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Murshida Sharifa Lucy Goodenough


LA RECHERCHE ET L'AMOUR DE LA BEAUTÉ

Murshida Sharifa Lucy Goodenough


 

Il y a certes dans la vie bien des choses déconcertantes, bien des choses qui sont source de désillusion; et même plus on regarde la vie, plus on y plonge profondément et plus on en découvre. Mais si l'on peut trouver quelque réconfort, c'est de constater à quel point chaque être humain désire la beauté. Il peut sembler que beaucoup ne l'aiment pas, puisque tant la détruisent. Mais peut-être la détruisent-ils sans le vouloir. Désirons-nous une preuve de cet amour de la beauté? Personne au monde ne veut avoir mal agi. C'est avec une grande difficulté que l'on admet l'idée d'avoir mal agi. Et plus on agit mal, plus on voudrait se persuader que l'on a bien agi et plus on est lent à s'apercevoir que l'action n'a pas été bonne. L'on met alors en avant ce qui peut paraître plus joli et l'on tâche d'excuser, d'atténuer ce qui ne l'est pas; et l'on essaye de prétendre que de toutes façons il y avait quand même quelque chose de bon en ce qu'on a fait. Ainsi tâche-t-on de cacher ses propres défauts. Et comme on est content lorsque l'on a trouvé dans ce qu'on a fait quelque chose de bien, de noble!

 

Ceux qui ont le sentiment de la famille mettent en relief les beaux côtés de leur famille. Ils admettent qu'on la loue, ils n'admettraient pas qu'on la blâme. Ils voudraient ne voir en elle que l'attitude belle, les belles actions; le contraire les offusque. Ils s'attachent à cacher les déficiences et tous les défauts de leurs proches. Il ne faudrait pas croire qu'il n'y ait là qu'un sentiment vulgaire; c'est un sentiment qui comporte aussi sa part de noblesse, car c'est le commencement d'une attitude spirituelle. Quand en effet cette tendance arrive à son point culminant, l'on fait de même pour tous les êtres; on ne la limite pas à ses proches, à ceux que l'on appelle "les miens", mais on l'étend à toute l'humanité. L'on prend à cœur toutes les louanges et tous les blâmes adressés à quiconque. L'attitude commune au contraire consiste à penser: "Qu'est-ce que cela me fait, ce qui arrive à celui avec lequel je n'ai aucun lien? Cela m'est tout à fait égal de voir ses déficiences, ses mauvais côtés. Et le blâme qui tombe sur lui met mieux en relief le bien qu'il y a chez moi et chez mes proches". Mais si l'on savait que l'action de louer, le sentiment de louange envers quelque chose ou quelqu'un nous apporte à nous-mêmes un reflet de ce que nous avons trouvé louable, et que blâmer, mettre à découvert un défaut de caractère chez un autre c'est au contraire partager le caractère du diable, puisque le diable est celui qui se plaît à découvrir les défauts. Et si l'on savait que l'homme contribue à augmenter la somme du mal dans le monde par cette tendance! Il y a certainement beaucoup de choses que nous ne trouvons pas bonnes, mais on en crée mille fois plus par l'imagination. Si l'on n'écoutait pas si volontiers les plaintes, les médisances, toutes les médisances qui se disent sur les uns et les autres, il y aurait beaucoup moins de maux et de souffrances dans la vie. Si l'on ne luttait pas contre le mal, il perdrait sa force; le fait de ne pas s'opposer à ses flèches leur enlève de la force.

 

Il faut se rendre compte cependant que si l'on tient une lame dans sa main, l'on peut éloigner les ennemis avec cette lame. Si un être abandonne cette lame, les lames d’autres le traverseront et il aura beaucoup à souffrir. Mais ce temps passera; et il se développera en cet être une telle innocence, une telle absence de tout ce qui est nuisible à autrui que l'on ne verra plus en lui qu'un ami. Constamment dans la vie de Hazrat Inayat il venait de nombreuses personnes ayant trouvé autour de lui et même dans ce qu'il avait pu faire ou dire, des choses qui ne leur avaient pas plu; elles arrivaient très indignées, très en colère. Le Murshid ne disait rien que: "I am sorry" -"Je suis désolé", mais il le disait d'une telle façon, avec tout son être, que celui qui était arrivé mécontent voyait fondre sa colère; c'était l'effet de ne pas lutter contre le mal.

