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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'HARMONIE
La Santé
L'Art d'Être

Chapitre 11
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

C'est l'harmonie qui fait la beauté; en elle-même la beauté n'a pas de sens. Un objet considéré comme beau en un temps et en un lieu donnés n'est pas beau en un autre temps et en un autre lieu. Il en est ainsi de la pensée, de la parole et de l'action: ce qu'on appelle beau ne l'est qu'à un certain moment et dans certaines conditions qui le rendent beau. Donc, s'il est une véritable définition de la beauté, c'est l'harmonie. L'harmonie est une combinaison de couleurs; l'harmonie dans le dessin d'une forme ou d'une ligne s'appelle beauté; et une parole, une pensée, un sentiment, un acte qui crée l'harmonie produit la beauté.

 

La question se pose: d'où provient la tendance à l'harmonie et d'où provient le manque d'harmonie? Toute âme tend naturellement à l'harmonie et la tendance à la dysharmonie est un état d'esprit ou un état de choses qui n'est pas naturel. Le fait même de n'être pas naturel le vide de sa beauté. La psychologie de l'homme est telle qu'il réagit à la fois à l'harmonie et au manque d'harmonie. Il ne peut s'en empêcher, il est ainsi fait. Mentalement et physiquement, il réagit à tout ce qui lui arrive, que ce soit harmonieux ou dysharmonieux.

 

L'enseignement du Christ: "Ne résistez pas au mal" est un conseil de ne pas répondre au manque d'harmonie. Par exemple, un mot gentil, une parole de sympathie, un geste d'amour et d'affection provoque une réponse, mais une insulte, un geste de révolte ou de haine provoque aussi une réponse, et celle-ci crée une plus grande dysharmonie dans le monde. En cédant au manque d'harmonie, on lui permet de proliférer. A notre époque on constate que la plus grande inquiétude et le plus grand malaise se répandent partout dans le monde. D'où cela vient-il? Cela semble venir de l'ignorance du fait que la dysharmonie crée la dysharmonie et la multiplie.

 

Quelqu'un qui est insulté pense naturellement que la meilleure réponse à une insulte est une insulte plus grande encore. Il a momentanément la satisfaction d'avoir donné une bonne réponse, mais il ne connaît pas l'effet de sa bonne réponse. Il a réagi à cette force venue de l'autre et ces deux forces - négative et positive - créent davantage de dysharmonie. Mais "ne résistez pas au mal" ne signifie pas recevez le mal en vous-même. "Ne résistez pas au mal" signifie seulement ne renvoyez pas la dysharmonie qui vient à vous comme un joueur de tennis renverrait la balle avec sa raquette. Néanmoins cela ne signifie pas que vous deviez attraper la balle à pleines mains. La tendance à l'harmonie peut être comparée à un rocher dans la mer. Contre vents et marées, le rocher se maintient; chaque vague le frappe de toute sa force et cependant il reste calme en place, il supporte tout, laissant les vagues battre contre lui.

 

En combattant la dysharmonie, on l'augmente, en ne la combattant pas, on n'alimente pas le feu qui pourrait se déclarer et devenir destructeur. Il est certain que plus vous devenez sage, plus vous rencontrez de difficultés dans la vie, parce que toute espèce de dysharmonie sera dirigée contre vous précisément parce que vous ne la combattez pas. Pourtant, malgré toutes ces difficultés, vous devez savoir que vous avez contribué à détruire cette dysharmonie qui, sans cela, aurait proliféré. Ceci n'est pas sans avantage parce que chaque fois que vous résistez au manque d'harmonie, comme le rocher dans la mer, vous augmentez votre force intérieure, bien qu'extérieurement cela ressemble à une défaite. Celui qui est conscient de l'accroissement de sa force n'admettra jamais que c'était une défaite; et à mesure que le temps passera, celui auquel il a résisté comprendra que c'est lui qui, en fait, a été vaincu.

 

La vie dans le monde a un effet constamment perturbateur. Plus l'on s'affinera, plus ce sera pénible. Et pour une personne sincère et de bonne volonté, aimable et sympathique, il arrivera un moment où la vie deviendra plus difficile. Si elle se décourage, elle succombera; si elle garde courage, elle découvrira que ce n'était finalement pas un inconvénient parce qu'un jour sa force intérieure aura augmenté au point que sa présence, ses paroles, ses actes, maîtriseront les pensées, les sentiments et les activités de tous. Elle aura acquis ce rythme puissant qui entraînera le rythme de tous les autres. C'est cet attribut que l'on appelle en Orient la qualité de l'esprit maître.

