LE PORTRAIT DE DIEU Murshida Sharifa Lucy Goodenough |
Dieu est le thème central du vrai
poète.
Nous lisons dans le Vadan: "Dieu créa l'homme à Sa propre image et l'homme fit Dieu à sa ressemblance".
Si nous regardons le monde autour de nous avec attention nous constaterons que tout tend vers l'expression de la forme de l'homme, du visage de l'homme. Souvent il y a comme le contour d'une forme humaine, ou d'une partie de celle-ci dans un fruit, une fleur, un nuage. Un arbre ou une montagne sont parfois appelés d'un nom qui suggère un personnage et quand nous les regardons, nous nous disons qu'en effet ils rappellent une forme humaine. Une pierre semble avoir, imprimé sur elle, le dessin d'une face humaine. Cela n'est pas dû au hasard; c'est l'effort intérieur de la nature pour produire le visage de l'homme, la forme de l'homme. Cet effort nous indique que le but de la création entière est l'évolution graduelle vers l'expression de l'image de Dieu et que la vie humaine est le point culminant de cette évolution. Par conséquent toute chose dans le monde montre quelque élément du visage et de la forme de l'homme; et cela commença même avant que les hommes ne soient apparus sur la terre.
En l'homme tout est exprimé: Tous les attributs de la terre et du Ciel: l'immobilité, la dureté et la force de résistance de la terre, la fructification et l'utilité du règne végétal, la nature combative, la tendance à l'attachement venant des animaux, toutes ces tendances ensemble font l'homme. C'est pourquoi l'âme humaine consiste en elles toutes et atteint ainsi son point culminant dans le but pour lequel la création entière a eu lieu". (Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan "Le Grand Cycle de l'Âme").
Quand l'homme pense à Dieu, il ne peut mieux faire que de penser à Dieu comme à un être humain parfait. Il imagine Dieu agissant comme l'homme, et comme possédant la perfection de ce qu'il voit sur terre. Et il le fait de deux manières: il imagine la perfection qu'il voit comme étant Dieu et aussi, lorsqu'il voit l'absence de celle-ci et en souffre, il imagine la perfection de Dieu comblant cette absence.
L'on peut voir une forme de Dieu même dans les plantes et les fleurs: quand elle grandissent et s'étendent, elles s'étendent comme Dieu; il y a l'arbre d'où vient le fruit qui renferme la graine, laquelle à son tour reproduit l'arbre. De la même façon Dieu créa l'homme en lequel est aussi la possibilité de montrer la présence divine. Et l'homme peut voir aussi une forme de Dieu dans les animaux; tandis que le lion, par exemple, s'il pouvait penser à quelque chose d'admirable, ne pourrait imaginer que sa propre image. C'est l'homme seulement qui peut imaginer Dieu dans Sa perfection.
Parmi les hommes il y en a certains qui n'ont qu'une vague idée de Dieu et il y en a d'autres qui voient le portrait de Dieu dans Sa perfection. Tous peuvent connaître Dieu, mais c'est le prophète qui "bien qu'étant sur la terre parle du Ciel; et tandis que pour beaucoup Dieu est une imagination, pour lui Dieu est une réalité" (Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan "Le Grand Cycle de l'Âme"). D'autres sont venus ensuite admirer ce portrait et ont admiré et adoré Dieu dans cette image peinte par le prophète: Dieu, le créateur de l'amour, Dieu qui éprouve, Dieu qui est toute bonté. Les prophètes ont donné à l'homme un portrait, une image, afin qu'il puisse se représenter Dieu sous ces attributs.
Moïse, l'un de ces prophètes, vécut à une époque où l'on donnait des constitutions diverses aux peuples. Celles-ci variaient bien davantage que les institutions nationales que l'on trouve en usage maintenant. Les nations étaient alors très différentes et les lois qui leur étaient données étaient aussi très différentes. Moïse était en charge d'un peuple et il représenta Dieu comme un Monarque qui exige la loyauté; un Dieu juste, mais un Dieu qui punit. Dieu, à cette époque, fut représenté comme ayant tout pouvoir sur son peuple, puisque les rois avaient un pouvoir total sur leurs sujets. C'était certes un Dieu sévère, mais plus encore miséricordieux que sévère; un Dieu jaloux voulant que personne n'ait de regard pour un autre que pour Lui-Même. La sagesse de ces lois, le pouvoir de ces lois furent adorés, mais plus encore le fut la miséricorde.
David, qui était berger, représenta Dieu comme un Berger qui mène Son peuple vers de verts pâturages. David était aussi un guerrier et il dépeignit Dieu comme le Dieu de la guerre dans ses Psaumes: "Il m'a enseigné l'art de la guerre". Et quand David revint après avoir été victorieux il composa le Psaume: Qu'est-ce que ce Roi de Gloire?
Ainsi imagina-t-il pour lui-même et enseigna-t-il à son peuple une certaine image de Dieu, Dieu le Roi de Gloire. Aujourd'hui, s'il y a une guerre, nous n'avons plus de portes ouvertes, ni de linteaux qui s'élèvent.
