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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Le Contrôle Physique
La Santé
L'Art d'Être

Chapitre 17
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

On peut reconnaître la vie sous deux aspects: l'aspect connu et l'aspect inconnu. Ce qu'on appelle généralement "vie" est l'aspect connu et l'autre aspect est inconnu de la grande majorité. C'est cet aspect inconnu de la vie qu'on peut appeler la vie immortelle, éternelle, tandis que l'aspect qui nous est connu peut être appelé la vie mortelle. Donc, ce que nous connaissons généralement de la vie est ce qui, en elle, est mortel; notre expérience de la vie, celle que nous avons à travers notre être physique, nous donne l'évidence de la vie, c'est pourquoi celle que nous connaissons est la vie mortelle. La vie immortelle existe, mais nous ne la connaissons pas, ce qui vient de notre manque de connaissance et non pas de l'inexistence de la vie immortelle.

 

Dans cette vie qui nous est connue tout ce que nous possédons ici-bas, que ce soit objets, êtres vivants, pensées, expériences, tout est détruit et meurt en se dispersant; chacune de ces choses a sa naissance et sa mort; ce qui est composé doit être décomposé tôt ou tard et ce qui est actuellement visible disparaîtra. Cela montre qu'il y a lutte entre ce que nous appelons vie et la vie qui est à l'arrière-plan.

 

En termes soufis nous nommons ces deux aspects de la vie Qadha (ou Kaza) et Qadr (Kadr), Qadha est l'aspect illimité de la vie, Qadr l'aspect limité. Qadr tire son existence de la vie de Qadha, et Qadha veille la bouche ouverte, pour absorber ce qui lui arrive. C'est pourquoi l'adepte et le sage et ceux que l'on appelle mystiques ou Soufis, ont découvert une science, celle qui consiste à savoir comment retirer de la bouche de Qadha - l'aspect qui assimile sans cesse - cette expérience de la vie qui, seule, nous donne l'évidence de la vie. Si nous ne savons comment la retirer, elle tombera dans la bouche de Qadha; car celui-ci attend toujours avec la bouche ouverte. Comme une maladie attend le moment où quelqu'un manque d'énergie, ainsi Cadha guette pour assimiler tout ce qui vient en lui sous toutes les formes et qui, alors, s'immerge en lui.

 

Vient maintenant la question de savoir comment nous pouvons retirer quelque chose de la bouche de Qadha, ou la retenir d'y tomber? Nous le pouvons par le contrôle de notre corps et de notre mental. On connaît beaucoup de choses concernant la culture physique, mais ce qu'on en connaît est ce qu'on peut en obtenir par l'action, la gymnastique, le mouvement. On sait très peu de choses de ce que l'on peut obtenir par la tranquillité, le repos, l'attitude du corps. J'ai rencontré en Orient un homme qui pouvait soulever une lourde pierre sur un doigt. On peut se demander comment le petit doigt d'un homme peut soutenir un poids aussi lourd. Mais ce n'est que le pouvoir de la volonté qui soutient la pierre pesante, le doigt est un prétexte.

 

En Orient, ceux qui explorent le domaine de l'esprit et de la matière sautent dans un feu ardent et en sortent sains et saufs; ils coupent leurs muscles et se guérissent instantanément. Ce n'est pas une légende que les mystiques connaissent le secret de la lévitation et la manière d'y parvenir. Des milliers de gens aux Indes en ont vu la démonstration. Mais cela ne signifie pas que ce soit une chose à laquelle il vaille la peine de s'exercer, qu'il vaille la peine d'apprendre; c'est seulement pour dire ce que l'on peut accomplir par le pouvoir de la volonté. Or, pour tenir les rênes de la volonté sur le corps physique, ce qui est premièrement nécessaire, c'est le contrôle physique.

