Depuis quelque temps, en
Occident, on parle beaucoup de la loi de Karma, surtout parmi les
personnes qui attachent une grande importance à la réincarnation.
L'idée de cette loi nous montre
que, dans tous les aspects de la vie, chaque pensée, chaque parole et
chaque action ont leur effet, leur répercussion, non seulement sur
celui qui a pensé, parlé ou agi, mais aussi sur ceux qui ne sont pas
entrés dans le rayon de sa pensée ou de son action consciente. De
sorte que nous sommes, en nous-mêmes et dans notre personnalité,
l'effet de nos pensées, de nos paroles et de nos actions, et aussi des
pensées, des paroles et des actions des autres.
Toutes ont un effet sur nous,
non seulement dans la vie consciente sur cette terre, mais dès
auparavant. Nous avons été formés par les pensées des autres, par
leurs sentiments, même par leurs paroles, et nous sommes venus sur
cette terre, portant ce trésor ou ce fardeau, chargés du résultat des
pensées et des actions des autres.
Les pensées et les actions ont
toujours leurs effets sur tout ce qui existe dans la nature; chaque pensée
qui vient d'un être peut frapper même une pierre, et frapper par conséquent
beaucoup plus profondément un être vivant.
Ce qui nous arrive dans la vie
est en grande partie le résultat de ce que nous-mêmes nous avons fait;
c'est en grande partie le résultat de notre choix conscient ou
inconscient, mais il y a aussi des influences dont nous ne sommes pas
responsables. Si nous voulons appeler Karma les effets des sentiments,
des pensées, des paroles et des actions de tous les êtres humains, le
domaine est vaste; et si nous voulons appeler Karma les effets de nos
propres actes, de nos paroles, de nos pensées, l'action de ce Karma est
déjà très puissante et très étendue.
A quel degré sommes-nous
responsables des résultats de ce Karma? Notre responsabilité s'étend
jusqu'aux limites où nous nous sentons responsables. Si nous avons en
main une tasse et que nous la jetons par terre, si nous l'avons fait
exprès, nous avons la responsabilité de cette action; si c'est par mégarde
ou par négligence qu'elle nous a échappé, nous ne nous en sentons
responsables qu'à moitié; mais si quelqu'un nous a poussé de telle
sorte que la tasse soit tombée de notre main, nous nous disons:
"On m'a poussé. Comment serais-je responsable de cette
action?".
Il en est de même de tous nos
actes. Des actes qui ont précédé nos actions sur terre, nous ne
pouvons être consciemment responsables. Nous sommes responsables de ce
que nous avons dit et fait consciemment. Nous ne sommes pas responsables
du fait que Vénus ait occupé une certaine position dans le ciel à un
certain moment; nous ne le sommes pas de tout ce qui nous entoure. De même
nous nous sentons responsables de ce que nous faisons dans la journée
à l'état de veille, mais nous ne nous sentons pas responsables de ce
que nous faisons lorsque nous dormons la nuit: peut-être dans notre rêve
jetons-nous un objet loin de nous, mais nous ne nous en sentons pas
responsables. Certaines personnes se lèvent dans leur sommeil et se
promènent, elles n'en sont pas responsables.
La vie, avant celle que nous
connaissons sur la terre, a eu ses actions aussi; l'esprit en était
responsable dans la mesure où un enfant inexpérimenté est responsable
de ses actions. Mais nous ne sommes pas responsables consciemment de la
plupart des choses acquises dans la vie, pas plus qu'un enfant n'est
responsable des qualités héritées de ses parents. Les parents sont
responsables des qualités de leur enfant, mais l'enfant ne l'est pas.
S'il est coléreux, s'il a hérité de paresse, d'orgueil, les parents
sont peut-être responsables d'avoir transmis cela à leur enfant, mais
l'enfant ne pouvait s'empêcher d'en hériter.
Il en est de même de notre vie
avant de venir sur terre. Si l'on tombe malade et que l'on se dise que
ce doit être à cause d'un Karma de sa vie antérieure, et qu'en conséquence
l'on devait tomber malade, ce n'est pas forcément exact. Mais si nous
avons commis quelque imprudence, que nous ayons abusé de nos forces et
que nous pensions que nous sommes bien punis parce que nous avons négligé
de consulter notre bon sens, alors c'est exact, et c'est un Karma dont
nous nous sentons responsables. Personne n'est responsable de ce qui n'a
pas été fait consciemment. Si l'être est inconscient de son action,
il n'en est pas responsable.
