LA PURIFICATION PHYSIQUE Murshida Sharifa Lucy Goodenough |
Tous ceux qui ont lu quelque chose sur les méthodes d’entraînement spirituel dans l’Inde et en Orient en général, et qui en ont eu quelque expérience, savent quelle grande importance on y attache pour l’entraînement spirituel à la purification, qui est considérée comme la préparation nécessaire. En Orient, certains gourous n’accepteraient pas le chela, le disciple, qui ne serait pas physiquement purifié.
La purification physique nécessaire pour suivre la voie spirituelle ne consiste pas seulement en la propreté ordinaire. L’adepte doit encore purifier non seulement la surface de son corps mais aussi toutes les parties internes; c’est-à-dire qu’il doit nettoyer les passages innombrables de son corps, tous les canaux, tous les viscères creux qui se trouvent à l’intérieur du corps et qui, non pas très souvent mais pratiquement toujours, sont bloqués soit par des déchets soit par les molécules grossières de la nourriture que nous ingérons.
Les premières méthodes préconisées dans ces Ecoles orientales consistent à laver les canaux du corps, par exemple grâce à l’absorption d’eau par le nez. Ensuite, il y a un domaine très important qui est la purification par le souffle pour lequel il y a de nombreuses méthodes. Par exemple, la méthode que Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan a enseignée à ses élèves consiste en vingt respirations particulières de purification, grâce auxquelles l’on absorbe la vie et la lumière divines qui sont dans l’espace, et qui, en même temps, nettoient les canaux du souffle.
L’effet de ces exercices, et de tous les exercices spirituels en général, est progressif. Quand on a fait un exercice donné pendant six semaines, l’effet en est beaucoup plus puissant que le premier jour. Quand on a fait pendant un an cet exercice, l’effet en est beaucoup plus puissant et persistant que celui pratiqué pendant six semaines. Ces faits montrent que la régularité dans les exercices est très importante. C’est comme d’étudier le piano ou le violon. Si l’on faisait des gammes et des exercices pendant six jours, et que l’on arrête pendant un mois, il faudrait tout recommencer. De même pour les exercices spirituels: les faire régulièrement, avec constance, est un entraînement nécessaire. Cette régularité est nécessaire parce que l’effet d’un exercice, fait même quelques minutes, se prolonge de façon mécanique, automatique, pendant un certain temps seulement. Si nous faisons un exercice pendant cinq minutes ou un quart d’heure, et que son effet s’étende vingt-quatre heures, les vingt-quatre heures suivantes il se continuera selon un rythme moins régulier et avec moins de force, le troisième jour moins encore, et peut-être que le quatrième jour il sera perdu. Tandis que si nous recommençons tous les jours, comme l’on remonte un réveil, non seulement l’effet persiste mais il s’accroît et il s’accroîtra chaque jour davantage. En Orient, l’on trouve naturel de faire le même wasifa vingt ou quarante ans de suite. Hazrat Inayat disait que son grand-père, bien que n’étant pas Soufi, avait répété un même wasifa pendant quarante ans; et, après quarante ans, il vit s’accomplir une sorte de miracle comme effet de cet exercice.
Pour la purification physique, le choix des aliments est très important. Beaucoup d’aliments sont nuisibles à ce point de vue. Il y a des gens qui à cause de cela prônent le végétarisme. Mais il n’est pas indispensable d’être végétarien. Au contraire, pour beaucoup ce serait une erreur. Dans nos climats froids, et aussi à cause de notre hérédité, notre bonne forme dépend d’un régime un peu carné. Mais certaines nourritures sont préférables à d’autres; les viandes blanches sont préférables aux viandes rouges; le poisson est préférable à la viande; les légumes au poisson; les céréales aux légumes; les fruits aux céréales; les fleurs sont préférables à tout. Evidemment, nous ne pouvons nous nourrir de pétales de roses et rester robustes, mais nous pouvons faire un choix. De même pour les boissons. L’eau pure est la plus désirable: elle purifie et apporte aussi la vie.
