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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


CINQ DIFFÉRENTES SORTES D'ÂMES SPIRITUELLES
La Vie Intérieure
Chapitre 10
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Ceux qui vivent la vie intérieure doivent adopter une certaine manière de vie dans le monde, au milieu de toutes sortes de gens. On connaît cinq routes principales parmi celles que prennent les hommes spirituels pour faire face à la vie de ce monde. Il arrive fréquemment que rien dans leur manière de vivre, ne laisse supposer qu'ils vivent la vie intérieure. C'est pour cette raison que les sages ont toujours enseigné le respect de tout être humain, quelle que soit son apparence, et ils ont toujours recommandé de chercher qui se cache derrière cette forme et ce qu’elle signifie.

 

Le premier des cinq caractères principaux que peut revêtir l'homme spirituel, est celui de l'homme religieux: il pratique sa religion comme tout le monde, sans laisser paraître la connaissance plus profonde et la vue intérieure plus étendue, qu'il réalise pourtant au fond de lui-même. En apparence, il se rend à son temple ou à son église comme tout le monde, offre ses prières à l'Être Suprême, lit les Saintes Écritures, reçoit les sacrements et demande la bénédiction de l'église comme chacun le fait. Il ne se distingue pas des autres, il ne se montre pas plus avancé qu'eux sur la voie spirituelle. Cependant, alors qu'eux pratiquent leur religion de l'extérieur, l'homme spirituel la pratique, réellement, dans sa vie. Chacun de ses exercices religieux est, pour lui, une révélation symbolique: la prière est, pour lui, une méditation; dans les Écritures il trouve son mémento, parce que le Livre Saint lui rappelle ce qu'il lit dans la vie et dans la nature. C'est ainsi qu'au dehors il accomplit ses devoirs religieux simplement comme tout le monde, cependant qu'au-dedans il est un homme spirituel.

 

Une autre forme que peut revêtir l'homme spirituel est le caractère philosophe. On peut ne voir en lui aucune trace d'orthodoxie ni de piété; il peut sembler être parfaitement un homme du monde dans les affaires ou dans la vie mondaine. Il prend tout avec la même tranquillité, il tolère tout, il supporte tout. Il prend la vie simplement grâce a sa compréhension: en lui-même il comprend tout; son action extérieure répond aux exigences de la vie. Nul ne pourrait supposer que sa vie est la vie intérieure. Il peut mettre une affaire sur pied, et cependant être conscient de Dieu et de la Vérité. Il peut ne paraître nullement enclin à la méditation ou à la contemplation, alors qu'il passe chaque instant de sa vie dans la contemplation. Il peut se servir de ses occupations dans la vie quotidienne comme d'un moyen de réaliser son but spirituel. Rien dans son comportement ne donne à penser qu'il soit si haut sur ce plan, si ce n'est que ceux qui viennent en contact avec lui ne tarderont pas à être convaincus de son honnêteté; qu'il est loyal et juste dans le règlement de sa conduite et dans sa vie; et qu'il est sincère. C'est toute la religion dont il a besoin. De la sorte, sa vie extérieure devient sa religion, et sa réalisation intérieure devient sa spiritualité.

 

La troisième forme qu'un homme spirituel peut donner à sa vie est celle du service: il fait du bien aux autres. Des Saints peuvent se cacher sous cette forme. Ils gardent le silence sur la spiritualité, ni ils ne parlent beaucoup de la philosophie de la vie. Leur philosophie et leur religion sont dans leurs actes. L'amour jaillit incessamment de leur cœur, et leur vie se passe à faire du bien aux autres. Ils voient en chacun de ceux qui les approchent un frère ou une sœur ou leur enfant, et ils s'intéressent à leurs joies et à leurs peines, et ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour les guider, les instruire et les conseiller dans leur vie. Sous cette forme l'homme spirituel peut être instructeur, prédicateur ou philanthrope; quelle que soit sa condition, l'essentiel, pour lui, est de servir l'humanité, de faire du bien à son prochain, d'apporter le bonheur d'une manière ou d'une autre. Et la joie qui s'élève de ce service est la haute extase spirituelle, car de tout acte de bonté ou de bienveillance émane une joie particulière qui apporte l'air du ciel. Lorsqu'une personne est toujours occupée à faire du bien à autrui, la joie monte sans cesse dans son cœur, et cette joie répand une atmosphère céleste créant en lui ce ciel qui est sa vie intérieure. Le monde est si plein d'épines, d'inquiétudes, de douleurs et de tristesses, et c'est dans ce monde que vit l'homme spirituel! Mais, par les efforts même qu'il fait pour ôter les épines du chemin de son prochain, bien que ces épines lui blessent les mains, il s'élève, arrivant ainsi à cette joie intérieure qui est sa réalisation spirituelle.

