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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Déité et Divinité
L’Unité des Idéaux Religieux
Première partie, cahier 2, chapitre XV
(Londres, 1921)
Pîr-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Pour faire la distinction entre ces deux termes, je dirai que la Déité est Dieu idéalisé, et que la Divinité est Dieu personnifié. La Déité ne s'est jamais manifestée sur le plan terrestre, excepté dans le cœur de l'homme, mais la Divinité s'est manifestée sous la forme physique. On peut donc chercher le secret de la Déité dans le cœur de la Divinité. La Divinité est Dieu réduit et l'homme agrandi. Toute la difficulté qui est apparue à toutes les périodes de l'histoire du monde a été de comprendre la Divinité, ou de saisir le mystère de la Divinité. L'homme ne peut penser à l'homme comme étant Dieu, et il ne peut penser à Dieu comme étant l'homme. Par conséquent, ceux qui ont affirmé la Divinité ont été appelés Dieu, mais on les a éloignés et séparés des êtres humains. Parfois celui qui affirmait sa Divinité a été rabaissé au niveau de la terre et on ne l'a pas appelé meilleur que l'homme.

En réalité la Divinité est l'expansion de l'âme humaine; en vérité la Divinité est la nature humaine en Dieu. Dieu est Un Seul et l'Être Unique, mais les déités sont aussi nombreuses qu'il y a d'êtres humains, car la déité est Dieu placé dans un sanctuaire que l'homme a conçu par sa pensée et ses idées. Dieu est placé dans le sanctuaire de son cœur, de sorte que les idées concernant les déités diffèrent. Quelques-uns disent que Dieu est le Juge et d'autres disent que Dieu est le Père, certains disent que Dieu est le Créateur, les autres qu'il est le Soutien. Certains disent que Dieu a trois aspects, qu'une Trinité constitue Dieu. Certains disent que Dieu est multiple. Les Hindous ont conçu qu'il y avait trente-trois grandes familles de devatas, ce qui veut dire divinités. Les Chinois ont conçu des dieux innombrables. Les croyants en un seul Dieu s'en sont moqués, mais à y regarder d'un point de vue juste, c'est une seule et même conception considérée de points de vue différents.

Une même personne peut être louée par certains et elle peut être détestée par d'autres, et dix individus de son entourage peuvent avoir une idée différente de la même personne qui se trouve devant eux, parce que chacun la comprend selon son point de vue, chacun la regarde avec ses yeux à lui, et par conséquent la même personne est différente pour toute autre.

Dans l'esprit d'un premier individu elle est pécheresse, dans l'esprit d'un autre elle est sainte. La même personne qui est considérée comme aimable et bonne, est considérée comme l'opposé par quelqu'un d'autre. S'il peut en être ainsi quand il s'agit d'un être qui est là, vivant devant vous, il est d'autant plus possible que des idées variées concernant la Déité se forment dans chaque cœur, et que chaque âme façonne sa propre Déité selon son évolution propre et sa manière d'idéaliser et de comprendre. Par conséquent, la Déité de chaque cœur est différente, elle est comme l'individu l'imagine. Mais le Dieu de toute âme, que les hommes imaginent, est Seul et Unique. C'est le même Dieu qu'ils imaginent, mais leurs imaginations diffèrent, et c'est le manque de cette compréhension qui produit la différence des religions.

Nous lisons dans les livres du passé qu'il y avait jadis des vendettas, des querelles de familles, parce qu'une famille croyait en un Dieu et une autre famille avait un autre Dieu. Ils en faisaient le Dieu de la famille, et ces familles se combattaient à cause de leurs Dieux séparés, et l'on donnait sa vie pour son Dieu. Ce n'est pas très différent aujourd'hui où les nations combattent les nations. Sur le moment, le Dieu de chacune devient différent, ou du moins les gens pensent que la contrée adverse ne fait pas la volonté de leur Dieu à eux. L'homme est le même au long des âges. Il ne montre son évolution que par degrés.