 

Dans les diverses formes d'éducation que connaît le monde moderne, il n'y a rien qui enseigne la méthode ou la manière, ou le secret de maintenir n'importe quelle action durant un temps déterminé. Par exemple, être capable de rester dans la même posture sans bouger, ou de regarder le même point sans remuer les yeux, ou d'écouter un bruit sans être troublé par autre chose; ou encore être capable d'éprouver la rudesse, la douceur, la chaleur, le froid et de garder un certain temps les mêmes vibrations, ou bien être capable de retenir le goût du se1, du sucre, de ce qui est acide. Tant que toutes ces expériences vont et viennent, l'homme n'a pas le contrôle sur les moyens et la durée de son plaisir ou de sa joie. Il ne peut jouir d'aucun sens, d'aucune expérience, aussi longtemps qu'il désirerait en jouir. Il dépend donc de toutes les choses extérieures et ne contrôle pas la durée de ses expériences. Et s'il y a quelque façon de maintenir chacune de nos expériences, c'est par le moyen du contrôle.

 

Il y a un autre côté à cela. L'homme, inconsciemment averti du fait que toute expérience agréable ou joyeuse passera, est toujours anxieux; il la précipite au lieu d'essayer de la retenir et il la perd. Par exemple, l'habitude qu'il prend de manger rapidement, de rire avant qu'une phrase ne soit terminée, vient de ce que l'homme est anxieux à l'excès de voir passer sa joie; et c'est la raison pour laquelle, avant même que la phrase amusante soit terminée, sa joie est finie. En toutes choses, l'homme perd le pouvoir de faire durer ses expériences parce qu'il est anxieux de perdre son plaisir.

 

Il en est de même dans la tragédie par exemple: la grande joie, l'expérience de la tragédie est de l'éprouver dans toute sa perfection. Mais si au commencement de la pièce l'on est si frémissant que l'on ait versé des larmes, il n'en reste plus pour la fin; une fois qu'on atteint le zénith il ne reste plus rien à éprouver. Au lieu de retirer chacune de ses expériences de la bouche de la vie éternelle, l'homme les jette dans la vie cachée sans en connaître le secret.

 

Donc, en s'asseyant dans diverses postures et demeurant immobiles de diverses façons, les mystiques ont gagné le contrôle de leurs muscles et de leur système nerveux; et cela produit un effet sur l'esprit. Celui qui manque de contrôle sur son système nerveux et sur ses muscles n'a pas contrôle sur son esprit et, éventuellement, il le perd. Mais en ayant un contrôle sur le système nerveux et musculaire, on obtient aussi un contrôle sur l'esprit. Le moyen par lequel la vie attire son pouvoir est le souffle. Avec chaque inspiration, on attire vie, pouvoir et intelligence de la vie invisible et inconnue. Et lorsqu'on connaît le secret des postures et celui d'attirer l'énergie, le pouvoir et l'inspiration du monde invisible, on acquiert le pouvoir de garder sa pensée, sa parole, son expérience, son plaisir, sa joie.

 

D'autre part, pour acquérir le contrôle physique, il y a un pouvoir de pensée nécessaire qu'on doit joindre à la posture et au souffle: on doit s'élever au dessus de ce qu'on aime et de ce qu'on n'aime pas car c'est la cause de beaucoup de faiblesses dans la vie. Lorsqu'on dit " Je ne peux résister à ceci ", " Je ne peux manger cela ", " Je ne peux boire ceci ", " Je ne peux supporter cela ", " Je ne puis tolérer, je ne puis endurer ", toutes ces expressions montrent la faiblesse de l'homme. Plus grand est le pouvoir de volonté, plus l'homme est capable de supporter tout ce qui lui vient. Cela ne veut pas dire qu'on n'ait pas le choix. On peut choisir mais lorsqu'on se livre à son propre choix, la vie devient difficile. Il y a en l'homme un faux ego que les Soufis appellent Nafs, et ce ego se sent fier lorsqu'on dit: " Je ne peux supporter ceci, je n'aime pas cela, je ne regarde pas telle chose ". Tout cela alimente cet ego et sa vanité. Il pense: "Je suis mieux que les autres " et par là il se fortifie. Mais celui qui discrimine, distingue, choisit et qui en même temps a contrôle sur lui-même, celui qui jouit de ce qui est sucré mais peut boire un bol de ce qui est amer, celui-là est arrivé à la maîtrise.

