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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LA RÉFLEXION TRANSFORMATRICE
Le Palais des Miroirs
Chapitre 12
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Tout ce que nous apprenons, et tout ce que nous exprimons dans notre vie quotidienne, c'est la réflexion qui nous l'a appris. On le remarque en observant les adolescents. Leurs façons de marcher, d'être assis, de parler, proviennent toujours d'un reflet, d'une impression qui a touché leur cœur. Ils l'attrapent et la traduisent ensuite dans leur propre comportement, mouvements et façon de s'exprimer. Il n'est pas difficile, pour des parents attentifs, de remarquer comme un adolescent change tout à coup de gestes, s'éprend de certains mots qu'il a entendus quelque part, et se comporte soudainement d'une façon différente. Chez certains jeunes, l'on constate chaque jour un nouveau changement dans leur voix, leur langage, leurs gestes. Eux-mêmes ignorent d'où cela vient. C'est une voix, un langage, des gestes, un comportement ou une attitude qui se sont imprimés sur leur cœur, et qui se manifestent ensuite dans leur vie quotidienne. Quand on prend de l'âge, on change moins; alors, en effet, toutes les impressions accumulées se révèlent dans ce que l'on dit. Mais un enfant, un adolescent, est impressionnable, et tout ce qu'il exprime provient de ce qu'il a emprunté aux autres.

 

Une coutume, en Orient, était de ne permettre à personne de voir un enfant nouveau-né, à l'exception de ceux qui avaient l'estime de la famille, et dont on pensait que l'empreinte pouvait être admise, pouvait inspirer l'enfant, et avoir une influence favorable sur lui. On a souvent constaté qu'un enfant prenait les traits de caractère de sa nourrice, non seulement physiquement, mais aussi mentalement; et il a été reconnu que, parfois, ces traits étaient plus prononcés chez l'enfant que ceux de sa propre mère. Cela ne veut pas dire que le petit enfant ne possède pas davantage les qualités de sa mère que celles de sa nourrice, mais ces dernières se trouvent à la surface, et sont ainsi plus manifestes.

 

Bien rares sont ceux qui savent, ou qui se posent la question de savoir, quelle est l'influence d'une nourrice ou d'une gouvernante sur un enfant durant sa croissance. Les facultés de la nourrice se développent chez l'enfant sans qu'on le sache. De nos jours, où la vie est si artificielle, les parents qui négligent leurs enfants au point de les laisser entièrement entre les mains d'étrangers ne se rendent pas compte qu'ils privent leurs enfants de l'influence de ses parents, qui pourrait leur être plus favorable. L'enfant reçoit des impressions en profondeur, et il réfléchit les premières impressions qui l'ont touché dans son âge tendre, qu'elles proviennent de sa nourrice ou d'une gouvernante qui s'est occupée de lui.

 

Quant à la vie des hautes personnalités, la plupart d'entre elles - poètes, musiciens, écrivains, compositeurs, inventeurs - a reçu la réflexion d'une autre personnalité. Consciemment ou inconsciemment, elles ont maintenu cette réflexion jusqu'à son achèvement; car cette réflexion est devenue comme une graine, et a fini par produire des fleurs et des fruits selon sa nature et son caractère. Des roses poussent parmi des roses, et des chardons parmi des chardons. L'ombre des grandes personnalités produit de nouvelles grandes personnalités. D'où provient ce phénomène? C'est un phénomène de réflexion: ainsi la réflexion de ce qui est valable produit des résultats valables.

 

En ce qui concerne les sages de l'Inde, tels Krishna, Rama et Mahadeva (Shiva), et autres avatars, incarnations de personnalités divines, que s'est-il produit? C'est la Personnalité divine qui s'est réfléchie en eux. Les innombrables grands avatars, dont nous lisons l'histoire dans les traditions des hindous, ont été des manifestations de ces reflets. Qu'en est-il des personnalités ressemblant au Christ, telles que les Saints des temps anciens? C'est le Christ qui se manifesta dans leur cœur. Que fut l'inspiration des douze Apôtres lorsque l'Esprit-Saint descendit sur eux? Pas autre chose que la réflexion du Christ lui-même. Sans remonter aussi loin dans le temps, à l'appui de cette thèse, les Khalifahs qui succédèrent au Prophète Mohammed - Siddiq (Abou Bakr), 'Omar, Uthman, 'Ali – révélèrent, dans leur caractère et dans leur nature, la fragrance de la vie du Prophète. Dans la lignée des grands Murshids soufis, nous constatons la réflexion de Shams-e-Tabriz sur son mourîd Djalal-ud-Din-Roumi, l'auteur du Mathnavi. En particulier, dans l'école des Chishtis, la plus connue des Écoles soufies des temps anciens, nous trouvons bien plus de dix hautes personnalités, à des époques différentes, dont l'âme a séduit le monde par ses qualités divines.

 

Quant à notre propre expérience quotidienne, chaque petit changement que nous découvrons en nous, dans nos pensées et sentiments, dans nos paroles et gestes, nous l'avons obtenu, à notre insu, de quelqu'un d'autre. Une personne intelligente et bien vivante est plus apte à recevoir des réflexions, et, si cette personne a une tendance à la spiritualité, elle reçoit des reflets à la fois de la terre et de l'au-delà. Vous constaterez en elle, chaque jour et à tout moment, un changement qui provient du phénomène de la réflexion.

 

 

Question: Pour recevoir la réflexion de quelqu'un, faut-il l'aimer ou l'admirer?

Réponse: Nous recevons les reflets de ceux que nous aimons et de ceux que nous haïssons. Il est vrai que, dans ce dernier cas, il y a un phénomène de répulsion, mais cette répulsion ne vient qu'après que nous ayons reçu le reflet. Avant même que nous ayons perçu la laideur, cette laideur s'est déjà réfléchie sur nos yeux. Le mental est semblable à l'œil. Quand nous disons: "Ceci est laid", avant de l'avoir dit, nous avons reçu l'impression de la laideur, et son effet s'accroît quand nous nous y intéressons.

 

Question: Est-il possible d'avoir une attitude positive, et de s'ouvrir seulement à ce qui est bon et beau?

Réponse: Oui, si l'on est son propre maître en toutes choses, si l'on devient le maître de sa vie. On y parvient par l'autodiscipline.

 

Question: Le fait de recevoir des réflexions du monde invisible est-il toujours un signe de spiritualité?

Réponse: Une personne qui est dans un état anormalement négatif peut aussi recevoir de telles réflexions, et l'on trouve des cas de personnes médiumniques dans les hôpitaux psychiatriques. Les psychiatres peuvent ne pas reconnaître cet état, et l'appeler autrement, mais il s'agit bien de personnes médiumniques, ouvertes à n'importe quelle réflexion de l'au-delà. Omar Khayyâm a dit:

"Seule la largeur d'un cheveu sépare le vrai du faux"

Telle est bien la différence entre le normal et l'anormal, la largeur d'un cheveu. La même faculté, la même disposition d'esprit, peut conduire à l'illumination ou, avec une très faible différence, à la folie.

 

Question: Y a-t-il dans le caractère de chacun un trait particulier qui lui est propre, et qu'il puisse conserver sa vie durant, malgré tous les reflets qui le transforment continuellement?

Réponse: Personne ne possède de caractéristiques qui lui appartiennent en propre, bien que chacun se plaise à dire: "Je possède un caractère bien à moi; j'aime ceci, je crois cela". Personne ne peut s'en prévaloir. L'âme au départ était vierge de toutes ces caractéristiques. Elle les a adoptées en allant vers la terre.

 

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