Puis vint l'époque de Jésus-Christ. Jésus a dépeint Dieu comme Père. Il avait grandi sans connaître un père sur la terre, n'ayant ni foyer ni maison, ni nulle part où demeurer: "Les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a nulle part où poser sa tête" (Matthieu VIII - 20). Il représenta un Dieu qui sait ce dont l'enfant a besoin sans que l'enfant lui dise: "J'ai besoin de ceci". Il est dit dans le Gayan: "Dieu est la réponse à toutes les questions". Ainsi, quand le père terrestre est absent, Dieu est représenté comme le Père; non pas comme le Souverain, ni comme le Dieu de la guerre; et ainsi Jésus enseigna à l'homme de s'adresser à Dieu comme des enfants s'adressent à leur père.
Mohammed qui toute sa vie fut poursuivi par des ennemis toujours prêts à l'accuser publiquement, pensait à Dieu en tant que Justice et que Protecteur. Au milieu d'un peuple féroce il représenta Dieu comme Miséricordieux et Compatissant. A une époque de guerres et de combats Mohammed avertit que même en faisant la guerre la compassion ne devait pas être oubliée. Ses préceptes moraux dans l'art de la guerre, par exemple la défense de couper les arbres fruitiers et d'empoisonner l'eau, si elle était observée maintenant, serait d'un bon usage. Ces préceptes furent donnés au nom de Dieu, le Dieu de Miséricorde et de Compassion.
Sa religion interdit aussi de faire des images pour les besoins religieux. L'on peut comprendre cela par le fait que si nous possédons un portrait, nous en recevons une impression très distincte: la personne représentée est comme ceci et pas autrement. Mais en l'absence d'une image nette nous avons une impression plus vaste, car elle est moins concrète. C'est de cette façon qu'un portrait apporte une limitation.
Là où les gens vivent près de la nature ils en dépeignent les forces comme des divinités - même celles qui semblent tout à fait autres que bonnes - et nous devons remarquer que les lois de la nature paraissent différentes de ce que nous enseigne la religion. Mais bien que nous ne comprenions peut-être pas ces lois, nous devons penser que Dieu est au-dessus des limitations et nous devons nous incliner. Nous voyons alors que la réponse à cette question est que Dieu n'est pas tenu à une seule loi. Cette morale était enseignée dans les anciens temps où divers dieux et déesses étaient idéalisés en tant que forces divines.
Quand l'Unité de Dieu fut davantage considérée, la tendance précédente s'exprima en idéalisant divers saints qui représentaient divers aspects de la vie morale. Les quatre-vingt-dix-neuf Noms de Dieu connus dans l'Islam expriment les aspects de Dieu. Quand on les utilise dans la prière, un certain attribut de Dieu est invoqué et l'on tient alors cet attribut dans sa concentration. Cela peut être comparé à la prière faite à un certain dieu ou à une certaine déesse, ou à un saint dans d'autres religions. Le simple croyant voit une personne, mais à travers celle-ci, il voit un aspect du Tout.
De quelle façon devrions-nous nous représenter Dieu? De la façon qui correspond au moment, qui est demandée par le moment. Dans l'Islam Dieu est Un et Dieu est Tout. Quand l'homme idéalise Dieu à chaque moment de la vie, il trouve cet idéal au moment où il le cherche. S'il pense qu'on le traite injustement et se demande où est la justice, il tient devant lui la pensée de Dieu en tant que Juste, en tant qu'Ami et Protecteur. Chaque fois qu'il voit que quelque chose manque il se dit à lui-même: "Dieu est ici". Il imagine Dieu comme un roi entouré de beauté, toujours beau. Il ne fait pas de multiples entités de dieux, mais un seul Dieu en un million de formes. Alors il ne manque rien au portrait. En toute circonstance il peut se dire: "La perfection de tout ce que je vois, dont je fais l'expérience et que je ressens, c'est Dieu".
L'homme alors réalise que Dieu est la vie derrière la manifestation entière, cette vie qui est toujours présente, qui renouvelle constamment toutes formes. Il voit alors comment les fleurs apparaissent sur le rosier et puis disparaissent, mais l'arbre et la vie de l'arbre restent. Alors il ne pense plus tellement à la nature périssable du monde. Il n'y aura jamais de fin à la vie de Dieu. Comme il est dit dans le Vadan: Le soleil se couche, la lune
décroît, le printemps passe, l'année finit.
Dans le Message donné à présent aucun aspect spécial de Dieu n'est indiqué, mais l'on peut imaginer Dieu selon le besoin que l'on éprouve, selon ce dont on a besoin sur le moment. Dieu n'est certainement pas limité à un seul portrait. Nous lisons dans le Gayan: Faites de Dieu une réalité et Dieu fera de vous la Vérité.
Quand l'homme commence à réaliser Dieu comme une réalité, comme une vie divine derrière la manifestation toute entière, il va vers la profondeur de l'être, il touche la vérité. Il pense; "Je suis sans appui dans le monde, mais Dieu est là. Il est mon secours. Qui pense à moi? Tous sont pleins de leurs propres affaires. Mais il y a Dieu, l'Ami". Quand il voit Dieu de ces différents côtés, alors il voit en Dieu une plénitude.
Les hommes changent, les visages changent, mais la vie à l'arrière-plan est un fleuve. Moi-même je change, mon visage change, mes humeurs changent, mais la vie est là. Cette vie est plus profonde et plus vaste que n'importe laquelle des formes et apparences concrètes. Celles-ci sont comme un vêtement qui change, mais l'être demeure.
En ayant fait d'abord l'image de Dieu, l'homme sent alors l'Être de Dieu et ensuite il réalise la vie éternelle.
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