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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LA COMMUNICATION
Le Palais des Miroirs
Chapitre 2
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Le phénomène de la réflexion diffère dans sa nature et son caractère, surtout en raison de la nature des différentes personnalités. Une personne peut projeter sur le cœur d'autrui une pensée, qui, dans son esprit a une forme concrète et qu'elle est capable de conserver comme un seul dessin ou image. Alors le reflet tombe avec clarté sur le cœur de l'autre; mais si son mental est trop faible pour maintenir correctement sa pensée, celle-ci oscille et ne peut se réfléchir convenablement sur le mental de l'autre. Si la mémoire n'est pas en bonne condition, l'image qu'on y a formée n'est pas claire.

 

Si le mental n'est pas clair, s'il est troublé, s'il est trop actif, il ne peut pas recevoir pleinement la réflexion. Le mental est comme un lac. Si le vent souffle, l'eau est troublée, et la réflexion ne sera pas claire; mais quand l'eau est calme, la réflexion est nette. Il en est de même pour le mental: quand il est calme, il est capable de recevoir des reflets.

 

Quand le mental est fort, capable de former une pensée, une image, et de les retenir, il peut projeter sa pensée au-delà de toute frontière qui pourrait se dresser devant elle comme un obstacle. Rien ne peut éloigner deux esprits qui sont centrés l'un sur l'autre. Aucune personne au cœur aimant, aux tendres sentiments, ne contestera que deux âmes reliées par la sympathie communiquent ensemble sans que la distance soit un obstacle à ce phénomène.

 

N'a-t-on pas observé pendant la dernière guerre que les familles des combattants, leurs mères, leurs femmes, leurs enfants, unis avec leurs soldats aimés qui se trouvaient au front, sentaient leur état d'être et savaient quand ils étaient blessés ou tués? On croit souvent que c'est la pensée qui les a atteints, mais les vibrations de la pensée deviennent, dans la profondeur, une image; elles sont un dessin. Une pensée est un dessin déterminé, et cette image précise se reflète dans le miroir du mental d'une autre personne, qui la ressent instantanément. La réflexion n'est pas comme une conversation, où chaque mot développe l'idée, de sorte que cette idée devient graduellement manifeste. Par la réflexion, par contre, l'idée est reçue en totalité, car elle est là tout entière sous forme d'image, et se reflète dans le miroir du mental qui l'a reçue.

 

C'est cette conception qui nous révèle le mystère de la relation entre les vivants et les morts. La notion d'obsession peut s'expliquer par la réflexion de la pensée d'un être de l'au-delà, reçue et gardée par une créature vivante sur la terre. Cela devient une obsession. Il arrive qu'un jeune anarchiste assassine quelqu'un sans que l'on puisse découvrir une si grande inimitié entre lui et la personne qu'il a tuée. C'était un ennemi de cette personne, qui, de l'au-delà, avait projeté sa pensée sur le mental passif de l'anarchiste qui, poussé par son ardeur et sa force, s'est senti porté à tuer quelqu'un sans savoir pourquoi, et à devenir la cause de la mort d'un homme. C'est surtout parmi les anarchistes que nous trouvons des cas semblables. A cause de leur extrémisme, leur cœur est en condition de réceptivité; ils peuvent alors recevoir le reflet de ce qui est bon ou mauvais, et agir en conséquence.

 

On peut se demander si une personne vivant sur la terre peut projeter sa pensée sur ceux qui sont dans l'autre monde. Les religions ont enseigné que c'est possible, mais l'évolution actuelle de l'intellect humain ne permet pas de bien saisir cette idée. Il existe, par exemple, encore aujourd'hui chez les hindous, la coutume d'offrir au disparu tout ce qu'il aimait, sous forme de fleurs et de couleurs: son environnement naturel, la rivière, le ruisseau, les montagnes à l'arrière-plan. Tout ce que leur cher disparu aimait, ils lui en font l'offrande. Certains peuples ont pour coutume de confectionner des mets délicieux, de préparer de l'encens, des fleurs et des parfums, qu'ils offrent au défunt; après quoi, ils en prennent leur part. Il peut paraître étrange qu'ils y participent eux-mêmes, mais c'est ce qu'ils ressentent qui se projette, et c'est pourquoi il est bon qu'ils prennent leur part de l'offrande faite au défunt; car c'est à travers eux que le défunt la reçoit. Ils sont l'intermédiaire par lequel le mort peut recevoir l'offrande: ce n'est qu'en y participant qu'ils peuvent la donner.