 

La quatrième forme que peut prendre un homme spirituel est la forme mystique. Elle est difficile à comprendre: on naît mystique; le mysticisme ne s'apprend pas, c'est un tempérament. Un mystique peut avoir la face tournée vers le nord, et il regarde au sud; il peut baisser la tête, et il regarde en haut; il peut avoir les yeux ouverts, et il regarde au-dedans; il peut fermer les yeux, pourtant il regarde au dehors. Le commun des hommes ne peut comprendre le mystique, et c'est ce qui explique que les gens se sentent perdus quand ils ont affaire à lui. Son oui n'est pas le oui de tout le monde; son non n'a pas le sens qu'on lui donne. Dans presque chacune de ses phrases il y a un sens symbolique. Toute son action extérieure a une signification intérieure. Celui qui ne comprend pas les symboles du mystique sera perplexe en entendant une phrase dont le sens lui semblera obscur. Lorsqu'un mystique a fait un pas extérieurement, il en a fait mille intérieurement; il peut être dans une ville et agir au même moment dans un autre endroit. Un mystique est en lui-même un phénomène et un point d'interrogation pour ceux qui sont autour de lui. Lui-même ne peut leur dire ce qu'il fait, et ils ne peuvent comprendre la Vérité secrète du mystique: il vit dans le monde intérieur, et il recouvre cette vie intérieure d'une action extérieure. Sa parole, son geste, ne sont que la couverture d’un acte intérieur. C'est pourquoi ceux qui comprennent le mystique ne discutent jamais avec lui. Lorsqu'il dit: "Venez", ils viennent; s'il dit: "Allez", ils vont. Quand il va vers eux, ils ne lui disent pas: "Ne viens pas"; ils comprennent que c'est le moment où il doit venir; et lorsqu'il les quitte, ils ne lui demandent pas de rester, car ils savent que c'est pour lui le moment de partir.

 

Ni le rire d'un mystique, ni ses larmes ne doivent être regardés d'aucune façon comme une expression extérieure ayant une certaine signification. Il se peut que ses larmes recouvrent une très grande joie; son sourire, son rire peuvent être un voile jeté sur un sentiment très profond. Ses yeux ouverts, ses yeux fermés, le mouvement de son visage, son regard, son silence, sa conversation, tout chez lui a un sens autre que le sens habituel. Il ne faut pas croire qu'il soit dans l'intention du mystique de se comporter de la sorte: il est ainsi fait. Même le voulant, personne ne pourrait agir de cette manière, nul n'en a le pouvoir. La vérité est que l'âme du mystique est une âme qui danse. Elle a réalisé cette loi intérieure, elle a sondé ce mystère, que les âmes aspirent à connaître, et dans la joie de ce mystère, toute la vie du mystique devient un mystère. Vous pouvez voir le mystique vingt fois dans la journée, vous lui verrez vingt expressions différentes; il se trouve chaque fois dans un autre état d'esprit, mais la disposition dans laquelle on le trouve peut ne pas refléter son état d'âme. Le mystique est un exemple du mystère de Dieu manifesté dans l'homme.

 

La cinquième forme sous laquelle peut apparaître la personne qui vit dans le monde intérieur est une forme étrange, qui est rarement comprise. Il met le masque de l'innocence, et cela va si loin que ceux qui ne comprennent pas le prennent pour un déséquilibré, un être bizarre, étrange. Cela lui est égal, car il sait que cette attitude n'est qu'un bouclier. S'il devait reconnaître publiquement le pouvoir qui est le sien, tout le monde voudrait le voir, et il ne lui resterait plus un seul instant pour sa vie intérieure. Par son pouvoir immense il gouverne intérieurement des pays, il les dirige, et les préserve de désastres tels qu'inondations, épidémies et guerres; il maintient l'harmonie, à l'intérieur du pays ou du lieu qu'il habite. Et tout ceci est accompli par son silence, par sa constante réalisation de la vie intérieure. Pour celui qui n'a pas une vue intérieure profonde, il sera un être étrange. En Orient, on appelle cet homme un Madzub. Les Grecs connaissaient aussi cet aspect de l'homme spirituel, et il s'en trouve encore dans certains endroits, mais surtout en Orient. Aujourd’hui encore on voit en Orient des âmes vivant sous cette forme, celle de l'homme qui a réalisé le Soi, dans la vie de qui l'on ne voit aucune trace de philosophie, de mysticisme ou de religion, ni de morale particulière; cependant sa présence même est un générateur de force, son regard est inspirateur, il a une expression d'autorité, et, s'il parle, sa parole est la promesse de Dieu. Ce qu'il dit est la Vérité, mais il parle rarement, il est difficile d'obtenir un mot de lui. Une fois qu'il a parlé, ce qu'il a dit s'accomplit.

 

L’âme spirituelle peut venir sur terre sous des formes dont la variété est infinie, mais la meilleure manière de vivre dans ce monde, tout en vivant la vie intérieure, est d'être son Moi au dehors et au-dedans. Quelle que soit la profession qu'on exerce, la tâche qu'on doit accomplir, la part que l'on prend à la vie extérieure, il faut être sincère, véridique dans tout ce que l'on fait, remplir jusqu'au bout sa mission dans le monde en gardant toujours la réalisation intérieure que, dans toute occupation, la vie extérieure doit refléter la réalisation intérieure de la vérité.

 

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La Vie Intérieure

 

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