La Déité est parfois décrite comme un esprit, parfois comme une personne, parfois comme un roi, parfois comme un maître. Le Déité selon les Hindous est dépeinte comme le Créateur, le Soutien et le Destructeur. Selon la terminologie du Vedanta, le mot « divin » dérive de deva, et le mot deva vient de div qui veut dire lumière. Chaque âme est elle même une lumière, mais la lumière est entourée de nuages; des nuages qui proviennent des impressions terrestres et entourent le cœur humain. Ces nuages recouvrent l'âme, mais deva, ou div qui veut dire lumière est là; et on lit dans l'Evangile que personne ne devrait garder son âme sous un boisseau. La suggestion : « Tenez haut votre lumière » nous montre que deva ou l'étincelle divine se trouve au dedans de l'homme; la Divinité se trouve en l'homme déjà finie et seule est nécessaire son expansion, et aussi que cette lumière ne soit plus recouverte. Les Prophètes et les Grands Avatars, les Messagers qui sont venus dans le monde d'âge en âge, ont été les exemples de l'expansion de cette étincelle divine, et ce qui est venu dans le monde a été le produit de cette Divinité.

La Divinité est comme la graine qui croît dans le cœur de la fleur. C'est la même graine qui a été à l'origine de la plante qui revient dans le cœur de la fleur. De semblable manière c'est le même Dieu non-manifesté en tant que graine de la plante de cette création, qui réapparaît dans l'accomplissement de cette création : Il donne Sa graine au cœur de la fleur, et c'est cette fleur qui est Divinité.

Des autorités religieuses, qui veulent reconnaître la Divinité du Christ mais refusent la Divinité de l'humanité, ont essayé de rendre le Christ différent de ce que l'on peut appeler humain. En faisant ainsi elles n'ont pu garder allumée la flamme parce qu'elles ont occulté la vérité principale que la religion avait à donner au monde. Cette vérité est que la Divinité est dans l'humanité, que la Divinité est le produit de l'humanité, que l'humanité est la fleur dans le cœur de laquelle la Divinité est née comme une graine. En cela ces autorités n'ont fait aucun bien à la religion; au contraire, elles ont fait du mal à la religion, en essayant de faire de l'homme quelque chose d'autre, ignorant que tout est dans l'homme. L'ange est dans l'homme, l'animal est dans l'homme, le djinn est dans l'homme, et Dieu est dans l'homme.

Il n'y a rien qui ne soit pas dans l'homme. Les propriétés terrestres telles que les métaux, l'or et l'argent et le fer et l'acier, on peut toutes les trouver dans le corps et le mental de l'homme. Celui qui connaît l'alchimie peut s'en servir. Il peut faire à partir de l'homme un homme de chair, il peut faire à partir de l'homme un homme d'or. C'est ce que voulait faire le Christ quand il dit aux pécheurs : « Venez avec moi et je vous ferai pêcheurs d'hommes ». Il voulait réaliser cette alchimie. Ce que l'on appelle la pierre philosophale, quelle sorte de pierre est-ce? C'est le cœur de l'homme divin. Qui que ce soit qu'il touche, il le change en or. C'est la pierre philosophale, il a trouvé l'alchimie.

Tous les êtres vivants, créatures élevées ou inférieures, créatures de l'eau, créatures de la forêt, créatures qui volent dans l'air, insectes, vers, microbes, leur nature, leur caractère, leur forme, on peut trouver tout cela dans l'homme. Le caractère du taureau, le caractère du poisson, le caractère de l'insecte, le caractère de tous les animaux, on peut tout trouver dans l'homme. Songez donc que ce que vous pouvez trouver en allant à cent lieues dans les forêts, vous pouvez le trouver dans une seule personnalité humaine. Tout est là ne demandant qu'à être vu. Et celui qui peut voir est celui dont les yeux du cœur sont ouverts. Il y a beaucoup de gens dans le monde dont les yeux externes sont ouverts, mais dont l'esprit est endormi. Ils se promènent et pensent qu'ils sont vivants, mais il y a quelque chose qui est endormi, qui n'est pas éveillé; et s'ils ne peuvent pas voir, ils ne peuvent pas voir qu'un grand trésor est caché dans l'homme. De plus, on peut trouver dans l'homme tous les joyaux et minéraux précieux, et les perles; dans son caractère, dans son être extérieur et dans son être intérieur, tout cela est caché. Vous pourrez voir dans une personne une perle, vous pourrez voir dans le cœur d'un homme un diamant, vous pourrez voir une émeraude, toutes les pierres précieuses de ce monde y sont si vous pouvez voir. Et non seulement cela, non seulement les trésors de la terre, mais toutes choses du ciel. L'homme représente les planètes, représente le soleil et la lune, représente les Cieux avec ses anges. Qu'est-ce que l'homme ne représente pas! Il représente Dieu.