Pour en venir aux actes
conscients, aux paroles dites avec intention, aux pensées entretenues
dans notre esprit, leur effet est sûr; et c'est toujours un effet
semblable à l'action commise, à la pensée que nous avons eue. On peut
s'étonner que de bonnes pensées, de bons sentiments soient loin d'être
rendus par ceux à qui ils ont été envoyés. C'est que l'effet ne
vient pas toujours du même point vers lequel l'action a été dirigée,
mais il revient toujours.
"Le monde est un dôme où
chaque mot dit à demi-voix a son écho et revient à celui qui l'a
prononcé", a dit Hazrat Inayat Khan. Pourtant nous pouvons voir
des êtres très bons, très aimés de leur entourage, passer par de
grands malheurs; ils ne paraissent pas non plus trouver la
reconnaissance que cette bonté semblait mériter. Nous voyons aussi des
êtres durs, cruels, qui semblent réussir en tout; pourtant cette réussite
se brisera un jour; ils réussissent tant que leur magnétisme est assez
puissant, un magnétisme devant lequel les autres s'inclinent, mais
quand ce magnétisme les quitte, par l'effet de la vieillesse ou d'une
santé délabrée, tous s'en prennent à eux, se retournent contre eux;
même les objets inanimés semblent montrer à ce moment une attitude
hostile.
La seule loi de la justice est
celle-ci: ce que tu as semé, tu le récolteras; c'est une loi de la
justice bien comprise, et même de la justice qui ne l'est pas; car
c'est une loi naturelle que l'on peut constater et que l'on peut reconnaître
pour soi-même. Si l'on donne un coup, il est naturel qu'un coup soit
rendu. Si une personne n'a rien fait pour une autre, il sera très juste
que cette autre pense pouvoir agir de la même façon envers la première,
comme une bonne action, une bonne parole, un bon sentiment venant de
quelqu'un, nous font penser que devant la gentillesse et la bonté, le
moins que nous puissions faire est de rendre la pareille.
C'est de cette façon que la loi
de Karma fait récolter ce que l'on a semé.
Peut-on éviter
les conséquences de la loi de Karma? Oui, sinon le pardon n'existerait
pas, il n'y aurait pas d'oubli des fautes dans cette vie. Le pardon
annule, efface en un moment tout ce qui a été fait. Nous lisons dans
le Gayan: "Le pardon vient de Dieu seul. Il ne devient le privilège
de l'homme que lorsque quelqu'un lui demande de lui pardonner".
Si Dieu nous pardonne une fois
que nous serons entrés dans l'au-delà, nous n'avons pas à avoir peur
de l'au-delà. Au moment où Dieu nous pardonne, le pardon vient de tout
ce qui nous entoure, de ceux que nous avons offensés et de nous-mêmes.
Quelquefois l'état d'esprit d'un être est tel qu'il dit: "Dieu me
pardonnera, mais je ne peux pas me pardonner à moi-même". Par
cette attitude il ne veut pas oublier, il reconnaît sa faute comme
faisant partie de son être. Mais s'il se pardonne, Dieu Lui-Même a
oublié, et toute la vie passe entre le Karma et le pardon qui efface le
Karma.
L'influence des astres,
l'influence des planètes, peut-elle avoir un effet sur nos actes et
peut-elle aussi effacer ce qui vient de nos actions? L'action des planètes
et nos actions se pénètrent réciproquement, ces deux choses arrivent
ensemble. L'action des planètes peut aider les actions de l'individu,
mais si celui-ci a fait des expériences contraires à sa conscience, il
descendra, il deviendra malheureux. C'est ainsi que l'on voit des êtres
toujours inquiets ou mécontents. D'autres ne paraissent pas sujets à
cette inquiétude ni à ce mécontentement bien qu'ils semblent être
influencés défavorablement; ils trouvent un bonheur au milieu de leur
souffrance, ils gardent la sérénité de leur esprit, et ce bonheur est
dû à leurs actions, à leurs sentiments.
Quel que soit l'effet des
influences planétaires, l'effet des pensées que l'on a, des paroles
que l'on dit et des actions que l'on fait, est très grand lui aussi, et
si quelque chose peut le contrecarrer, l'effacer quand il en est besoin,
c'est seulement le pardon.
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