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Murshida Sharifa Lucy Goodenough


L'ego

Murshida Sharifa Lucy Goodenough


 

Le sujet de l’ego est un sujet très important à étudier et on peut le considérer à plusieurs points de vue. Mais, pour celui qui désire cheminer dans le sentier spirituel, c’est le sujet le plus important de tous, car s’il y a quelque chose qui empêche de progresser dans ce sentier, c’est uniquement l’ego, et s’il y a quelque chose qui attire un être, c’est aussi l’ego, l’ego véritable, et c’est le désir de retrouver cet ego véritable qui le fait avancer, car cet ego est le but.

 

Au fond de la conscience de chacun, il y a ce simple “moi”, ce “je” qui vient aussitôt après la conscience d’exister qui est plus profonde encore dans l’être; l’on se dit: “Je vis, j’existe”, mais en réalité la conscience la plus profonde est d’exister sans “je”, sans “moi-même”, ensuite seulement vient le sentiment: “moi”.

 

Cela montre à quel point il est naturel qu’au fond de notre pensée et de notre action il y ait d’abord ce “moi”. L’on constate souvent que les autres peuvent toucher à beaucoup de choses dans notre vie, mais pas à ce “moi”; l’on constate que, pourvu qu’il conserve cette intégrité de lui-même qu’il exige, l’on pourra passer par bien des épreuves sans qu’il en soit bouleversé, mais l’on voit aussi que tout ce qui touche à l’ego dérange tout notre être. Et il est naturel que l’ego se fasse beaucoup sentir puisque, dans la vie entière, cette conscience est des plus profondes et, par conséquent, des plus importantes dans chaque nature pour son existence individuelle.

 

Ainsi chaque individu veut-il mettre ce “moi” à la première place, avant même ses sentiments de joie, de tristesse, d’élévation, d’humilité. Faut-il donc combattre ce “moi” pour avancer dans la vie? Non pas. Il faut seulement le mettre à sa place naturelle. Si un être le met à sa place naturelle qui est sa place juste, tout ira bien. Par «place naturelle» j’entends celle qui le met au-dessus des élévations et des abaissements de la vie, celle qui le fait passer avant même ce qui pourrait blesser notre mérite ou atteindre notre personne. Sa place est naturelle et juste quand il peut sentir: “Je passe par des angoisses, des privations, mais tout va bien pourvu que je vive”; et aussi lorsqu’il peut dire: “Il m’a fallu subir des humiliations sans fin, on m’a beaucoup abaissé, j’ai beaucoup souffert dans mon coeur, dans mon sentiment, mais je ne sens pas l’offense, mon moi est au-dessus de tout ce qui vient de l’extérieur, il est à l’abri”. Dans les deux cas, il a la place qui lui convient, il passe avant toutes les souffrances et toutes les joies, il passe avant l’orgueil, avant ce qui peut humilier.

 

La conscience du moi est juste, mais si on le met devant un autre (comme lorsque deux personnes, par exemple, veulent s’asseoir sur la même chaise, se donnant à chacune de bonnes raisons pour le faire), il sera difficile au moi de conserver cette justesse. Il dira sans doute: “Mais je suis fatigué, j’ai une longue route à faire, j’ai le droit de m’asseoir”, ou bien: “Cette autre chaise libre, là-bas, est au soleil, cela me gêne, je veux m’asseoir sur celle-ci”; l’ego se sera ainsi donné une place plus importante qu’à l’ego de l’autre personne dont il ne s’est pas soucié. C’est ainsi, c’est dès que l’on cède à l’ego en lui donnant ce qu’il désire - le confort matériel ou une satisfaction d’orgueil - qu’il prend une place trop grande dans tout ce qui l’entoure. Quand l’ego d’un être prend une place trop grande, quand il usurpe une place qui ne lui revient pas, il devient par là de plus en plus gourmand. Il veut davantage de confort, il exige d’être servi par d’autres, il désire prendre ses aises pendant que d’autres travaillent ou bien il prend goût aux louanges et aux flatteries, ce qui est une très grande faiblesse, ou encore il développe une trop grande sensibilité aux injures qu’il peut recevoir. Celui qui est mis hors de lui par un mot qui le blesse a un ego très important, celui qui peut ne pas porter attention à ces choses est plus développé.

 

“Le monde est jaloux car Dieu est jaloux” dit Djalal-ud-Din-Roumi. Cette même idée revient constamment dans l’Ancien Testament où nous lisons que Dieu ne veut pas que l’homme se prosterne devant une idole. Qu’est-ce que cette jalousie? Dieu serait-il capable d’être jaloux? Le Premier Ego est le seul qui existe véritablement et l’Ame de l’Univers est Dieu Lui-Même. Si un autre ego veut avoir une place qui ne lui convient pas, il empiète sur ce qui appartient en réalité au Premier Ego, au Grand Ego, à l’Ego Unique et il est naturel que l’équilibre ayant été détruit, il doive se rétablir aux dépens de tout ce qui l’a changé.

 

L’ego est la raison de toutes les guerres, et l’on peut le voir à l’oeuvre aussi chez les enfants: ils veulent s’emparer du même jouet, chacun veut y avoir droit. Il en est de même des grandes personnes: chacune est prête à amoindrir ses devoirs et à augmenter ses droits.

 

Quand on considère bien les choses il est naturel que chacun tende à augmenter son ego. C’est par lui qu’il sent, c’est l’objet le plus proche de sa conscience, il y est attaché comme à un ami qui est constamment près de lui. Mais cet ego peut devenir comme une épine, un ennemi pour les autres et pour l’être lui-même, ou bien il peut devenir un ami véritable qui l’accompagne à travers la vie sans le quitter, qui partage ses joies et ses peines. Et ce n’est pas une imagination que de dire que l’ego peut devenir un ami, c’est un fait; et c’est aussi un fait qu’il peut devenir un ennemi.

 

Ainsi, il n’est nullement vrai que ce soit un défaut d’avoir un ego; c’est l’état naturel de chacun, mais l’effacer est une chose désirable.

 

Il y a deux façons de faire de son ego un ami. La première est d’en faire un bel ego, ce qui est une phase élémentaire et, bien qu’élémentaire, c’est une belle phase et c’est toute la morale chevaleresque, celle qui peut dire: “Je ne ferai pas telle action parce que ce serait au-dessous de moi; je ne veux pas de choses vilaines dans mon être”. C’est de l’ego, mais c’est un bel ego. Une phase plus avancée est celle qui appartient aux êtres qui entrent dans le sentier spirituel, et elle est faite d'effacement: aimer ce qui est beau, les belles qualités, mais devant cela, s’oublier, oublier ses propres qualités, ne pas les attacher à sa propre personne, ce qui est une manière différente de la première et beaucoup plus difficile. Ainsi, celui qui entre dans cette phase attribue tout ce qui est beau, élevé, non pas à lui-même mais à Dieu. Et il arrive qu’au lieu d’être fier de son ego, il devienne fier en Dieu. C’est en Dieu qu’il place sa fierté. Et il en résulte qu’il aime tout ce qui est beau et élevé et qu’il détourne son regard des choses laides, qu’il ne veut pas les voir, les regarder; il étend un voile devant elles, il voudrait cacher à ses propres yeux les faiblesses, les insuffisances qui arrivent devant lui pour mettre en relief ce qui est beau et pur.

 

Nous lisons dans le GAYAN: 

“Bienheureux les fiers en Dieu, car ils hériteront du Royaume des Cieux.”

 

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La Voie de la Beauté

  L'ego

 

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