Par conséquent, l'homme est un Dieu en miniature, et c'est le développement de l'humanité qui aboutit à la Divinité. Le Christ est l'exemple de l'aboutissement de l'humanité. Cacher ce secret qui est la clé du mystère de l'univers entier reviendrait à cacher la valeur de l'homme. Naturellement, comparé à Dieu, le Divinité est l'imperfection de Dieu, mais la perfection de l'homme. C'est comme une goutte d'eau : elle est entièrement composée d'eau, elle est absolument eau, et pourtant c'est une goutte comparée à l'océan. L'océan est Dieu, mais la goutte est divine. Si l'homme avait connu ce secret de la vie, aucune guerre, aucun différent ne se serait élevé entre les fidèles des diverses religions, qui de tous temps ont fomenté des guerres à cause de leurs opinions religieuses différentes. Aucun Prophète ni aucun Maître n'aurait jamais été rejeté, tourmenté ou refusé si le monde avait connu cela : que Dieu vient toujours, qu'Il Se montre toujours Lui-Même par le cœur de l'homme divin. La comparaison de l'homme divin avec Dieu peut se faire avec celle de la loupe placée devant le soleil. La loupe prend la chaleur du soleil et permet à cette chaleur de tomber sur le sol. Ainsi l'homme divin, le Messager, à toutes les époques vient et partage les rayons de Dieu et leur permet de tomber sur la terre sous forme de divin message.

Il y a des périodes d'aristocratie et il y a des périodes de démocratie, dans tous les domaines, non seulement dans le domaine de l'Etat, mais aussi dans le domaine de la religion. Et comme il est naturel que la démocratie soit mal comprise, il est naturel que cette démocratie perde sa morale du fait de l'ignorant qui en comprend seulement le nom. L'aristocratie de la religion est la croyance en Dieu, l'adoration de Dieu sous une certaine forme (sous forme de prières ou de célébrations, sous forme de rituel ou de cérémonies, sous quelque forme que ce soit), et surtout le fait que l'on admette qu'elle soit donnée par un homme réel. Et non seulement cela, mais que soit reconnue cette illumination qui accomplit son développement dans l'âme de l'homme. Comme les Zoroastriens ont enseigné dans l'ancien temps par l'adoration du soleil, que le soleil représente la lumière de l'esprit, ainsi le Fils de Dieu représente la lumière de Dieu. D'autres l'ont mal compris et l'ont pris différemment. Le Fils de Dieu est celui qui découvre son héritage qui vient de Dieu et en devient conscient, et non pas seulement de l'héritage qui vient de l'homme.

Celui qui est conscient de son origine terrestre est l'homme terrestre, celui qui est conscient de son origine céleste est le Fils de Dieu. L'homme est ce dont il est conscient.

Le degré d'évolution de l'homme dépend du diapason qu'il a atteint. Il y a un certain diapason qui vous rend conscient d'une certaine phase de la vie. Quelqu'un qui se tient en bas sur la terre ne peut jouir de la pureté de l'air du sommet de la montagne. Pour en jouir, il vous faut y être. Si vous parliez de la pureté de l'air des montagnes sans y avoir été, cela n'aurait pas de sens. Une prétention sans sincérité n'a pas d'effet. Ce n'est pas par la théorie qu'un homme peut remonter jusqu'à son origine, c'est par la pratique. Il ne s'agit pas seulement de connaître une chose, mais de la vivre, et ce n'est pas facile. Mais il n'est pas nécessaire de séparer le Christ de Dieu pour la raison qu'un homme est tellement au-dessus d'un autre homme. Quand on peut comparer l'évolution d'une âme avec celle d'une autre, il y a une telle différence que si l'on disait que l'un se tient sur la terre et que l'autre est dans le ciel, se serait tout-à-fait vrai.

Mais l'on abuse aussi de cette aristocratie de la religion. Les autorités religieuses en ont fait un moyen, un instrument pour garder le peuple sous une certaine loi, et la valeur de l'aristocratie dans la religion est utilisée pour des buts terrestres. Naturellement alors, cette aristocratie disparaît et le temps de la démocratie arrive. Il est nécessaire que la démocratie religieuse arrive, parce que l'accomplissement de l'idéal religieux est dans la démocratie religieuse. La démocratie religieuse consiste en ce qu'aucun être ne puisse jamais penser : « Je ne suis qu'humain, et quelqu'un d'autre est divin. Et Dieu est dans les Cieux et on ne peut L'atteindre, ni Le percevoir, et Il est loin de notre âme ». Non pas. Il doit comprendre : « La Divinité est dans mon âme; Dieu est en-dedans de moi, je suis relié à Dieu et Dieu est relié à moi. Mon âme peut s'agrandir car je ne suis pas différent de Dieu, et Dieu n'est pas différent de moi ».

