La signification de la foi |
Les gens emploient souvent le mot « foi » dans le sens d'une religion particulière qu'ils suivent ; une personne appartiendra ainsi à la foi juive, à la foi musulmane ou à la foi bouddhiste. De cette façon, ils obscurcissent la signification de la foi qui est la lumière même. La foi n'est pas nécessairement la croyance, mais la foi est l'apogée de la croyance. La croyance est une conception, une conception que l'on s'est faite soi-même, ou une conception que l'on a pris de quelqu'un d'autre en l'entendant, ou une conception d'une certaine idée qu'on s'est faite en lisant quelque chose. Une personne la maintiendra et la croira aussi longtemps que sa raison ne sera pas assez forte pour l'arracher, ou aussi longtemps qu'elle n'aura pas rencontré quelqu'un qui la déracinera, ou aussi longtemps qu'elle n'aura pas été confrontée à l'expérience qui la détruira entièrement. Combien en verrez-vous en ce monde comptant des paroles pieuses sur un chapelet, assis dans des églises avec les yeux clos, observant le service religieux du Dimanche ? Cependant, si quelqu'un les rencontre, qui soit plus intellectuel, qui argumente et dont la raison soit plus puissante, celui-là les fait changer complètement. D'orthodoxes, ils peuvent devenir des gens terre-à-terre ; de rêveurs, ils peuvent se réveiller tout-à-fait. Pourtant, s'ils sont devenus païens ou chrétiens est une question qui se pose.
Il est certain qu'une croyance peut être plus forte qu'une autre. Une croyance moutonnière est une croyance que tout le monde croit, bien que tout le monde n'admette pas qu'elle le soit. Chacun pensera : « Ce que je crois, j'ai raison de le croire ». Mais il n'en est pas toujours ainsi. La question religieuse étant mise à part, quand on en vient à la question politique, si un homme est promu par une personne, le pays entier le suivra. Il deviendra l'homme du jour ; tout le monde le suivra les yeux fermés. Une fois qu'il sera méprisé par une seule personne, la foule suivra et le méprisera. Telle est la psychologie de la foule. Pourtant chacun dit : « Je réfléchis. Je dis toujours la vérité, car je sais ce que je dis ». Mais en est-il ainsi ? Il n'en n'est pas ainsi. Quand je suis allé en Russie j'ai vu dans chaque petite boutique le portrait du Tsar et de la Tsarine. Croyez-vous que les gens n'en aient pas été partisans et n'aient pas aimé le Tsar ? N'était-ce que de l'hypocrisie ? Cela ne se peut pas. Et qu'arriva-t-il le jour d'après ? Ils brisèrent la couronne dans la rue à coups de marteau et la portèrent en procession. Qu'était devenue cette croyance, qui avait un jour été si grande, qu'ils pensaient qu'il était sacré d'exposer le portrait de leur roi ? Le jour d'après la croyance avait changé, cela n'avait pas pris longtemps. Ne pensez pas : « Cela ne s'est produit qu'en Russie ». Vous verrez cela dans tous les pays, il suffit d'étudier la psychologie de la foule.
Par conséquent, les personnes sages ne dépendent jamais de la louange de la foule ; ils ont toujours sû ce que c'était. Cela ne signifie rien. Malgré toute l'adoration et toute la louange qui lui était données, Bouddha ne les regarda pas. Il avait son travail qui l'attendait, son service envers l'humanité. Et ainsi les sages et les prophètes, les voyants et les penseurs n'ont jamais cru à la louange de l'humanité, à son amour et à son affection. Qu'est-ce qu'ils signifient ? L'homme qui n'a pas atteint le domaine de la foi n'est pas vivant. Il ne sait pas ce qu'il a dans la tête. Un jour il croit quelqu'un, le lendemain il croit autre chose. Ainsi la foi n'est pas seulement l'adhérence à une certaine religion, ou l'appartenance à une certaine église. La foi est beaucoup plus grande que cela.
Le second pas sur le chemin de la croyance consiste en ce que l'on ne croie pas parce que la foule croit, mais parce que cela vient d'une autorité. C'est la croyance d'un enfant, et en même temps c'est la voie par laquelle on doit passer. On progresse quand la mère dit : « Cela s'appelle de l'eau », et l'enfant dit « eau ». Il ne discute pas et ne dit pas : « Ce n'est pas de l'eau, c'est du pain ». Il écoute et il croit. Telle est la manière dont l'enfant commence à apprendre.
Ensuite vient le troisième pas, quand la croyance a sa raison. « Pourquoi est-ce que je crois ? Parce que j'ai une raison pour le faire. Je peux expliquer ma croyance. Par conséquent, je crois que c'est comme ceci et comme cela ». Cette croyance est plus fiable. Cependant la raison est-elle toujours fiable ? La raison se montre quelquefois si perverse qu'un jour on peut trouver une certaine raison pour une chose et le lendemain avoir une raison pour déraciner la première. Car n'y a-t-il pas une raison qui fait faire le mal au malfaisant ? Personne ne fait rien sans avoir une raison. Un jour une personne raisonne la manière de faire une chose, et trois heures ou un jour plus tard, elle peut s'apercevoir que la raison n'était pas la bonne, qu'elle était même très mauvaise. Mais sur le moment c'était tout de même sa raison.
