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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


La discipline spirituelle
La manière d'être disciple
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

On peut considérer les tendances d'un disciple comme étant de quatre sortes.  Le disciple des temps modernes, qui vient dire à son maître : « Nous étudierons ce livre ensemble » est du premier type : ou bien il dit à son maître : « Avez-vous lu ce livre ?  Il est très intéressant » ;  ou bien il dit encore : « J'ai auparavant étudié avec quelqu'un d'autre, et maintenant j'aimerais apprendre de vous ce que je peux.  Nous continuerons ainsi et j'arriverai à quelque chose de très intéressant ».  Ainsi va la vie aujourd'hui.  On peut appeler un tel individu un étudiant, mais non pas encore un disciple.  Ce n'est pas l'esprit du disciple, c'est l'esprit de l'étudiant, qui va d'une université à une autre, qui d'un professeur passe aux mains d'un autre.  Il est tout-à-fait apte à cette poursuite intellectuelle, mais l'esprit du disciple est différent.

Il y a un autre type qui pense en lui-même : « Ce que je peux tirer du maître je le prendrai, et après que je l'aurai collecté, je l'emploierai de la manière que j'estime la meilleure ».  Ainsi, cette manière est celle du voleur qui dit : « Je prendrai à cette personne ce que je peux et je l'utiliserai à ma guise ».  C'est une attitude fausse, pour la raison principale que l'inspiration et le pouvoir spirituels ne peuvent pas être volés.  Un voleur ne peut pas les prendre.  Il pourra rester avec un maître pendant cent ans, et il partira les mains vides s'il a cette attitude.  Il y en a beaucoup en ce monde qui font une occupation du vol intellectuel, qui trouvent quelque bien intellectuel, le prennent et puis l'utilisent.  Mais ils ne savent pas ce qu'ils font ainsi.  Ils paralysent leur mental ;  puis leur mental ne travaille plus et ils ferment leur esprit.

Puis il y a une troisième tendance erronée chez un disciple, et cette tendance consiste à réserver quelque chose qui est la chose essentielle, et qui est la confiance.  « Enseignez-moi - dira-t-il - tout ce que vous pourrez m'enseigner, tout ce que je peux apprendre, donnez-moi tout ce que vous avez ».  Mais à part lui il se dira : « Je ne vous donnerai pas ma confiance, parce que je ne sais pas encore si cette route est bonne ou n'est pas bonne pour moi.  Quand vous aurez donné, je serai juge et je verrai ce qu'il en est.  Mais tant que vous ne m'aurez pas donné votre confiance, je ne pourrai pas vous donner la mienne.  J'écoute ce que vous avez à dire ».  Telle est la troisième tendance fausse.  Tant que l'âme ne donnera pas sa confiance à son guide spirituel, elle n'aura pas l'entier bénéfice de l'enseignement.

Et la quatrième manière d'être disciple est la bonne.  Celui-ci ne vient pas parce qu'il ne fait que penser : « J'aimerais marcher dans le chemin spirituel, ou j'aimerais être disciple, mourîd, chela » ;  mais il vient un moment dans la vie de chaque personne où les circonstances l'ont tant éprouvée qu'elle commence à penser : « Je voudrais trouver une parole qui m'éclaire, un conseil, quelqu'un qui me guide, une direction dans le chemin de la vérité ».  Quand la valeur de toutes choses et de tous les êtres a changé à ses yeux, le moment est venu où elle commence à avoir faim de guidance spirituelle.  Le pain est fait pour ceux qui ont faim, non pas pour ceux qui sont pleinement satisfaits.  Si une telle personne persiste dans la recherche d'un maître alors elle fait le pas qu'il faut. 

Mais la difficulté est que si elle va voir un maître et veut l'éprouver jusqu'au bout, il n'y aura pas de fin à l'épreuve.  Elle pourra aller d'un maître à un autre, et de l'être terrestre à l'être céleste, elle mettra chacun à l'épreuve, et à la fin que trouvera-t-elle ?  L'imperfection.  Elle la cherche et elle la trouvera.  Qu'est-ce que l'homme ?  Un être imparfait, un être humain, un être limité.  Quand elle veut chercher la perfection chez un être limité, elle constatera toujours qu'elle est déçue, que ce soit un ange ou un être humain qui vienne, quiconque viendra à elle.

Si un être est assez simple pour accepter n'importe quel maître qu'il rencontre et dit : « Je serai votre chela », c'est peut-être plus facile, mais ce n'est peut-être pas aussi facile de persister.  Sans doute les Hindous racontent que quelqu'un dit à un Brahmine : « Pourquoi adorez-vous un Dieu de pierre, une idole de pierre ?  Ecoutez donc, moi je suis un adorateur de Dieu qui est dans les Cieux.  Ce caillou ne vous écoute pas, il n'a pas d'oreilles ».  Et le Brahmine répondit : « Si vous n'avez pas foi, même le Dieu des Cieux ne vous écoutera pas, et si vous avez foi, cette pierre aura des oreilles pour entendre ».

