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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Le Dévoilement de l'Âme
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


 

Le mysticisme est un moyen en vue d'une fin. Le mysticisme n'est pas le but, mais par son intermédiaire, on arrive au but. Si on me demande: "Qu'est-ce que le Soufisme? Est-ce une philosophie, est-ce mysticisme?", je répondrai "Il est l'un et l'autre".

On peut reconnaître le côté mystique du Soufisme comme une façon de voir et d'entendre : voir plus loin que ce qu'on voit, entendre plus finement ce qu'on entend. En d'autres termes, voir ce que les yeux ne peuvent pas voir, entendre ce que les oreilles ne peuvent pas entendre. Cette expérience donne à l'homme la faculté de voir sans les yeux et d'entendre sans les oreilles.

Il n'y a pas de doute que pour le mystique, voir et entendre - ces deux mots - ont une signification différente. Quand nous disons voir, nous voulons dire ce que nous voyons par les yeux et quand nous disons entendre, nous voulons dire ce que nous entendons par les oreilles. Pour le mystique, on peut voir non seulement par les yeux, mais même sans les yeux. Pour le mystique, on peut entendre non seulement par les oreilles, mais aussi sans les oreilles. Dans le langage courant, il existe le mot "voyant" pour désigner une personne qui peut voir avec les yeux et sans les yeux.

La question suivante se pose maintenant: s'il existait une telle façon de voir et d'entendre, toute âme serait bien heureuse de l'acquérir, car ce serait comme avoir des ailes pour voler. Qui ne l'aimerait pas? Tout le monde l'aimerait. Si une façon de voir et d'entendre est possible, comment se fait-il que tout le monde ne cherche pas à l'acquérir? C'est parce que tout le monde n'y croit pas: tout le monde ne croit pas en ces choses qui ne peuvent être atteintes que par la foi et jamais sans elle. Donc une chose que toute âme recherche est mise en doute par chaque âme.

Si une âme le croit, il faut alors se demander si elle a suffisamment de patience pour aller jusqu'au bout; car c'est la patience qui est requise dans ce chemin parce qu'une certaine préparation est nécessaire pour acquérir cette faculté d'entendre et de voir. Tout le monde aimerait voir et entendre, mais si une personne était ouverte à cette faculté, serait-elle assez forte pour en supporter les inconvénients? Par exemple, l'homme qui est si prompt à critiquer ses semblables, s'il pouvait voir encore davantage de fautes en eux, que ferait-il? Un homme absorbé dans les intérêts qu'il prend à la vie, s'il voit une chose terrible arriver à lui-même ou à ceux qui lui sont chers, sera-t-il capable de la supporter? Celui qui est prêt à livrer le secret d'une personne à une autre, si, par son pouvoir il connaissait les secrets de ses semblables, quelles choses terribles il pourrait alors faire! Une personne affectueuse qui craint tout mal ou toute atteinte qui toucherait ceux qui lui sont chers, si elle les voyait venir, serait nerveusement brisée.

Nous voyons par conséquent que bien qu'il existe une possibilité de voir et d'entendre dans chaque âme et que chaque âme serait ravie de parvenir à ce pouvoir, toutes ces âmes cependant ne sont pas prêtes à le posséder, et que de plus, cela ne leur serait pas bon. C'est pour cette raison que, tout naturellement, cela est appelé mysticisme. S'il y a là un secret quelconque, c'est seulement celui-ci: avant qu'une personne n'ait développé sa compréhension, elle ne doit pas entendre, elle ne doit pas voir. Par conséquent, ce n'est pas pour la faire voir et entendre mais pour la faire changer de compréhension que le Maître lui donne l'initiation. Quand un élève dit: "Je viens en vue de voir et d'entendre", le Maître lui dit "Vous devez attendre".

Je vais vous raconter ma propre expérience. Avant de me mettre à la recherche de mon Maître, la faculté de voir avait commencé à se développer en moi. C'est cela qui crée le désir de chercher un Maître, car le Maître peut expliquer la Vie. Je ne parlai pas de cette faculté à mon Maître, car j'étais trop impressionné, trop respectueux pour raconter ce que je pouvais voir et entendre. Un jour, cependant, après avoir fréquenté un certain temps mon Maître, je me risquai à en parler. Et quelle fut sa réponse? "Je suis désolé" dit-il, alors que je m'attendais à un mot d'encouragement. Sur quoi il ajouta: "Ce n'est pas de voir et d'entendre. C'est d'y prêter attention qui empêche de progresser".