 

Ceci nous fait aussi comprendre que ceux qui continuent à pleurer des êtres chers font certainement de la peine à ceux qui les ont quittés: car, au lieu de réfléchir sur eux une expérience plus heureuse, ils amassent du chagrin, et l'offrent aux morts. Si l'on veut agir avec sagesse envers ceux qui nous ont quittés, il faut leur projeter des pensées de joie et de bonheur, d'amour et de beauté, de calme et de paix. C'est ainsi qu'on les aide le mieux.

 

De nos jours, où le matérialisme prévaut de plus en plus, peu de gens reconnaissent les cas d'obsession. On envoie souvent les obsédés à l'hôpital psychiatrique, où on leur donne des drogues et des traitements divers. Les médecins pensent qu'il y a un dérangement dans leur cerveau, une perturbation dans leur mental, ou dans leur système nerveux. Dans bien des cas, il n'en est pas ainsi, et de toute façon, ce ne serait qu'une conséquence. Quand quelqu'un est obsédé, il va de soi qu'il a perdu son rythme et sa "note", et qu’il a l'impression de ne pas être lui-même, qu’il se sent mal à l'aise. Cette gêne continuelle cause le désordre de son système nerveux, amenant toutes sortes de maladies; mais, à la racine de tout, se trouve l'obsession.

 

En résumé: la communication entre les êtres vivant sur la terre, ainsi que la communication entre les vivants et les âmes qui ont quitté la terre, se fait par le phénomène de la réflexion. Celle-ci est dépendante de la force du mental qui projette, et de la clarté de celui qui reflète.

 

 

Question: N'est-il pas possible qu'une obsession soit bénéfique?

Réponse: Cela est possible. Toutefois, ce qui arrive, en général, est que les âmes qui s'attachent à la vie terrestre sont soit des êtres matérialistes, soit des inspirateurs, ou des protecteurs de ce monde. Ces derniers répandent leur amour comme un fleuve, et bien qu'il ne soit pas exclu que celui-ci atteigne un individu, il est surtout destiné à la multitude. Cela ne peut pas être considéré comme une obsession; c'est une bénédiction.

Par contre, les autres âmes, celles qui sont attachées à la terre, quand elles se réfléchissent sur autrui, c'est parce qu'elles désirent quelque chose; et si important que puisse être ce désir, c'est une imperfection, parce que c'est une limitation. A part cela, dans cette création, chaque individu doit avoir sa liberté, il y a droit. Quand il est privé de sa liberté par une obsession, même si cela l'aide, il reste dans un conditionnement limité. De plus, il arrive que l'obsédé commence à prendre beaucoup d'intérêt à l'obsession, et que lorsqu'il en est guéri, il ne se sente plus lui-même. Il a le sentiment qu'on lui a ôté une certaine forme de vie, qui l'animait depuis longtemps.

 

Question: Voulez-vous nous expliquer ce qu'est l'écriture automatique, et ce que vous en pensez?

Réponse: La tendance à l'écriture automatique vient d'une disposition médiumnique, et la personne qui la possède a un penchant naturel pour cette écriture, parce que, ce faisant, elle entre en contact, elle forme une relation, avec les âmes flottantes. Peu lui importe quelle sorte d'âme elle contacte, c'est de cette âme qu'elle reçoit les reflets, et ensuite elle commence à écrire.

Parfois, lorsque l'un de ces êtres a pris de l'intérêt pour une âme dans l'au-delà, et que celle-ci commence à s'intéresser à cet être en particulier, il se forme une communication continue. Il est naturel alors que jour et nuit, ou à plusieurs reprises durant le jour et la nuit, s'ouvre une communication. C'est un jeu dangereux. Il est intéressant au début, mais par la suite, il peut être extrêmement difficile de s'en débarrasser. J'ai connu quelqu'un qui s'était mis en communication avec des esprits, si intensément que les esprits ne voulaient plus le laisser tranquille un seul instant. C'était comme une sonnerie ininterrompue du téléphone toute la journée. Ce qui m'avait le plus étonné était qu'il s'était habitué à vivre avec eux. Il avait beau leur dire: "Je ne veux pas de vous. Allez-vous-en!", les esprits revenaient. Jours et nuits, le pauvre subissait la sonnerie du téléphone. Il ne pouvait plus se protéger des esprits, après leur avoir laissé le libre accès à sa personne. Il s'était centré sur l'autre monde, et n'arrivait plus à fermer la porte de communication.