 

Quelqu'un demandait à un sage la cause de toutes les tragédies de la vie. Le sage répondit: " La limitation ". Toutes les misères ne viennent que de cette seule cause: la limitation. Donc par les exercices, la pratique, l'étude, les mystiques ont essayé de surmonter autant que possible la limitation. Il n'y a pire ennemi de l'homme que l'impuissance. Lorsqu'un être sent: " Je suis faible ", je ne peux empêcher cela, c'est la fin de sa joie et de son bonheur.

 

L'impulsion affaiblit aussi lorsqu'on s'y laisse aller, qu'on s'y abandonne. Par exemple, lorsqu'on a l'impulsion d'aller au jardin et qu'au lieu d'attendre le moment de s'y rendre, on mette rapidement son chapeau et qu'on y aille, on suit immédiatement son impulsion et on perd pouvoir sur soi-même. Mais celui qui subordonne son impulsion à son contrôle l'utilise pour son meilleur but et atteint la maîtrise.

 

D'autre part, l'indulgence envers les impulsions, le confort, la recherche de ce qui nous convient du chemin qui offre le moins de résistance, amènent avec elles la faiblesse. Si peu important que puisse être un travail, si l'homme le prend sérieusement et le termine avec patience, il acquiert beaucoup de pouvoir sur lui-même. La patience est primordiale dans la vie; quoique parfois elle soit aussi amère, aussi dure, aussi insupportable que la mort; on préfère quelquefois la mort à la patience.

 

Sur cette terre américaine (Cette Conférence a été prononcée à San Francisco le 5 Avril 1926), une grande difficulté provient de ce que la race perd chaque jour davantage cette qualité, parce que la Providence l'a bénie à un tel point! Les gens y ont tout ce qui leur convient, ils ont tous les conforts; ce sont les enfants gâtés de la providence et lorsque se présente pour eux le moment d'avoir patience, cela leur devient très dur. Il serait donc bon pour eux de pratiquer cet esprit, car ils ne savent pas ce qui peut arriver dans l'avenir.

 

Nous vivons dans ce monde d'incertitudes et nous ne savons pas dans quelle situation nous serons mis demain. Si nous n'avons pas de force de résistance, nous pourrons facilement être brisés. C'est donc ce qu'il y a de plus nécessaire pour la race humaine de développer la patience dans toutes les situations de la vie, dans toutes les démarches, toutes les circonstances. Que nous soyons riche ou pauvre, en haut ou en bas de l'échelle sociale, c'est cette qualité que nous devons développer. En outre, c'est la patience qui donne l'endurance, c'est la patience qui est toute puissante et l'on perd tellement par manque de patience! La réponse à notre prière est très souvent à notre portée, la main de la Providence n'est pas très loin, et nous perdons patience et perdons l'occasion.

 

Le contrôle physique peut établir une fondation pour le caractère et la personnalité; une fondation à construire pour mener jusqu'au bout l'accomplissement spirituel.

 

 

Question: Pourriez-vous nous expliquer un peu plus la question des postures?

 

Réponse: La fantaisie de la création entière réside dans la direction de chaque mouvement; c'est suivant cette direction que sa fantaisie prend forme. D'où proviennent tous les opposés tels le soleil et la lune, l'homme et la femme, la douleur et la joie, le négatif et le positif. Alors que la source est une et que le but est un, pourquoi de telles différences? Elles appartiennent à la direction, le secret de chaque différence est la direction. C'est une activité, une énergie travaillant dans une certaine direction qui construit une certaine forme. Ainsi cela fait une différence si vous êtes assis de telle façon ou de telle autre, si vous dormez sur le côté droit ou le côté gauche; si vous vous tenez debout sur vos pieds ou sur la tête, cela fait une différence.

Les mystiques, par conséquent, se sont exercés pendant des années et des années et ont trouvé diverses postures en s'asseyant pour pratiquer certains exercices de souffle. Ils ont élaboré une grande science sur ce sujet. Il y a ainsi une posture pour le guerrier, une posture pour l'artiste, une posture pour le penseur, une posture pour l'aristocrate, une posture pour l'amant, une posture pour le guérisseur: des postures différentes pour atteindre différents objectifs. Grâce à ces postures, il devient facile pour l'homme d'atteindre ces objectifs, car il est arrivé à la science de la direction. La posture ne dénote rien d'autre que la direction.

 

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La Santé       La patience

 

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