 

Les âmes parfaites ou parfois aussi les âmes portées à rêver, comme celles des grands poètes, ont été connues pour leur tendance à la louange, à chercher le bien, à le mettre au premier plan, à ne pas répandre les ombres inséparables des choses de la terre et surtout à ne pas s'attarder aux défauts de la nature d'autrui. C'est une preuve de la nature angélique dans un être humain lorsqu'il a cette tendance et lorsqu'il voile les déficiences d'autrui. Ces deux qualités sont les caractères essentiels de la nature angélique. Et si un être montre cela dans son jeune âge, il deviendra une personnalité parfaite. Mais l'enfant qui jette un blâme sur son petit frère parce qu'il a commis une bêtise aura besoin d'être très bien dirigé pour développer une nature droite. Cependant ce que nous voyons de plus frappant chez les enfants c'est la tendance à admirer leurs parents; ils se vantent même de leurs parents entre eux, chacun voulant avoir les parents les meilleurs. Plus tard, nous avons tendance à oublier cet amour des belles qualités qui existe dans chaque cœur et nous cédons à l'irritation des choses désagréables et désobligeants qui nous viennent des autres. Mais si, au contraire, ayant vu ces choses nous passons sur elles, si nous avons assez de maîtrise pour ne pas nous laisser aveugler, pour conserver quand même une impression agréable de la personne qui nous a irrité en considérant ce qu'elle peut être en d'autres circonstances, notre esprit acquerra un plus grand calme, un meilleur équilibre et ce sera un grand bienfait dans notre vie. Puis, si nous développons cette tendance, nous verrons le bien de chaque chose et nous retrouverons le goût de contempler les choses belles de la vie.

 

L'imagination aime créer. Parfois elle crée des images agréables, parfois elle crée des cauchemars; et l'imagination crée constamment notre monde intérieur. Nous pouvons nous rendre compte de ce que nous sommes en train d'y créer par nos rêves. S'ils nous montrent de belles choses, nous sommes en train de créer pour nous-mêmes ce qui sera beau. S'ils nous montrent des choses décevantes, tristes, effrayantes, nous préparons notre vie à cela. Et ce qui n'est que rêve se prolongera, créera notre monde: il sera beau ou il sera le contraire selon ce que nous avons créé par notre imagination. Si nous avons créé par notre amour de la beauté et notre désir de beauté un champ pour l'expansion de la beauté, nous serons dans un paradis qui nous conviendra parce qu'il aura été créé par nous-mêmes. Au contraire si nous sommes excédés par mille choses irritantes, nous vivrons dans un enfer plus grand que tout autre enfer extérieur à notre imagination parce que nous l'aurons construit avec ce qui nous déplaisait le plus. Il est plus naturel de créer de belles choses et il est en notre pouvoir de le faire.

 

Un auteur a écrit: "L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu". La vertu est beauté. C'est parce que l'on reconnaît la souveraineté de la beauté que l'on essaye de cacher ses vilaines intentions derrière le masque de la vertu. De même si nous luttons contre le mal en regardant le mal, nous rendons ainsi indirectement hommage à la vertu, à la beauté; mais c'est pourtant mal lutter contre le mal, car le mal, les vilenies, nous enfoncent par le fait que nous nous concentrons davantage sur eux: les attaques, c'est un essai mal conçu de transformer ce qui ne plaît pas en beauté. On peut le transformer en beauté en s'y prenant autrement, en considérant que la beauté ne se trouve pas seulement en nous et chez les nôtres.

 

En persistant dans cette voie, cet hommage à la beauté devient adoration quand on en vient à la voir par elle-même. Et quand on la voit chez tous les êtres de ce monde, c'est alors que notre désir de beauté a trouvé sa pleine expression.

 

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