Une certaine religion
est-elle importante par elle-même, ou est-ce de la vivre qui est
important ? Il se peut que quelqu'un appartienne à la meilleure religion
qu'il y ait au monde. Il ne la vit pas, mais il lui appartient. Il dit
qu'il est Musulman, ou Chrétien, ou Juif. Il est certain que c'est la
meilleure des religions, cependant il ne se soucie pas de la vivre. Il
se contente de lui appartenir et pense qu'en appartenant à une certaine
religion reconnue, c'est entièrement suffisant. Les gens de toutes
religions l'ont fait apparaître ainsi, à cause de leur enthousiasme, et
poussés par leur mission dans la vie. Ils ont établi des facilités pour
ceux qui appartiennent à leur religion, disant que par le fait même de
leur appartenance à cette religion particulière ils seraient sauvés au
Jour du Jugement, tandis que les autres, malgré toutes leurs bonnes
actions ne seraient pas sauvés, parce qu'ils n'appartiennent pas à cette
religion-là.
C'est une idée faite par l'homme, non pas faite par Dieu. Dieu n'est pas
le Père d'une partie, Dieu est le Père du monde entier et tous ont le
droit d'être appelés Ses enfants, qu'ils soient dignes ou indignes. En
fait, c'est l'attitude de l'homme envers Dieu et la vérité qui peut
l'amener plus près de Dieu, et qui est l'idéal de toute âme. Si cette
attitude n'est pas développée, alors quelle que soit la religion d'un
homme, il a échoué à la vivre.
Par conséquent, ce qui est important dans la vie est d'essayer de vivre
la religion à laquelle on appartient, ou que l'on estime, ou que l'on
croit être sa religion.
On doit toujours savoir que la religion a un corps et une âme. Quelque
corps de religion que vous touchiez, vous touchez l'âme. Mais si vous
touchez l'âme, vous touchez tous ses corps, qui sont comme ses organes.
Tous les organes constituent un seul corps, qui est le corps de la
Religion - la Religion de l'Alpha et de l'Oméga, qui fut, qui est et qui
sera toujours. C'est pourquoi dans le chemin de la religion la
discussion : « J'ai raison et vous avez tort », n'est pas nécessaire.
Nous ne savons pas ce qu'il y a dans le cœur de l'homme. Si
extérieurement il paraît être Juif, Chrétien, Musulman ou Bouddhiste,
nous ne sommes pas juge de sa religion, car chaque âme a une religion
qui lui est propre. Il se peut qu'il y ait une personne d'un aspect très
humble, sans aucune apparence de croyance en Dieu, de piété, ou
d'orthodoxie, qui ait, cachée dans son cœur, une religion que tout un
chacun ne puisse pas comprendre. Et il peut y avoir une personne, qui
soit hautement évoluée, tandis que sa conduite extérieure, qui seule est
manifeste aux yeux des gens, apparaisse comme entièrement contraire à
leur propre manière de voir les choses. Ils peuvent l'accuser d'être
matérialiste ou incroyante, ou quelqu'un de très éloigné de Dieu et de
la vérité. Et pourtant nous ne savons pas. Parfois les apparences ne
sont que des illusions, derrière elles peuvent se cacher la dévotion la
plus profondément religieuse, l'idéal le plus élevé, que nous-mêmes
connaissons très peu.
Pour le Soufi, donc, la meilleure chose est de respecter la croyance
d'un homme, quelle qu'elle soit, sa manière de considérer la vie, même
si elle est complètement différente de sa propre manière de la
considérer. C'est cet esprit de tolérance qui, développé, amènera la
fraternité qui est l'essence de la religion et la nécessité du jour.
L'idée : « Vous êtes différent et je suis différent, votre religion est
différente et ma religion est différente, votre croyance est différente
et ma croyance est différente », ne fera que diviser l'humanité. Ceux
qui, prenant l'excuse de leur grande foi en leur propre religion,
blessent le sentiment d'un autre et divisent l'humanité, dont la source
et le but sont les mêmes, insultent la religion, quelle que soit leur
foi.
Le Message, à quelque période qu'il vînt pour le monde, ne vint pas pour
une certaine section d'humanité. Il ne vint pas pour élever seulement
quelques personnes, qui finirent par accepter la foi, le Message d'une
église organisée particulière. Non pas. Toutes ces choses vinrent
ensuite. La pluie ne tombe pas seulement sur un certain pays, le soleil
ne brille pas seulement sur une certaine contrée. Tout ce qui vient de
Dieu est pour toutes les âmes. Si elles en sont dignes, c'est leur
récompense. Si elles en sont indignes, elles y ont encore plus de titre.
En vérité la bénédiction est pour toute âme, car toute âme, quelle que
soit sa foi ou sa croyance, appartient à Dieu.
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