LA CONNAISSANCE DE L'AVENIR Murshida Sharifa Lucy Goodenough |
Il y a de nombreux moyens grâce auxquels l’on cherche à connaître l’avenir. L’astrologie en est un, mais à toutes les époques l’on a employé diverses méthodes de divination. Encore aujourd’hui, il y a des gens qui essaient de lire dans différents objets, dans le marc de café, les feuilles de thé même. Il y a des gens qui consultent les esprits, il y en a d’autres qui croient trouver les signes de l’avenir prédits dans les Ecritures : que de fois a-t-on interprété l’Apocalypse dans ce but et dans combien de sens l’a-t-on interprété ! Il existe un seul moyen sûr de connaître l’avenir, c’est de connaître le présent, et c’est parce que l’on ne connaît pas le présent que l’on ne connaît pas l’avenir. Nous croyons connaître notre vie personnelle, pourtant notre connaissance en est très limitée, très imparfaite. La preuve en est notre étonnement continuel devant les choses qui arrivent dans notre existence comme devant les choses qui n’y arrivent pas. Le tout premier objet à connaître c’est soi-même si l’on veut connaître son présent, son avenir et l’avenir du monde entier. Mais comment connaître l’avenir ? On peut en donner une image ; par exemple, quelqu’un qui ne connaîtrait pas l’effet de la cuisson ne saura pas que tel objet mis dans l’eau bouillante durcira tandis qu’un autre se ramollira. C’est là un très petit exemple, mais c’est ainsi dans toute la vie. Un processus est en route et nous sommes tout étonnés de voir les effets de ce processus très différents de ce que nous avions souhaité ou supposé. Ceux qui ont dans la vie quotidienne une vue pénétrante peuvent prédire que telle chose arrivera parce qu’elle se prépare, que tel fait contraire provient de telle cause. Rien dans ce monde n’arrive spontanément. Tout est préparé, et tout ce qui arrive dans son stade préparatoire se montre aux yeux qui sont capables de voir. Jésus Christ disait à ses disciples : “Quand vous voyez que le ciel est rouge le soir, vous savez que le lendemain sera un belle journée, mais vous ne savez pas lire les indices des événements, les indices qui annoncent la volonté de Dieu”. S’il y a un nuage noir au ciel, nous savons qu’il pleuvra, mais nous ne savons pas reconnaître les signes dans le monde intérieur qui annoncent tel ou tel événement avant qu’il ne se produise à l’extérieur. Il y a deux façons de connaître l’avenir. L’une est l’intuition, qui en se développant passe par différentes phases pour devenir la révélation où tout est clair ; l’autre est le développement de la vision intérieure. Pour le sage, pour le voyant, ces espaces vides dont nous supposons que l’air seul les remplit, sont pleins de signes et d’existences qui le renseignent et lui annoncent ce qui se prépare. Tout ce qui se passe, tout ce qui s’est passé sur la terre s’inscrit dans la sphère intérieure, mais dans le même espace où nous vivons. Les événements ne se préparent pas dans une sphère lointaine que nous n’atteignons pas. Ils se préparent autour de nous, tout comme l’atmosphère se charge d’électricité avant un orage, ce que nous pouvons sentir et qui nous fait sentir qu’il y aura un orage. Il y a des êtres sensibles qui sentent même un tremblement de terre qui aura lieu peut-être en Amérique du Sud alors qu’eux sont à Paris. Ce n’est pas leur esprit, leur intellect qui le leur dit, ils le sentent. Il y avait près d'Innsbruck un oiseau qui se tenait généralement très tranquille dans sa cage. Un jour il s’agita sans cesse, il sentit venir le tremblement de terre qui eut lieu peu après. Certains êtres humains furent aussi perturbés, agités pour la même raison. Cette sensibilité peut se comparer à l’intuition qui n’est pas encore pleinement développée. On perçoit quelque chose de changé, mais cela surviendra-t-il dans notre vie personnelle, dans la vie de notre entourage, ou dans le monde entier ? A ce stade qui est le début de l’intuition, on ne le sait pas, on ne peut le prédire encore. Ceux qui ont réellement prédit l’avenir avaient ou bien une révélation entière, ce qui est le degré le plus élevé de la connaissance, ou bien des visions, des visions claires qui annoncent l’avenir tel qu’il se produira plus tard, ou des visions symboliques. Comment cela peut-il être ? C’est qu’au moment où l’âme est libre, où elle n’est pas occupée par l’activité de l’esprit et du corps, où elle reste entièrement elle-même pour ainsi dire, où elle est consciente d’elle-même, elle peut connaître tout le présent, le passé de ce qui se passe tout près ou à distance, et même l’avenir. Si elle est parfaitement limpide, elle verra toutes choses telles qu’elles vont arriver, et si elle n’est pas tout à fait tranquille, elle les verra sous forme symbolique. Je connais une personne qui, au moment du jour de l’An, savait les événements de sa vie pour l’année à venir et j’ai pu constater moi-même que c’était exact. Si nous prêtions
attention à cet aspect de la vie, nous serions moins ignorants de ce qui
nous intéresse, mais en général lorsqu’une telle intuition arrive, l’on
n’y prête aucune attention, et bien plus souvent l’on imagine des choses
qui n’existent pas du tout. Ainsi l’on prend des rêves pour la réalité
et la réalité pour des fantaisies. Mais bien qu’il soit difficile de
distinguer le réel de l’imaginaire, ce n’est pas impossible. La voix de
la réalité a un timbre tout différent des voix fausses que nous
entendons sans cesse, venues de notre esprit, de nos imaginations ou de
celles des autres. C’est la même faculté qui nous permet de reconnaître
à la voix de quelqu’un si ce qu’il dit est sincère ou non. Si notre cœur
est calme et pur, et que nous voyions pour la première fois un être qui
vient nous affirmer une chose inconnue de nous, nous sentons qu’il dit
vrai ou au contraire nous sentons qu’il ne dit pas la vérité, même si
nous ne pouvons en apporter aucune preuve. C’est notre sentiment profond
qui nous le dit. Il en est de même pour les expériences intérieures, plus facilement trompeuses que les expériences extérieures. Mais aussi les facultés de perception employées pour les réalités subtiles sont plus subtiles, et elles le deviennent davantage quand on les cultive. Puis, en dehors de l’intuition, ceux qui prédisent l’avenir voient des signes que l’on pourrait appeler “présages” qui se manifestent à leur vision devenue claire -présages qui existent et qu’il serait plus naturel de voir que de ne pas voir. Parfois, on peut constater qu’un chat ou un chien regarde à côté ou regarde fixement dans un coin, parfois avec horreur, parfois avec un regard très curieux. Nous ne voyons rien du tout, mais lui voit quelque chose qui provoque sa crainte ou son attention. Il serait plus naturel que nous voyions ces choses-là aussi. Le but du Soufi n’est pas de devenir clairvoyant ni d’acquérir la clairaudience, mais il souhaite vivre en possédant tous ses sens et pas seulement ceux qui sont attachés à ses organes des sens extérieurs. Il souhaite rendre vivants les centres psychiques de l’âme qui sont en lui et que l’homme a besoin de développer. Par là il entre en possession de ses sens intérieurs. Il existe donc deux manières de développer ces sens : en développant l’intuition et en développant la vision. L’être dont les centres sont ainsi éveillés vit d’une vie complète et d’une vie plus heureuse que celui qui est à moitié engourdi, ne connaissant que son véhicule physique.
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