soufi-inayat-khan.org

Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


CELIBAT
Rassa Shastra
Chapitre 19
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

A toutes les époques le célibat a été un idéal religieux et mystique, et ceci pour deux raisons principales. La première est que bien que l'âme, née dans le monde, soit égarée par toute nouvelle expérience qu'elle rencontre dans sa vie, néanmoins c'est la passion sexuelle qui cause la plus grande délusion  de toutes. Le mythe d'Adam et Ève illustre cette vérité; car que ce fut un moyen employé par Dieu ou par Satan, ce fut des mains d'Ève qu'Adam mangea le fruit défendu, et non pas à cause d'un commandement ou d'une impulsion directs qu'il aurait lui-même reçus. Et puisque le but final de l'homme est la réalisation de la vie spirituelle - sa vie ici sur la terre ayant été entièrement vaine s'il manque à l'atteindre - la religion a fait tout effort possible pour l'écarter de ce désir du sexe auquel il est enclin par la nature, et ainsi l'éloigner du plus grand péril que son âme puisse rencontrer dans son voyage terrestre.

 

Et puis, tandis que chaque expression de vie: la parole, le rire, les larmes, dérobe à l'homme une certaine part de son fonds d'énergie, c'est la passion sexuelle qui en exige le plus; par conséquent l'idée du célibat fut avancée pour que l'homme puisse mieux préserver son énergie afin de poursuivre avec un motif unique le but final de la réalisation spirituelle.

 

Des pertes telles que l'affaiblissement de la raison, la faiblesse de la pensée, le désespoir, la dépression, arrivent lorsque l'être intérieur de l'homme s'étiole parce que l'énergie a été dépensée, et parce qu'il n'y a pas de connaissance ni de technique pour fortifier et nourrir l'existence intérieure. A chaque moment de la vie, et à chaque respiration, l'être humain répand et gagne de l'énergie; et chaque fois qu'il en répand davantage qu'il n'en gagne, il rapproche la mort. Mais si l'on empêche l'énergie de s'échapper, elle peut être élevée et utilisée pour nourrir le mental et l'être intérieur. Pour cette raison les mystiques ont souvent pratiqué la réclusion, le silence et les autres formes de d'abstinence, afin de préserver l'énergie pour la nourriture de la vie intérieure; et ils ont constaté que le célibat était le moyen le plus efficace de tous dans cette voie. "C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne profite en rien".

 

Mais la vie de l'homme ne peut jamais être complète sans la femme et c'est l'erreur qui demeure à la racine de l'idéal du célibat. La vie de l'homme est incomplète sans la femme, que l'on considère sa vie sociale ou politique; et cela n'est pas moins vrai quand on considère sa vie religieuse et spirituelle. Sans la sympathie du Christ pour Marie-Madeleine, et l'étroite amitié du Christ avec Marthe et sa soeur Marie, le magnifique portrait de la vie du Maître serait incomplet. Parmi les Prophètes de la race sémitique, depuis Abraham et pendant des âges, il y eut toujours une femme pour compléter le cours de leur sainte vie; et les grands Maîtres hindous depuis Rama jusqu'à Krishna sont glorifiés de concert avec leurs épouses.

 

L'homme religieux, où qu'on le trouve et quelque maître qu'il suive, a néanmoins été enclin à considérer avec dédain le contact avec les femmes; ayant l'opinion qu'il y a quelque chose d'impie dans l'amour passionné de la femme. Mais on peut en vérité se poser la question de savoir si le libertin a autant avili la femme que l'homme religieux, qui avec mépris croit que se tenir loin de toute femme et étouffer en lui son amour sera pour son propre bénéfice spirituel. Et est-il possible d'abaisser la femme et la position de la femme dans le schéma de la vie sans abaisser l'homme et la totalité de la vie?

 

Dans l'évolution de l'ego, il y a indubitablement un développement vers le célibat, mais ce même développement apporte une considération croissante pour la femme et pour le plan entier de la vie. La philosophie orientale en traitant de l'ego, distingue entre le nafs Ammarah et le nafs Lawwamah. Le premier est l'individu dont l'existence entière est à la surface, à la poursuite de la satisfaction de ses sens, mangeant, buvant, s'amusant et adonné à la sexualité; le nafs Lawwamah est l'individu dont l'avidité physique est contrôlée par son intelligence au point de lui faire faire une distinction entre ses plaisirs. Le nafs Lawwamah rejette tels désirs et distractions qui tomberaient au dessous du niveau de goût que son intelligence lui montre

 

Le nafs Mutma'innah représente un troisième stade de développement plus élevé, dans lequel les sens sont sous le contrôle du mental. A ce stade d'évolution un homme est absorbé dans un idéal, ou s'est voué à la réalisation d'un certain objectif dans la vie, extérieur à lui-même - art, invention, commerce et ainsi de suite - et dirige son énergie dans une seule voie. Dans son désir sexuel on peut le comparer à un daim qui vient boire à l'étang d'eau fraîche, restant caché dans la profondeur de la forêt, pur et non troublé; effrayé seulement par le moindre frémissement ou ombre projetée qui distrait et trouble son attention. Pour lui, le désir existe seulement quand il aime; il ne peut désirer quand il n'aime pas. Là enfin se trouve l'admiration pour la femme, le commencement de l'amour et l'amant véritable. Que connaissent le nafs Ammarah et le nafs Lawwamah de l'amour, eux qui pensent à l'amour comme à un plaisir?

 

L'ultime stade de développement est le nafs Salimah dans lequel la conscience de l'homme est déplacée sur un plan abstrait. Dans le coeur d'un homme à ce point d'évolution, l'amour est élevé de l'admiration jusqu'à l'adoration; son amour fait partie de son être, et son désir, qui n'est jamais exprimé sinon dans l'intensité de l'amour, peut être comparé à la posée d'un oiseau sur la terre pour ramasser un grain de blé.

 

Cet homme vit sur un plan plus élevé de la vie, jugeant par des critères différents, bien que son inspiration jaillisse du fonds commun de l'existence. Penseur, visionnaire ou homme d'action, il s'absorbe dans la contemplation de l'essence des choses. Lui seul devient incapable de regarder quoi que ce soit comme commun ou malpropre; bien que dans sa contemplation du mystère de la vie, et dans son dévouement à la poursuite de la vérité, et dans le sacrifice de lui-même dans la cause de l'humanité, il puisse devenir graduellement élevé au-dessus de tout objet matériel. Ayant atteint ce point, il est pleinement justifié s'il foule le chemin du célibat.

 

-oOo-

 

Rassa Shastra       L'esprit et la matière

 

Présentation La Musique du Message Accueil Textes et Conférences Lexique
Accueil