Cette façon d'entendre et de voir, quand elle existe, les gens l'appellent clairaudience, clairvoyance. Comme ces mots sont mal employés aujourd'hui! Tout homme qui a l'esprit troublé, qui veut en savoir plus sur son avenir et qui en parle, est appelé clairvoyant. Il est bien surprenant d'entendre quelqu'un dire: "Je suis clairvoyant".

En vérité, ce don de voir et d'entendre est un don de l'Être Divin. Une personne qui a ce pouvoir est une personne qui s'est vu confier le secret de la vie. Plus elle le proclame, plus elle attire de gens, et plus grand est le péché qu'elle commet contre la loi divine. Il doit être compris que quand cette faculté de voir et d'entendre apparaît, dès cet instant une initiation est donnée, et l'homme devient responsable des secrets qui lui sont révélés.

De plus, si un homme n'est pas préparé, s'il n'a pas atteint un certain point, que peut-il gagner? Un jour j'ai été amusé d'entendre quelqu'un dire: "La condition de notre pays? Nous avons tant de liberté que nous ne savons pas qu'en faire". Il en est de même avec la personne qui peut voir et entendre, elle découvre qu'il y a tellement à voir qu'elle ne sait plus qu'en faire. Le Soufi, par conséquent, est reconnaissant pour ce qu'il voit et entend et reconnaissant pour ce qu'il ne voit ni n'entend. Il apprend la résignation dans le chemin du voyage divin.

On pourrait demander: "Quelle sorte de préparation devrait-on faire?". La réponse est que c'est une préparation morale, non pas dans le sens que nous donnons au mot moral dans la vie quotidienne, car nous lui donnons un sens égoïste, parce que nous jugeons un autre selon notre loi, au lieu de le considérer selon sa loi. La morale selon le point de vue soufi, spécialement dans cette préparation, est quelque chose de différent: c'est le fait de tenir compte des règles de l'amitié, de la relation avec un aîné ou un supérieur, avec un plus jeune ou un subalterne. Bien que ce soit une chose simple d'estimer l'amitié, il est extrêmement difficile de la pratiquer. Si on connaît le principe de l'amitié, on n'a plus besoin de la morale du monde. Quand, au lieu de son profit et de ses lois, un homme prend en considération le profit et les lois d'un autre, alors il commence à voir l'âme de cet autre. Tant qu'il voit l'autre comme un être, séparé, différent de lui-même, il le voit de façon fausse.

Ce que le Soufisme offre, par conséquent, c'est un moyen d'être averti de ces idées. Et une fois qu'on l'est, l'âme se dévoile naturellement et, comme conséquence naturelle de ce dévoilement de l'âme, graduellement on entend et on voit de plus en plus.

 

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Question: Peut-on rechercher ce pouvoir?

Réponse: La nourriture est pour celui qui a faim. Si vous avez faim, vous devez chercher votre nourriture. Si vous le désirez, la faculté de voir se développera naturellement, mais si vous ne le désirez pas, cela n'a pas d'importance. Cela dépend de l'appétit. S'il y a appétit, il doit y avoir nourriture. Si c'était un péché de voir davantage, ce serait également un péché de voir avec les yeux. Les yeux sont donnés pour voir et l'âme pour voir plus loin. Néanmoins, rechercher des pouvoirs extraordinaires, des phénomènes, c'est reculer au lieu d'avancer. Si on marche dans le chemin de la bonté, tout ce qui doit être donné sera donné. Mais, comme je l'ai dit, si nous vivons une vie de bonne volonté, il n'y a rien de meilleur pour lequel nous puissions vivre.

 

Question non enregistrée

Réponse: Tant qu'on comprend le principe de l'amitié, on peut percevoir ce qui est nécessaire et ce qui ne l'est pas. Un soufi qui a des relations appartenant à une certaine église et qui seraient enchantées de le voir dans leur église, s'y rendra s'il observe la loi de l'amitié, mais il ne laissera pas cela l'éloigner de son Soufisme. Il ne perturbera pas la cérémonie de ceux qui l'aiment; pourquoi le ferait-il? La sagesse n'est pas de séparer, c'est d'unir.

Je vous raconterai une petite anecdote. Lors d'un voyage entre un port français et New York, trois offices religieux furent célébrés sur le bateau. J'assistai aux trois. Personne ne s'attendait à ma présence. Je n'y allai pas pour faire plaisir à quelqu'un, mais pour mon propre plaisir. A aucun service je n'eus le sentiment d'adorer Dieu un peu moins. Je ressentis dans les trois offices que j'adorais le même Dieu. Mais supposez qu'une personne ne soit pas allée à un service religieux après le dîner mais au bal, serait-elle moins soufie pour autant? Elle aurait adoré autant que pendant l'un des trois offices.

 

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Qu'est ce que le Soufisme

  Dialogue Soufi

 

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