Entrer en communication avec les esprits est un surmenage pour les nerfs, qui, pour cela, doivent être très fins. Les centres de l'intuition dans le corps sont faits de nerfs d'une extrême finesse, plus fins que l'on ne peut se l'imaginer. Ils ne sont ni matière, ni esprit; ils sont entre les deux. Lorsque ces nerfs ténus sont devenus sensibles, une communication s'ouvre avec l'au-delà. Mais alors surgit un problème: les fortes vibrations de cette terre sont trop rudes pour les nerfs qui ne peuvent plus répondre aux exigences de ce monde dense, ce monde matériel. Ils sont devenus trop fins, et une maladie nerveuse en résulte.

C'est pour agir en faveur de certains médiums, qui furent utilisés par les grands explorateurs du monde spirite, que j'ai témoigné ma désapprobation pour cette voie; non pas parce que je n'y crois pas, ou pour m'en moquer comme certains le font, mais seulement pour le bien de ces êtres simples, dont on se sert, et dont la vie est gâchée afin que d'autres découvrent quelque secret. Et quel secret trouvent-ils à la fin? Aucun. Ce n'est pas le spectateur qui peut trouver le secret d'un jeu: c'est le joueur lui-même; c'est là qu'est la joie. Quiconque veut faire une expérience doit la faire lui-même et en accepter les conséquences. Cette façon de prendre une personne médiumnique, faible et inexpérimentée, et d'en profiter en ruinant sa santé, ne peut faire aucun bien, et n'apporte pas la connaissance qui illumine l'âme.

 

Question: Y a-t-il un risque d'obsession lorsque l'on s'engage sur la voie spirituelle?

Réponse: Je ne vois aucun rapport entre la voie spirituelle et l'obsession. Ce sont deux choses différentes. Ou vous existez, ou c'est quelqu'un d'autre qui existe en vous. Dans la voie spirituelle, c'est vous qui existez en Dieu: Dieu existe en vous, et vous en Dieu. Cette union entre vous et Dieu, c'est cela la voie spirituelle. Si vous étiez obsédé, vous seriez une partie de l'esprit obsédant. C'est tout à fait autre chose. Ce n'est pas une voie, c'est le vide et le chaos.

 

Question: Est-ce qu'une obsession peut aussi être causée par une personne vivante?

Réponse: Oui, mais alors nous ne parlons pas d'obsession, mais plutôt d'envoûtement.

 

Question: Cette communication par le mental n'est-elle pas difficile pour celui qui n'arrive pas bien à visualiser une idée, ou à retenir une image?

Réponse: Oui. Dans ce cas, il est plus difficile de projeter sa pensée, mais ce n'est pas plus difficile de recevoir la réflexion d'une pensée.

 

Question: Peut-on projeter son mental sur une personne qui est éloignée et non réceptive?

Réponse: Celui qui sait projeter son mental peut le faire sur n'importe quelle personne, réceptive ou non. Il est évident que celles qui sont réceptives le reçoivent plus vite, et avec moins de difficulté. 

 

Question: N'est-il pas triste pour les défunts de savoir que l'on porte le deuil?

Réponse: Cela dépend de notre façon de l'envisager. Il est vrai qu'une impression de tristesse n'est pas bonne, mais sentir l'amour des siens est un bonheur. On raconte qu'un sage entendit sa servante dire: "J'ai vu passer l'enterrement de quelqu'un qui doit être reçu au ciel". Le sage, amusé, lui demanda: "Comment savez-vous qu'il sera reçu au ciel? L'avez-vous vu entrer?". "Je n'ai pas vu cela, mais ceux qui suivaient son enterrement s'essuyaient les yeux; alors j'ai pensé que le ciel le recevra". Cela veut dire que, si dans sa vie, il avait gagné la sympathie de quelques personnes, il devait y avoir du bien en lui, et il devait être reçu au ciel.

 

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