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Murshida Sharifa Lucy Goodenough


DU COMMENCEMENT DE NOTRE CONNAISSANCE

Murshida Sharifa Lucy Goodenough


 

Par où faut-il commencer ? Par ce qui est petit ou par ce qui est grand ? Par ce qui nous semble tout proche de nous ou par ce qui nous semble éloigné ? Par ce qui est en bas ou par ce qui est en haut ? Par l’étude de l’homme ou par la connaissance de Dieu ?

Il y a deux manières d’avancer vers la connaissance que l’on désire acquérir. La manière qu’adopte l’homme moyen (et par «homme moyen”, je ne veux pas dire d’intelligence moyenne, mais qui est moyen dans ses aspirations), c’est de s’occuper d’abord de ce qui est plus proche de lui.

Hazrat Inayat Khan a dit que la différence entre un scientifique et un mystique, c’est que le scientifique part du pied de la montagne et s’efforce de monter, tandis que le mystique va directement au sommet. Ainsi le scientifique examine en détail ce qu’il voit, mais la vision du mystique embrasse le tout.

De sorte que les mystiques, ceux qui ont appelé l’homme vers sa destinée spirituelle et l’y ont dirigé, lui ont toujours dit avec Jésus Christ : « Elève les yeux ; cherche d’abord le royaume de Dieu, les autres choses viendront à la suite ». Comme le dit aussi Hazrat Inayat Khan : « Elevez vos yeux vers la lumière divine, et quand vos yeux seront chargés de cette lumière, regardez ; alors vous verrez tout ce qu’il y a à voir, mais de manière bien différente que si vous regardiez d’abord en bas et ensuite éleviez les yeux ».

Il est naturel à l’homme de viser d’abord la perfection, la plénitude, le point culminant, le but et de chercher ensuite le moyen d’y parvenir. On est toujours étonné de voir que le désir des enfants mène tout droit à un point culminant ou vers ce qui représente un but très élevé. La pensée des moyens à mettre en œuvre, des pas à faire, est éloignée de leur esprit, parce que tout cela vient par l’expérience de la vie.

Evidemment, les esprits qui voient les choses d’un point de vue matériel sont d’opinion que l’on parvient à une connaissance complète par des moyens purement intellectuels, en faisant ce qu’on appelle une synthèse, une sorte de résumé des mille petits faits enregistrés dans la vie extérieure, que tout cela rassemblé donne une vision qui permet d’embrasser le tout et qui permet en outre de s’élever au-dessus de tout le détail de ce que l’on aura ainsi rassemblé. Cette opinion a cours en toutes sortes de domaines. Même quelqu’un qui, en théorie, ne nie pas l’intuition, prétendra, par exemple, à propos de chevaux : « On entend dire que certaines personnes reconnaissent au premier coup d’œil un bon cheval d’un mauvais, mais il ne s’agit pas d’intuition : on a seulement remarqué, même inconsciemment, tels et tels signes extérieurs qui montrent un bon cheval et voilà tout ». Et pourtant il s’agit bien d’intuition, même si on l’appelle communément « flair ». Et il en est ainsi non seulement pour les petits faits, mais pour bien d’autres connaissances. Certaines idées générales ne sont pas venues par la connaissance d’ensemble de milliers de phénomènes : l’idée est venue seule et a éclairé le champ de vision de celui qui l’a reçue, elle lui a fait voir les choses disposées autrement qu’il ne les avait vues auparavant.

Ainsi, même ceux qui admettent, en théorie l’existence de l’âme ne s’en occupent jamais ; ils se préoccupent seulement de l’esprit, et dans l’esprit, les neuf dixièmes de leur attention sont donnés à l’intellect. Ils cultivent, ils parent cet intellect pour qu’il devienne brillant. Il devra suffire à tout et en tout. Cela vient d’un défaut d’observation, car si un être s’observe lui-même, il verra qu’il ne consiste pas seulement en un intellect, et même que ses actions sont bien souvent déterminées par toute autre chose que par son intellect ; qu’elles sont aussi déterminées par son cœur, par son sentiment intime, par son intuition ; et souvent aussi, bien qu’il en prenne rarement conscience, à cause de l’opinion des autres, par ce qu’ils lui ont suggéré à propos de telle ou telle chose. Personne n’aime se lancer dans une entreprise uniquement sur des raisonnements intellectuels. Non, il y a quelque chose d’autre qui le pousse, une attraction, une intuition, une sympathie ou une antipathie.