Il y a encore autre chose à remarquer quant aux aliments: c’est que chacun possède sa nature particulière et que l’on participe à la nature innée de ce dont on s’alimente. C’est pour cette raison que le porc est défendu dans certaines religions. Le porc est un animal dont la nourriture est très grossière et si l’on mange la chair de cet animal, on acquiert les propriétés de cet animal. L’on conseille de s’en abstenir, non par hygiène, mais pour cette raison que je viens de dire. Le poisson, au contraire, est beaucoup plus admis. Shiva, le Maître Ascète, permettait à ses disciples qui pratiquaient le yoga de manger du poisson; le poisson purifie. Tous les aliments qui manquent de fraîcheur sont peu désirables; par exemple, l’habitude de manger du gibier faisandé est nocive, vraiment malsaine. Indésirables encore sont les excitants, par exemple l’alcool qui possède une action directe sur le cerveau et sur les nerfs.
En Europe, l’on a généralement ou l’une ou l’autre tendance. Ou bien l’on ne fait aucune attention à son régime ou bien l’on pratique un régime strict, végétarien en général. La preuve que le régime carné n’est pas mauvais est que des âmes très évoluées se sont nourries de cette façon. L’on peut s’en rendre compte en lisant les traditions chrétiennes ou islamiques par exemple. Ceux qui ont atteint les plus hauts sommets n’étaient pas végétariens.
Il est bon pour ceux qui peuvent le faire de jeûner. Tous ne le peuvent pas. Mais il y a des moments pour cela pour ceux qui le supportent. Le jeûne apporte un grand bienfait. Il ne consiste pas à oublier l’attrait que la nourriture a pour les êtres humains, il débarrasse seulement les canaux dont on a parlé de ce qui est superflu, de sorte que ces canaux qui mènent aux centres psychiques peuvent mieux s’ouvrir et libérer ces centres spirituels, qui sont comme obstrués par des particules qui en ferment l’accès.
Hazrat Inayat disait: “Il y a des plantes dans les cavernes des montagnes que le soleil n’atteint jamais. De même dans le cas de l’homme, il y a des parties de lui-même que le souffle (qui représente le soleil) ne touche jamais, et, dans ce cas, l’être vit à moitié, ses facultés psychiques ne sont pas très éveillées. Dans certains cas, même le physique est atteint: il se sent alourdi, incapable d’effort. Cela vient de ce que ces centres que le souffle devrait atteindre restent inertes.” Telle est la raison du jeûne. Par une conséquence analogue, après une maladie épuisante, un être peut devenir très sensible, avoir des visions, entendre intérieurement certaines choses et puis, une fois guéri, tout cela passe, n’existe plus. Le médecin dira que c’est peut-être à cause de la maladie. Mais ce n’est pas à cause de la maladie elle-même: par la diminution de la substance physique, cet être était devenu plus sensible parce que ses centres n’étaient pas bloqués.
L’air pur est une chose nécessaire à la purification physique. L’air que nous respirons n’est pas pur, mais, chez celui qui ne saura pas respirer, même l’air pur n’aura pas d’effet. Tandis que celui qui respire bien, dont le souffle pénètre toutes les parties du corps, peut purifier ce corps, même dans des conditions défavorables.
Néanmoins, les conditions défavorables ont leur effet même chez les êtres les plus évolués. Et c’est une erreur d’appréciation de penser qu’un être évolué peut agir beaucoup dans n’importe quelle condition. Il peut faire mille fois plus que l’homme moyen, mais il lui faut des conditions nécessaires pour exercer son pouvoir spirituel. Le plus grand violoniste, le plus grand pianiste ne peut jouer s’il n’a pas d’instrument. L’absence d’instrument, ou un mauvais instrument dont il serait obligé de se servir, ne prouverait pas son incapacité à jouer. Il en est de même pour l’être spirituel: ce n’est pas qu’il soit incapable d’accomplir telle ou telle chose, mais s’il n’a pas les conditions requises, il est comme celui qui n’a pas d’instrument. Par contre, si les conditions le permettent, il pourra accomplir des choses extraordinaires que celui qui n’est pas développé spirituellement ne pourra faire.
La purification du corps agit sur l’esprit. C’est une condition préalable et indispensable à la vie spirituelle. De même la pureté de l’esprit donne tendance à purifier le corps et cela apporte la vie. Dans la vie de certains saints, nous apprenons que leur corps s’est préservé intact des années après leur mort, qu’il semblait ne pas se corrompre.
Certainement la vie de l’esprit et de l’âme purifie le corps et lui donne de la vie; et la purification du corps le rend apte à la vie spirituelle et, de toutes façons, possède une influence heureuse sur l’esprit.
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