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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


L'ÉQUILIBRE
Première partie
La Santé
L'Art d'Être

Chapitre 5
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Si nous regardons le monde avec l'œil du voyant, nous verrons que les gens que l'on appelle sages et ceux que l'on appelle insensés sont plus proches les uns des autres qu'on ne le pense généralement. Leurs occupations différentes sont bien plus semblables qu'elles ne paraissent, considérant les conditions déséquilibrées de leur vie. Celui qui voit le bien dans les autres verra de plus en plus de bien. Celui qui a tendance à chercher des fautes trouvera tant de fautes qu'à la fin, le bien semblera mauvais à ses yeux et qu'alors ses yeux mêmes deviendront mauvais.

 

Il y a bien plus de chances de chute pour celui qui court que pour celui qui marche: l'excès d'activité amène une chute; l'activité tend à devenir de plus en plus intense et cela amène la perte d'équilibre. Il arrive parfois qu'un individu n'ait pas d'équilibre en disant la vérité; il prétend: «Je dis la vérité!» sans considérer si elle est en harmonie avec son entourage ou si les gens sont préparés ou non à l'entendre: «Je dis la vérité - prétend-il - et je ne me soucie pas de savoir si je dois me battre avec tout le monde en la disant!». Par conséquent, la leçon du repos est la plus importante pour atteindre ce but de l'équilibre.

 

La philosophie elle-même, culminant en la connaissance de Dieu, qui est plus grande et plus élevée que quoi que ce soit au monde, s'est souvent perdue par manque de cet équilibre. C'est pourquoi dans la Bible, dans le Vedanta, dans le Q'ran, même de claires vérités sont pourtant dites de manière voilée. Si les Prophètes et les Maîtres avaient donné la vérité en paroles précises, le monde aurait pris une mauvaise direction. J'ai souvent remarqué que la philosophie lorsqu'elle est expliquée de façon trop claire est comprise tout différemment que lorsqu'elle est expliquée de manière voilée.

 

L'activité, donc, tend à augmenter et à continuer à augmenter, et par cela, l'on perd l'équilibre. Quand nous parlons, nous sommes inclinés à parler de plus eu plus; parler nous est si agréable que nous aimons parler sans nous soucier de savoir si quelqu'un désire écouter ou non. Nous disons ce que nous ne désirons justement pas dire; après quoi nous nous demandons pourquoi nous avons blessé telle ou telle personne ou bien pourquoi nous lui avons dévoilé notre secret. Sa'di, le grand poète Persan, nous dit: «0 toi, l'homme intelligent, de quel usage est ton intelligence si ensuite tu te repends?»

 

Quoi que nous fassions, que ce soit bien ou mal, cela s'accroît en nous de plus en plus. Si un jour pendant cinq minutes, quelqu'un pense à la musique ou à la poésie, le jour d'après, cette pensée continuera pendant une demi-heure; si l'on a une petite rancœur, la pensée en croîtra inconsciemment jusqu'à ce que l'on soit rempli de rancœur. Tout péché vient de cette manière. Zarathoustra distinguait trois espèces de péché: le péché de la pensée, le péché de la parole et le péché de l'action. Avoir la pensée de la rancune, la pensée du mal est comme faire le mal. Et le mal en paroles est aussi comme faire le mal. Et quand une personne commet une mauvaise action, alors, le mal se concrétise.

 

Nous avons acquis l'équilibre de la pensée quand nous pouvons voir les choses non seulement de notre point de vue avec les idées et les sentiments que nous avons été entraînés à avoir, mais de tous les côtés.