Alors quelle part l’intellect y prend-il ? A quoi sert-il ? Il sert à éclairer trois choses : d’abord la situation où l’on se trouve, puis ce qui vous fait agir à ce moment, enfin la voie à suivre.

Les gens qui négligent de s’observer mentalement eux-mêmes et qui n’ont pas développé leur intellect commettent une grande erreur. Parce qu’une idée leur vient, ils agissent aussitôt selon cette idée, ou bien ils conseillent à d’autres d’agir selon cette idée qui leur vient sans se rendre compte de la nature de leur impulsion à ce moment.

Pour recevoir une intuition vraie, il faut un cœur tout à fait tranquille ; autrement, l’imagination incontrôlée vient troubler, dénaturer l’idée qui jaillit de l’intuition, et ainsi de très bonnes idées, mais qui ont été dénaturées, font commettre de très grosses erreurs.

Suffit-il alors d’être intuitif, de recevoir des intuitions pour se bien guider dans la vie ? Non, car c’est un manque d’équilibre chez un être lorsqu’il a développé son cœur et qu’il n’a pas de tête. Un tel être ne pourra ni marcher d’une démarche sûre, ni guider les autres, parce que la netteté d’esprit lui manquera, le raisonnement lui fera défaut.

Si dans la vie l’on commence par les petites choses, toute la vision de la vie qu’on se formera sera petite parce que la vision première aura été petite. Si l’on commence par de grandes choses, les petites choses deviendront grandes parce qu’on les élèvera dans la lumière de cette grandeur qui a été la première impression. Si l’on commence par les choses basses, l’on ne pourra pas s’élever très haut, car l’on sera habitué à vivre très bas. Mais si nos projets, nos aspirations vont directement là où chaque âme souhaite aller, c’est-à-dire à ce qui est le plus haut (parce que c’est aux plus grandes hauteurs que se trouve le pays natal de toute âme) les choses basses existeront tout aussi bien, mais leur existence sera négligeable, sans importance en comparaison de ce vers quoi l’on s’efforce. Et si l’on cherche d’abord Dieu avec une considération constante, même le corps sera soulevé au-dessus de la densité de la terre. Mais si le monde est la première préoccupation, et si de cette préoccupation et de l’expérience qui en est le fruit on voulait en arriver à ce que l’on appelle la naissance divine, l’on n’y arriverait jamais.

Les Soufis disent que le parfum a existé avant la fleur. Ils veulent signifier par-là que si l’on veut toucher l’essence de la vie, c’est par le parfum, en d’autres termes en commençant par cette essence que l’on peut y arriver et non pas en commençant par l’enveloppe. Ainsi, en commençant par imaginer Dieu, en se forgeant un idéal de Dieu - comme le dit Hazrat Inayat Khan - l’on arrivera à un point où l’on pourra Le voir aussi autour de nous, et ce que l’on verra, on le verra sous un aspect qui aura un reflet de la vie divine. Mais si l’on commence d’abord par regarder le monde, il sera très difficile de s’élever jusqu’à l’idée de Dieu.

C’est pourquoi ceux qui ont eu une éducation dépourvue d’idéal divin ont beaucoup de mal à le construire, parce qu’ils ont été impressionnés dès le début par le monde, par les imperfections du monde. Pourtant, ce que nous avons connu en premier de nous-mêmes est notre âme, et si nous croyons au contraire que ce que nous avons connu d’abord c’est notre corps physique, nous renversons toute notre psychologie.

Et quand ceux qui veulent étudier la psychologie de l’homme ou traiter certaines maladies en leur appliquant des traitements qui ne s’adressent qu’au corps ou aux aspects les plus physiques de la vie, ils commettent de très grandes erreurs.

Pour soigner les êtres humains par des moyens psychologiques, il faut évidemment connaître l’esprit, le cœur, mais il faut connaître aussi l’âme et c’est cette connaissance qui fait généralement défaut. Par conséquent, l’on fait des théories qui explorent l’existence matérielle de l’individu et l’on cherche à le guérir en se guidant sur elles. Si l’on avait conscience de la vie de l’âme, bien des guérisons seraient faciles. Un être qui est conscient de la vie de son âme et qui possède le don de l’amour est un guérisseur qui n’a pas besoin d’étudier pour guérir de tels cas. Pour obtenir une guérison parfaite, il faut connaître non pas l’être physique dans tous ses détails, mais les parties profondes, essentielles de l’être humain.

Et c’est aussi cela qui élève au-dessus des tracasseries et des difficultés de la vie qui alors deviennent petites.

 

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Le Sentier Spirituel

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