LA MÉMOIRE |
La mémoire appartient à l'état ou à la phase de l'âme appelée homme, mental, manas, et cette phase dure aussi longtemps que perdure le souvenir; aussi longtemps que deux êtres qui s'aiment se rappellent l'un de l'autre, aussi longtemps ils existeront et s'aimeront comme deux êtres séparés, à la fois pendant cette vie et après la mort du corps, conditionnés qu'ils sont par les paires d'opposés. Mais l'amour véritable de l'âme peut seulement trouver satisfaction dans le royaume qui s'étend au-delà du mental, où l'esprit rencontre l'esprit et s'immerge en lui, et réalise l'Unité où il n'y a aucun souvenir des plaisirs et des peines du passé et où le péché ne peut exister; car la conscience du mal n'appartient qu'au mental, qui est l'état séparé de l'être.
Si l'âme pouvait emporter la mémoire au royaume de l'esprit, toutes les erreurs et les fautes passées partageraient la Vie Éternelle et vivraient pour toujours. Le pardon des péchés signifie qu'ils sont effacés du miroir que le mental tient devant l'âme. Dans l'état de pur esprit, il ne peut pas y avoir de souvenir des choses passées; c'est l'état d'éternelle jeunesse que les philosophes ont cherché depuis l'aube des temps et qui a été matériellement interprété comme le renouvellement de la jeunesse et de l'amour dans le corps physique.
Les mystiques appellent cet état annihilation, ce qui, matériellement interprété, semble vouloir dire anéantissement et qui repousse plutôt qu'il n'attire un être qui cherche et qui commence à fouler le Sentier. En réalité, c'est une extase trop grande pour la compréhension du mental humain, et ainsi elle lui apparaît comme indésirable.
Il n'existe pas de termes pour en donner la description, mais peut-être peut-on proposer une image pour permettre aux esprits réfléchis de s'en faire une idée. Parfois, quand les difficultés de la vie semblent inextricables et que les souvenirs du passé deviennent insupportables, un individu cherche quelque forme de distraction ou de dissipation qui lui donnera, ne serait-ce que pour de courts moments, l'oubli de lui-même; il veut, comme il dit, être libéré de lui-même, le fardeau de ses souvenirs est plus qu'il ne peut supporter. C'est l'âme qui cherche à s'échapper de ses liens; les liens qui l'attachent à la terre sont les souvenirs, et c'est la nostalgie de cette liberté qui est le but du mystique dans chaque religion.
Le paradis et l'enfer sont tous deux des états de conscience qui appartiennent au mental, chaque âme créant le sien. Ils durent aussi longtemps que l'âme demeure dans le monde des opposés ou de la «séparativité»; pour cette âme il doit toujours y avoir paradis et enfer, bon et mauvais, positif et négatif, plaisir et douleur, chagrin et joie. Tel est l'état dans lequel l'âme existe et vit en tant que manas - mental - dans ce monde et dans le suivant. Mais quand l'âme s'est libérée de sa servitude en devenant maîtresse du mental, elle a alors placé tout cela sous ses pieds, elle est devenue homme divin -hu-man-. C'est le stade des Maîtres, des Prophètes et des Sauveurs qui ont conquis le monde gouverné par les paires d'opposés et qui ne sont plus soumis à ses lois; ils sont devenus Un avec tout ce qui est, Un avec le Père, de cette Unité dont les mots sont incapables de fournir la moindre notion au mental.
"Le mental est le meurtrier du réel; que le disciple tue donc le mental". (La Voix du Silence).
"De
l'illusion de la dualité née du désir et de la répulsion, ô! Bhârata,
tous les êtres de la création inférieure deviennent sujets à
l'illusion, ô! Parantapa; (Bhagavad Gita - 7e. Dialogue - 27-28).
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