 

La personne qui ne voit qu'un côté n'a pas d'équilibre. Supposez un grand patriote, un homme qui voit tout du point de vue patriotique. Il va dans une boutique et, sous prétexte qu'il vient pour un but patriotique, il demande au marchand de lui vendre divers articles à un prix très bas. Mais le marchand est peut-être un homme pauvre et, même pour un but patriotique, il ne peut vendre ces articles à ce prix. En outre, il est commerçant et il pense à son commerce, on ne peut lui demander de voir les choses avec l'œil patriotique de l'autre. L'un ne pense que patriotisme, l'autre proclame: «Dieu protège le commerce!». Et un troisième peut-être, qui est musicien dira: «Ils sont fous, c'est la musique seule qui importe!» Et le poète dira: «La poésie est la seule chose qui vaille au monde». Chacun d'entre eux pense uniquement à ce dont il s'occupe. Ainsi une personne pieuse peut exagérer dans la piété jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien en elle que la piété qui, à la fin, devient hypocrisie.

 

Mais, demandera-t-on, comment peut-on arriver à l'équilibre? D'abord, il y a l'équilibre entre l'activité et le repos; entre le sommeil et la veille. Si quelqu'un pense qu'en dormant beaucoup, il deviendra quelqu'un de grand et qu'il s'y habitue, il deviendra un monstre au lieu d'un homme, car alors son corps, qui lui est donné pour faire l'expérience du monde, ne sera pas utilisé dans ce but. Et si on ne dort pas du tout, en quelques jours on aura une dépression nerveuse. Si on jeûne beaucoup l'on deviendra certainement éthérique, on sera capable de voir dans l'autre monde, dans les autres plans, et l'inspiration viendra. Mais ce corps, ces sens, s'affaibliront de telle sorte que l'on ne sera plus capable de faire l'expérience de ce monde-ci pour lequel ils nous ont été donnés.

 

L'extrême est indésirable en toutes choses. En Inde, il y a des mystiques appelés mazdoub, qui poussent la spiritualité à l'extrême. Leur être extérieur est oublié à ce point qu'ils abandonnent aussi l'expérience de ce monde. Dormir et veiller, manger et jeûner, être actif et être tranquille, parler et rester silencieux, c'est cela qui est avoir de l'équilibre.

 

Le Soufi enseigne l'équilibre par la posture et le mouvement qui comprend le contrôle des actions et de l'activité du corps; par la pratique de Namaz Wazifa et Dhikr, il enseigne l'équilibre du mental par la concentration. S'asseoir chez soi et fermer les yeux n'est pas la concentration bien que les yeux soient fermés, les pensées continuent. Il est important de choisir le bon objet de concentration.

 

Par la concentration et la méditation, une personne fait l'expérience de l'extase qui est le plus grand bonheur et la béatitude. Pour cela, la direction d'un murshîd, d'un maître, est nécessaire; autrement l'on perdra l'équilibre. Un disciple reçut de Mohammed une pratique grâce à laquelle il fit l'expérience de l'extase. Quelques jours plus tard, il vint offrir des fleurs et des fruits au Prophète, le remerciant grandement et disant «La leçon que vous m'avez apprise a eue pour moi une si grande valeur! Elle m'a apporté une telle joie! Mes prières duraient quelques minutes, maintenant elles durent toute la journée». Mohammed répondit: «Je suis heureux que vous ayez aimé cette leçon, mais, je vous prie, à partir d'aujourd'hui, cessez cette pratique.»

 

Par le contrôle de soi, on fait l'expérience du plan le plus élevé dans lequel tous les êtres sont Un. La direction de l'instructeur, du Murshîd est nécessaire. Personne ne peut accomplir cela par soi-même. Et si quelqu'un le pouvait, il s'intéresserait tellement à ce dont il ferait là l'expérience qu'il deviendrait absent de ce monde; la distraction, la folie même et bien d'autres mauvaises conséquences pourraient en résulter.

 

Il n'y a pas de plus grand bonheur et félicité que l'extase. On pense toujours: «Je suis ce que je vois: cette petite quantité de chair, de sang et de peau, c'est moi»; mais par l'extase, la conscience est libérée du corps, de ce confinement et alors elle fait l'expérience de sa véritable existence, au dessus de tout chagrin et douleur et tribulation. C'est la plus grande joie. En faire l'expérience et garder le contrôle du corps et des sens au moyen desquels nous faisons l'expérience de toute la vie de ce monde, c'est cela avoir l'équilibre, c'est cela l'état le plus élevé..

 

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