Puis il y a une quatrième croyance qu'on peut seule appeler croyance, une croyance qui ne dépend même pas de la raison, une croyance qui est une croyance naturelle. Vous ne pouvez pas vous empêcher d'y croire. Rien ne peut la déraciner, aucun argument, aucun raisonnement, aucune étude, aucune pratique, rien ne peut vous l'enlever, car c'est une croyance naturelle. C'est cela la foi. Quelqu'un qui n'a pas atteint cette croyance est encore en route et ne peut pas dire : « J'ai une foi qui est certaine ».
La foi est une telle vertu ! Même dans notre vie de tous les jours nous ne pouvons pas assez apprécier un compagnon, un parent, un serviteur, un ami qui est fidèle. Il n'y a aucun prix pour cela, c'est au-dessus de tout prix d'avoir quelqu'un qui est fidèle. On ne peut pas avoir une plus grande chance que d'avoir une être fidèle chez soi ou au-dehors, comme ami, ou maître, ou serviteur, ou partenaire dans la vie, quelqu'un en qui on puisse avoir confiance, sur lequel on puisse se reposer les yeux fermés, et dont on puisse dire : « Je peux toujours sentir que l'affection de cette personne ne changera jamais, ni son amour, ni sa bonté ». Et si l'on a quelqu'un de tel, on doit en être des plus reconnaissant. C'est plus précieux qu'aucun trésor au monde d'avoir une personne au monde qui est fidèle.
Si j'avais à décrire la signification de la foi je dirais : la foi signifie confiance en soi. La foi est le secret que l'on peut utiliser comme une médecine, et meilleure que la médecine ; comme une richesse, et plus grande que la richesse ; comme une religion, et plus grande qu'une religion ; comme bonheur, et plus grande que le bonheur. Car rien ne peut acheter la paix et elle ne peut pas être vendue. Si quelque chose peut être appelé la grâce de Dieu, c'est la foi et la confiance en soi. C'est une chose que vous ne pouvez pas enseigner, que vous ne pouvez pas développer. Cela doit être en vous et ne peut être développé qu'en l'aimant, en en bénéficiant. Si quelqu'un vient me voir et dit : « Je crois tant en vous que tout ce que vous direz je le croirai, mais je ne crois pas en moi-même », je répondrai : « Je vous remercie, mais je ne crois pas en vous non plus. Il vaudrait mieux croire en vous d'abord, ensuite je pourrai dépendre de vous ». Car qu'est-ce que sa croyance ? Un jour il dira : « Je crois en vous » et le jour suivant : « Je ne crois pas en vous », car il ne croit pas en lui-même.
On raconte l'anecdote suivante au sujet de la vie de Fuzeïl ben 'Ayaz. Il y avait un homme qui voyageait dans le désert avec une caravane. Ils arrivèrent à un endroit dangereux à cause des voleurs. Le voyageur pensa qu'il devrait chercher à confier son argent à quelqu'un qui pourrait le lui garder. Il vit au loin un homme dans une tente qui fumait son narguilé. Il salua cet homme et pensa : « Cet homme semble plein de dignité. C'est quelqu'un à qui confier mon argent ». Il lui dit : « J'ai entendu qu'il y avait des voleurs dans ces environs et je voudrais confier mon argent à quelqu'un ». L'homme répondit : « Soit. Mettez-le là. Je vous le garderai ». Il s'en alla donc et quand il approcha de la caravane, il constata que les voleurs étaient venus et avaient pris tout l'argent que les gens possédaient. Il fut très reconnaissant d'avoir sauvé le sien. Il revint à la tente et en approchant il vit plusieurs voleurs assis là en train de partager leur butin. L'homme à qui il avait confié son argent était le chef des voleurs, assis au milieu d'eux. Il le regarda et eut très peur. Le chef l'aperçut et l'envoya chercher. Il arriva en tremblant. « Pourquoi - demanda le chef - êtes-vous venu, et pourquoi vous en aller ? » Il répondit : « Je suis venu, comme vous le savez, pour vous confier mon argent, et maintenant je vous vois parmi les voleurs qui partagent le butin ». Le chef répliqua : « Vous ne me l'avez pas donné parce que je suis un voleur. Alors comment pouvez-vous vous attendre à ce qu'on vole votre argent ? Il est sauf. Vous m'avez fait confiance en me le donnant ». Les voleurs furent très impressionnés par cette action de leur chef, un chef qui était si inspiré et si élevé. Ce qui lui était confié était plus grand que tout l'argent volé. Il aurait pu le voler, mais ce fut la vertu inspirée par la foi de cet homme simple qui donna la foi aux voleurs. A partir de ce jour ils abandonnèrent tous le vol pour suivre le chemin des croyants. Ce chef des voleurs est mentionné comme l'un des grands penseurs et des hommes sages.
On peut voir la foi sous cinq aspects différents : la foi en sa propre impulsion, la foi en sa raison, la foi en ses principes, la foi en son idéal, la foi en Dieu.