 

Pour pouvoir résister à la dysharmonie qui vient du dehors, il faut d'abord s'exercer à résister à tout ce qui vient du dedans, de notre propre moi; car notre propre moi est plus difficile à maîtriser que les autres personnes et, si l'on n'est pas capable de se maîtriser et qu'on n'a pas réussi à le faire, il est plus difficile de résister au manque d'harmonie du dehors.

 

La question se pose alors: qu'est-ce qui provoque la dysharmonie en soi-même? C'est la faiblesse - physique ou mentale - mais c'est toujours la faiblesse. C'est pourquoi on constate souvent que c'est la maladie physique qui provoque la dysharmonie et les tendances à la dysharmonie. De plus, il existe de nombreuses maladies mentales que les scientifiques d'aujourd'hui n'ont pas encore découvertes. Deux cas sont possibles: quelqu'un qui est très malade peut-être est considéré comme fou; mais il arrive aussi qu'il ne soit pas tenu compte d'autres maladies du mental; et ceux qui souffrent de ces maladies sont considérés comme normaux et on ne prête pas attention aux défauts causés par ces maladies du mental. De sorte que les personnes qui en sont atteintes n'ont jamais l'occasion de percevoir en elles-mêmes ces maladies, et elles trouvent continuellement des défauts aux autres. Au bureau, dans un poste en vue, à la maison, partout elles provoquent la dysharmonie. Personne ne comprend pourquoi, parce que, pour pouvoir être soigné comme aliéné, un individu doit d'abord être reconnu comme tel.

 

La santé mentale est rarement prise en compte. De telle sorte que comme il y a de plus en plus de juristes, d'avocats, de tribunaux et de juges, il y a aussi de plus en plus de procès. Par conséquent le nombre des prisons augmente et qu'arrive-t-il? Lorsqu'un détenu sort de prison après une peine d'emprisonnement, il a oublié d'où il sort, et il récidive parce que sa maladie n'a pas été détectée. Au tribunal, un individu passe en jugement mais son cas psychologique, ce qui l'a poussé à faire ce qu'il a fait, n'est pas mis en évidence. Il y a dans les prisons des milliers de gens qui ont l'esprit ainsi dérangé. S'ils étaient maintenus en prison pendant mille ans, ils ne s'amélioreraient pas. C'est une injustice que de les emprisonner. C'est comme si l'on emprisonnait quelqu'un parce que son corps est malade.

 

L'origine de tout inconfort et de tout échec est la dysharmonie. Ce qui, à notre époque, serait le plus utile dans l'éducation, serait de donner le sens de l'harmonie aux enfants et de le développer en eux. Éveiller les enfants à l'harmonie n'est pas si difficile qu'il y paraît. Ce qu'il faut, c'est montrer aux jeunes les différents aspects de l'harmonie dans les diverses circonstances de la vie.

 

Le travail du Message Soufi - un Message d'amour, d'harmonie et de beauté - est d'éveiller l'humanité à la vraie nature de l'amour, de l'harmonie et de la beauté. L'enseignement donné à ceux qui sont initiés dans le culte intérieur consiste à cultiver ces trois choses qui sont les facteurs principaux de la vie humaine.

 

 

Question: Comment faudrait-il traiter les délinquants?

Réponse: Je proposerais que ceux qui sont accusés d'un certain délit soient - avant d'être conduits devant le juge - examinés par un jury de psychologues afin de déterminer ce qui se passe en eux. Ensuite, après le jugement, ils devraient à nouveau être examinés par ce jury.

 

Question: Comment pourraient-ils être guéris de leur défaut?

Réponse: Au lieu de les envoyer en prison, je pense qu'on devrait les envoyer dans une école spéciale pour délinquants.

 

Question: A quel âge faudrait-il commencer à développer l'harmonie chez un enfant?

Réponse: Dès le début de la croissance d'un enfant.

 

Question: Comment développer le sens de l'harmonie chez un enfant?

