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Murshida Sharifa Lucy Goodenough


La manière de fortifier la volonté
L'expérience de la Sagesse
Murshida Sharifa Lucy Goodenough


 

Notre Chacun sait ce qu'est la volonté, et pourtant il est difficile de la définir. On pourrait dire que vouloir, c'est souhaiter, désirer avec l'intention de réaliser. Pourtant nous désirons quelquefois malgré notre volonté ; par exemple nous avons décidé de ne pas manger de choses sucrées et nous avons devant nous un plat sucré qui nous tente, mais puisque nous avons décidé de ne pas en manger, nous nous abstenons. Nous souhaitons nous lever et nous désirons rester au repos ; notre volonté fait que nous suivons quand même notre souhait de nous lever. Mais quand on ne désire pas une chose, peut-on se forcer à vouloir cette chose qu'on ne veut pas ? Oui, l'on peut se forcer à la vouloir et à force de volonté l'on commence à la désirer, cependant cela peut prendre un temps très long. L'on voit par-là que la volonté a bien des aspects, et qu'elle contredit parfois les désirs qui nous viennent. Néanmoins une volonté ferme est un très grand bien dans la vie, et tous les êtres qui ont montré un progrès dans un domaine quelconque ont consciemment ou inconsciemment cultivé et fortifié leur volonté.

Une volonté ferme consiste en trois choses : la force de l'impulsion, sa fermeté, et en troisième lieu sa persistance. La force de l'impulsion est la force de la nature ; ceux qui ont de fortes impulsions montrent la force de leur nature, leur volonté sera forte. Cependant, il peut y avoir des volontés très fortes qui ne durent pas. A l'inverse, une volonté peut n'être pas très forte dans son impulsion, mais elle pourra être très persistante, très ferme et elle ne déviera pas.

Cela nous montre la bonne manière de cultiver la volonté : elle consiste à la cultiver sous ses trois aspects.

Premièrement il s'agit de laisser à l'impulsion libre cours, mais en tenant en mains les rênes de cette impulsion ; si on lui laisse totalement et sans frein son libre cours elle s'épuisera peut-être très vite, si au contraire on réfrène chaque impulsion et l'on se refuse chaque désir que l'on a, la volonté pourra finir par s'affaiblir et par s'épuiser.

Ensuite il faut la maintenir ferme en ne lui permettant pas de dévier, car c'est une tendance de l'esprit humain que lorsqu'il veut une chose le désir lui vient d'une autre, et la volonté fléchit et ne regarde plus aussi fermement son but. En la maintenant ferme on la fortifie plus que par toute autre chose. La concentration et la force de la volonté sont très liées : la concentration fortifie la volonté et la volonté fortifie la concentration. Mais alors on pourrait se demander si ceux qui ont une forte volonté ont une très bonne concentration ? Quelquefois la volonté peut être forte, mais par faiblesse des nerfs ou par fatigue de l'esprit, la concentration peut être diminuée. Il reste cependant qu'en cultivant la concentration l'on augmente la force de la volonté.

En troisième lieu l'on fortifie la volonté en y persistant, c'est-à-dire non seulement en l'empêchant de fluctuer mais aussi en la maintenant dans la même direction. C'est pourquoi il est bon de finir tout ce qu'on entreprend, de ne pas changer d'idée en route même pour la plus petite chose. Cela ne veut pas dire qu'il faut persister si l'on commet une erreur, mais à moins d'une vraie raison il faut continuer à accomplir ce qu'on voulait accomplir.

Quand une personne a un excès de volonté et peu d'intelligence, le résultat sera l'entêtement ; mais s'il y a beaucoup d'intelligence et peu de volonté, une personne agira d'une manière qui manquera de fermeté, et qui sera de peu de profit pour elle-même et pour les autres. Chez les enfants, l'entêtement est chose fréquente et leurs parents s'en inquiètent. Mais cela peut venir de ce que cet enfant a une volonté forte et qu'il est trop jeune pour comprendre ce qu'il fait ou qu'il manque d'expérience pour voir l'effet de ses actions, et ce n'est pas forcément un manque d'intelligence. L'entêtement chez un enfant n'est pas en soi un défaut, ce sera souvent au contraire un enfant qui promet. Mais l'entêtement chez un adulte, est une autre question : chez lui l'intelligence doit être arrivée à son plein développement ; si elle ne suffit pas pour montrer les conséquences d'une action, c'est qu'il y a manque d'équilibre : l'intelligence d'une telle personne n'est pas à la hauteur de sa volonté. Quant à l'être intelligent qui manque de volonté, il commencera mille choses sans les terminer ou ne fera rien du tout, ne prendra aucune décision.

Si la volonté n'est pas forte, peut-on la développer ; peut-on créer une volonté ? Aucun être n'est sans volonté, il n'y a donc pas à la créer, mais on peut beaucoup la fortifier. Une manière de fortifier la volonté par l'exercice est celle qu'emploient quelques mystiques et surtout les Yogis : ils s'exercent à faire le contraire de ce qu'ils voudraient faire. Par exemple, ils se forcent à dormir quand ils voudraient veiller, à veiller quand ils voudraient dormir, à manger à heure fixe quand ils voudraient faire autrement, jeûner quand ils ne voudraient pas jeûner, occuper leur esprit quand ils voudraient le reposer, aller à gauche quand ils ont envie d'aller à droite, manger salé quand ils voudraient manger sucré, rester chez soi quand ils voudraient sortir... Et par là, une très grande force de volonté se développe.

Mais ce n'est pas une méthode que l'on puisse imposer à d'autres, et surtout pas à des enfants. Si l'on contrarie sans cesse les penchants d'un enfant, si on l'oblige à faire le contraire de ce qu'il veut, l'on atrophie au contraire sa volonté. C'est un certain degré de discipline qui fortifie leur volonté, par exemple en les obligeant à faire certains gestes de la vie courante qu'ils ne feraient pas seuls, et surtout en les obligeant à terminer ce qu'ils ont entrepris.

Une volonté forte est donc une condition indispensable pour accomplir quoi que ce soit. Elle n'est pas moins nécessaire dans la vie spirituelle que dans la vie du monde, elle y est plus nécessaire même. C'est pourquoi l'on donne aux élèves, dans les écoles spirituelles, des exercices de concentration. Ces exercices développent en nous la volonté. Si l'on peut très bien concentrer son esprit c'est une preuve de force de volonté. Mais la difficulté à faire ces exercices, souvent éprouvée au début, n'est pas nécessairement le signe d'un manque de volonté. La nervosité, le manque d'entraînement, l'habitude d'avoir l'esprit toujours en mouvement, font seulement que la concentration est difficile. Mais l'exercice continuel de la volonté dans la concentration finira par rendre celle-ci facile en même temps qu'elle augmentera la force de la volonté.

La volonté dirigée vers un but désiré est identique à l'amour de ce but. Les Soufis parlent beaucoup de l'amour, mais pour eux c'est un terme poétique qu'ils emploient pour ce que, en termes philosophiques on appelle volonté.

 

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Le livre de la sagesse pratique

La volonté

 

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