'il a acquis les qualités de l'enfant, alors il crée le Ciel en lui-même, il comprend. L'enfant dans son innocence ne comprend pas, mais lorsqu'un homme intelligent développe en lui la tendance affectueuse de l'enfant, sa pureté de cœur et son désir d'être l'ami de tous, c'est alors l'ouverture du cœur; et c'est cette bénédiction qui permet de recevoir tous les privilèges de la vie humaine.

 

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Le privilège d'être humain   Le caractère   Le but de la création

 

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