Réponse: Dans ses manières, ses actes, ses paroles, en postulant que l'enfant a un penchant naturel pour l'harmonie. La dysharmonie qu'il manifeste n'est pas dans sa nature, et ce qui n'est pas dans sa nature n'est pas difficile à éliminer. D'après mon expérience personnelle, celle que j'ai faite non seulement avec les enfants mais avec des personnes de tous âges et très différentes les unes des autres, je dirais que pas un instant je ne pense que quoi que ce soit de mauvais appartienne à quiconque. C'est seulement quelque chose d'extérieur qui s'est emparé de la personne et qui peut donc être éliminé à un moment ou à un autre. Je pense donc qu'il y a de l'espoir pour chacun. Si quelqu'un avait été accusé hier d'être le pire des individus, je le regarderais aujourd'hui avec espoir, et je penserais qu'il a fait un long chemin depuis hier.

De plus, je pense qu'accuser quelqu'un d'une faute, penser qu'il est mauvais ou qu'il manque d'harmonie, crée en lui ce que vous pensez de lui. Mais je dois vous dire que cela est difficile, même pour moi. C'est nier quelque chose qui se trouve en face de vous et qui n'est pas seulement latent mais actif. C'est comme dire d'un individu agressif par nature et agressif avec vous: "Non, il n'est pas agressif".

 

Question: Cela changera-t-il quelque chose?

Réponse: Dans la "Christian Science" on le dit aussi. Évidemment quelqu'un qui étudie la "Christian Science" aime tant parler de sa Science qu'il agace les gens. Mais en ce qui concerne l'idée, c'est la plus admirable des idées. Nier quelque chose, c'est le détruire et admettre quelque chose, c'est lui donner racine. Dire: "J'ai un ennemi et il me fait du mal", c'est véritablement donner à cet ennemi une force qui émane de votre propre esprit. Mais lorsque vous effacez cela de votre esprit et que vous pensez: "Je veux du bien à chacun, je ne veux pas regarder quelque chose de désagréable", cela ne donne pas cette force à l'autre.

 

Question: Pourriez-vous préciser comment développer chez l'enfant harmonie dans la pensée et dans l'action?

Réponse: Il y a deux fautes que l'enfant commet lorsqu'il parle, sans savoir que ce sont des fautes. La première est qu'il aime parfois raisonner comme un enfant ne devrait pas raisonner: de façon irrespectueuse. Il crée ainsi la dysharmonie parce qu'il dit une chose d'une manière dont un enfant ne devrait pas parler. La seconde est que l'enfant prend l'habitude de dire quelque chose qui psychologiquement n'est pas juste, qui ne donne pas de bonnes conséquences. Ceci est considéré comme très important en Orient, mais cela devrait l'être partout où il existe des êtres humains. Beaucoup de mots contiennent en eux une force cachée, beaucoup de mots produisent de mauvais effets. En jouant, un enfant ne sait pas ce qu'il dit; il dit simplement des choses et ne réfléchit pas à l'éventualité de la maladie ou de la mort de quelqu'un, ce qui psychologiquement est faux mais n'en est pas moins chargé de pouvoir suggestif. Si en jouant un enfant dit à un autre: "Je vais te trancher la tête", un autre enfant prendra peut-être un couteau et le fera.

En ce qui concerne l'action, un enfant déborde d'activité. Il est perpétuellement actif et ne sait quoi faire. Donc il est destructeur, il abîme les objets. Si vous l'empêchez de faire une chose, il en fera une autre. Pour arrêter ce qui, en lui, est destructeur et l'entraînerait à mal faire, vous devez éveiller chez lui le désir d'harmonie.

De plus, être respectueux des autres, de leur bien-être, de leurs paroles sont toutes choses très nécessaires pour l'enfant. On dit en Orient: "Un enfant bien élevé aura de la chance; de mauvaises manières sont la source de malchance". Cela se comprend aisément: de bonnes manières attirent l'amour, l'affection, la bienveillance de toutes parts, et ceci aide l'enfant à être sage. Quand une grande personne rencontre un enfant bien élevé, sa première réaction est de penser: "Qu'il soit béni, puisse-t-il réussir dans la vie!". Si l'enfant dérange, il n'attirera pas cette bienveillance des adultes et sera privé de cette bénédiction.

Il me semble que la première leçon de religion devrait enseigner aux enfants à avoir des égards pour autrui: l'ami, les êtres chers à la maison. Si les enfants n'apprennent pas cela, ils ne pourront comprendre la religion quand ils seront grands, j'entends la religion dans le vrai sens du terme et non une religion en particulier. Dans le monde d'aujourd'hui, la religion est l'élévation de l'âme. Des temps meilleurs ne viendront que lorsque les générations futures s'attacheront aux progrès de l'âme.

 

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