Seulement, le danger de la démocratie est celui-ci : quand elle arrive trop tôt, avant que la personne ne soit prête, cela amène un désastre, parce que notre progrès naturel est de suivre notre idéal le plus élevé. Et lorsque, aveuglé par l'esprit de démocratie, l'homme commence à s'opposer et à désirer détruire cet idéal, il travaille de cette façon à son propre désavantage. Il descend au lieu de s'élever, et il en a été ainsi à toutes les époques et dans les diverses nations et races. L'idéal doit être devant vous de sorte que le but principal de la vie soit d'ennoblir votre âme; et la religion consiste à observer, à apprécier, à reconnaître et à suivre l'âme ennoblie - non pas avec l'idée de suivre, mais mû par l'idéal d'être ce que votre âme voit comme élevé et beau, vous rendant compte de la possibilité d'atteindre ce point qui attire votre âme comme la lumière du port attire ceux qui voyagent en mer, qui vous donne de l'espoir, qui vous invite et vous dit : le port est là.

Plus nous réfléchissons à la condition actuelle du monde, plus nous réalisons que d'un point de vue religieux ou spirituel il semble aller de mal en pis. La religion est la première chose nécessaire pour l'amélioration de l'humanité. Elle semble sombrer et nous ne pouvons que demander quelle en est la raison. La raison est que la religion est comme une sorte de batterie négative par rapport à une batterie positive, et qui doit être chargée par cette dernière. Elle fonctionne pendant un temps donné, tant que la charge, le magnétisme continue, et puis vient un moment où la batterie positive doit être mise en contact avec elle pour lui redonner vie. Mais la difficulté est que l'homme montre sa nature enfantine à toutes les époques. La chose qu'il a eue une fois en mains, il pense qu'elle lui appartient. Et ainsi les hommes possédant l'autorité dans les religions, une fois qu'ils ont eu la charge d'une certaine église, ou communauté, ou religion, voudraient la conserver. Même si la batterie positive arrive, ils pensent qu'il vaudrait mieux l'écarter. Et ce ne sont pas les simples croyants, pour lesquels vient la batterie positive, qui veulent l'écarter, mais les autorités religieuses, les vrais directeurs de l'entreprise. Telle a été toute la bataille qui a toujours existé pour tous les Prophètes et les Maîtres de l'humanité, pour Mohammed et pour Bouddha, pour Moïse, pour le Christ, pour Rama, pour Krishna. Les batailles qui ont eu lieu ont toujours eu le même caractère : les responsables, ceux qui avaient la charge de la batterie négative, l'ont protégée contre la batterie positive quand celle-ci est venue pour la charger et la rendre vivante. Par conséquent, ce qui arrive est qu'il n'est resté à la religion que le nom, mais que la force qui donne la vie, qui venait d'âge en âge et voulait la rendre vivante, eut à souffrir le désappointement.

Cependant, le positif peut créer son négatif. Symboliquement, la Bible explique cela lorsqu'on lit qu'Eve vint de la côte d'Adam. Quand le Message vient, il ne vient pas pour faire une religion, mais il fait une religion par nécessité. Si la religion avait accepté le Message, le Message n'aurait pas formé une nouvelle religion. Le Christ n'a jamais dit : « J'amène une nouvelle religion »; Il a dit : « Je suis venu pour accomplir la loi, je suis venu pour vous donner le même Message ». Mais ceux qui possédaient la religion l'en cachèrent et la conséquence fut que le Christ donna ce qui était la religion vivante. Mais ils en préservèrent leur religion et elle devint comme morte; et il en fut ainsi à tous les âges. Le Temple d'Or de Salomon a disparu, mais les paroles que Jésus a répandues sur le bord des rivières vivent aujourd'hui. Il est toujours arrivé et il arrivera toujours que le réel soit non-seulement réel par son authenticité, mais réel par son pouvoir. S'il n'y a pas de batterie négative pour le recevoir, le réel créera une batterie négative pour sa manifestation.

La Divinité n'est pas seulement l'expansion de l'âme humaine, mais c'est l'illumination de l'âme humaine. Elle prend son temps, elle travaille graduellement, elle travaille directement et indirectement, elle travaille difficilement ou aisément, mais elle travaille et doit travailler, et le phénomène de la Divinité n'est pas un miracle, le phénomène de la Divinité est cela qui donne la lumière à l'humanité.

 

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La lumière divine

 

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