C'est un signe de tempérament mystique quand une personne a foi en son impulsion. Quand un mystique pense : « Je dois aller vers le Nord » il y va. Il ne raisonne pas, il ne demande pas pourquoi. Il prend cela comme une impulsion divine et il marche vers le Nord pour rencontrer ce qu'il doit y rencontrer. S'il y a une impulsion disant : « Je dois prendre ce travail, je dois m'engager dans telle profession, je dois faire ceci ou cela », et que quelqu'un le fait, il y a quelque chose d'extraordinaire à cela. Vous voyez un tel exemple en Christophe Colomb. Il eut l'impulsion : « Je dois chercher l'Inde », et il vint ici en Amérique. La forme extérieure de l'impulsion était erronée, l'intérieure était vraie. Il fallait trouver ce pays. C'était une impulsion mystique. Il suivit son impulsion et arriva ici. Les mystiques de toutes les époques croient en cela, ils ne peuvent s'en empêcher ; c'est le tempérament mystique. Si mille personnes disaient : « Non, ce n'est pas bien », il répondrait : « Si, c'est bien, je dois le faire ». Il n'est pas nécessaire que tout le monde, pour faire cela, doive être mystique. Cette impulsion est un tempérament. Une personne l'aura, et une autre, qui est sans doute plus intellectuelle pensera : « Est-ce bien, est-ce mal ? Le ferai-je ou ne le ferai-je pas ? », et puis le temps passe, et la chance est perdue. Sur cent personnes, une suivra, quatre-vingt-dix-neuf attendront, que ce soit de petite ou grande importance juste ou faux.
L'autre aspect de la foi est la foi dans la raison. Pour de grands inventeurs, comme Edison, leur succès dépend de la foi dans la raison. S'ils n'avaient pas cette foi, ils n'auraient pas eu de succès dans leurs créations. C'est avec cette foi qu'ils ont fait ces inventions merveilleuses.
Le troisième aspect de la foi est la foi dans ses propres principes. Les principes vous rendent fort, pourvu que vous ayez foi en eux. Il y a une histoire concernant le Prophète qui, dans sa jeunesse gardait du bétail dans une ferme. Un jeune homme de son âge vint lui demander : « Mohammed, viens donc, allons à la ville et prenons du bon temps ». Mohammed dit : « Non. Je prendrai soin de ton troupeau, mais je n'abandonnerai pas le mien ». C'est avec ce principe que le Prophète débuta, et un jour le même principe fit de lui ce qu'il fut. Des centaines de millions, depuis quatorze siècles, gardent le nom du Prophète comme un viatique pour leur puissance et de leur pouvoir.
Et puis il y a la foi en l'idéal. Ceux qui ont eu un idéal élevé pour le bien de leur nation, de leur race, de l'humanité, ont fait bon marché de leur vie. Donner leur vie n'était rien pour eux, leur idéal était toujours plus grand. Ce n'est pas un homme ordinaire, celui qui a foi en son idéal. Cela donne un grand pouvoir et une grande élévation et élève un homme de la terre au ciel.
Et puis il y a la foi en Dieu. Vous pourriez demander si ce n'est pas de l'imagination d'avoir cette foi en Dieu. Mais celui qui a réellement foi en Dieu peut faire des prodiges. Quelqu'un dit à un brahmine : « Comme c'est stupide ô brahmine, d'adorer une idole en l'appelant Dieu ! ». Le brahmine répondit : « Si vous n'avez pas la foi et que vous adoriez le Dieu qui est dans les Cieux, Il ne vous entendra pas. Mais si j'ai la foi, je ferai que ce Dieu de pierre me parle ».
Un prédicateur prêchait un jour, disant : « Si vous prononcez le nom de Dieu avec foi, vous pourrez marcher sur les eaux ». Il y avait un fermier qui se réjouissait en l'entendant. Il rentra chez lui tout en y réfléchissant. Le jour suivant il vint voir le prédicateur et lui dit : « Je n'ai pas pu comprendre tous les dogmes ni les choses morales que vous avez prêchés, mais il y a une chose qui m'a beaucoup impressionnée. Voulez-vous me faire le grand honneur de dîner avec moi demain ? » Le prédicateur accepta et le fermier vint le chercher. Ils arrivèrent à une rivière qu'il fallait traverser. Le prédicateur demanda : « Où est le bateau ? » Le fermier dit : « Le bateau ? Vous m'avez enseigné que si nous disions le nom de Dieu nous pourrions marcher sur l'eau. Donc je n'ai pas pris mon bateau, j'ai marché sur l'eau ». Le prédicateur eut peur d'avoir à marcher aussi sur l'eau, car il n'en avait jamais tenté l'expérience. Il dit : « Voulez-vous le faire, je vous prie ». Et le fermier le fit ; le prédicateur ne put le faire.
Tel est le phénomène de la foi. Nous pouvons dire : « Nous avons tant à faire, tant à penser ». Mais avoir la foi est au-delà de tout cela. C'est quelque chose que les mots ne peuvent pas expliquer, quelque chose qui vient du coeur, qui élève l'homme, le portant de la terre vers le ciel.
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