Mais la voie du milieu, la meilleure voie, est de consulter sa propre intuition, son inspiration.  Si sa propre intuition dit : « Je chercherai mon guide chez ce maître, qu'il soit placé haut dans l'estime de l'humanité ou qu'il soit considéré avec mépris et parti-pris par des milliers, cela m'est égal ».  Alors cette personne se fixera à cet unique maître, et suivra le principe de constance.  Si quelqu'un n'est pas constant sur le chemin spirituel, il aura naturellement une difficulté à la fin, car qu'est-ce que la constance ?  La constance est le reflet de l'éternité.  Qu'est-ce que la vérité ?  La vérité est éternelle.  Pour chercher la vérité l'on doit prendre le principe de constance.

Quelle est la première chose que doit faire un disciple ?  La première chose est d'avoir pleine confiance dans la guidance, dans la direction qui lui est donnée par son maître.  Le maître ne guide pas toujours grâce à des paroles définies, le maître spirituel a mille procédés.  Il se peut que par ses prières il guide un certain disciple ;  il se peut que par sa pensée il guide son disciple ;  il se peut que par son sentiment il guide son disciple ;  il se peut que par sa sympathie il puisse aider son disciple ;  il se peut que ce soit à distance qu'il puisse guider son disciple.  Par conséquent, quand un disciple pense que c'est seulement grâce à des paroles, ou par un enseignement, ou par des pratiques ou des exercices qu'il peut recevoir l'enseignement, c'est une grande erreur.

Pour faire venir le vrai disciple et les bonnes personnes, un Soufi qui vivait à Haïderabad avait fait un merveilleux arrangement.  Il avait une femme grincheuse à côté de sa maison, et à tous ceux qui venaient voir le grand maître, elle disait toutes sortes de choses contre ce maître ;  comme il était peu aimable, comme il était méchant, comme il était négligent, comme il était paresseux.  Il n'y avait rien qu'elle ne dise.  De sorte que sur cent personnes, quatre-vingt-quinze s'en allaient, n'osant pas l'approcher.  Cinq peut-être venaient, qui voulaient se faire leur propre opinion à ce sujet, et le maître était très content que ces cinq-là soient venus.  Il était aussi content que les quatre-vingt-quinze autres s'en soient allés, parce que ce qu'ils étaient venus chercher ne se trouvait pas là, mais était quelque part ailleurs.

Et puis il y a un autre aspect à la question.  La première chose que cherche le maître est quel est le besoin le plus immédiat du disciple.  Etant admis que le disciple est venu pour chercher la vérité et pour être guidé sur le chemin de Dieu, pourtant la psychologie du maître est telle qu'il cherche d'abord le besoin immédiat de son disciple. 

Que le disciple en parle ou n'en parle pas, c'est le premier point que voit le maître, et l'effort du maître est dirigé pour ôter cette première difficulté, parce qu'il pense que c'est l'obstacle sur le chemin du disciple.  Pour une âme, marcher dans le sentier spirituel est facile.  C'est facile parce que c'est son chemin ;  c'est le sentier spirituel que l'âme cherche.  C'est Dieu qui est la recherche de toute âme et c'est pourquoi toute âme fera naturellement son chemin, s'il n'y a rien qui l'en empêche.  Le besoin immédiat est l'objet qui est un empêchement, qui peut ou bien être conquis ou bien enlevé.  Si cet objet peut être obtenu, tant mieux, si ce n'est pas bon qu'il soit obtenu, il faut l'enlever du chemin.  Alors le chemin est libre.  On peut penser que le maître est seulement concerné par le progrès spirituel de son disciple, par sa poursuite de Dieu.  Cela pourrait sembler facile, mais ce n'est pas facile pour le maître, car s'il y a quelque chose qui bloque le chemin du disciple, il ne sera pas aisé pour le maître de l'aider dans ce chemin.

Il y a trois facultés que le maître considère comme essentielles à développer chez le disciple : l'approfondissement de la sympathie, le chemin de l'harmonie, l'éveil de l'esprit de beauté.  L'on constate souvent que, sans qu'on lui ait enseigné une formule particulière, sans avoir reçu des leçons spéciales sur ces trois sujets, sous la direction d'un maître véritable, l'âme de son disciple sincère croît comme une plante qui est soigneusement arrosée et soignée.  Et sans lui-même le savoir, il commencera à montrer ces trois qualités ;  une sympathie toujours croissante, la qualité d'harmonisation qui chaque jour augmente, et de plus en plus l'expression, la compréhension et l'appréciation de la beauté sous toutes ses formes.

On pourrait demander s'il n'y aucun retour en arrière.  Hé bien parfois on a l'impression d'aller en arrière.  Quand on voyage en bateau, le bateau bouge de telle façon que l'on a l'impression : « je recule ».  Mais on avance.  C'est le mouvement qui vous fait sentir : « Je recule ».  En voyageant à dos d'éléphant ou de chameau on ressent aussi la même chose.  Le mouvement vous donne l'impression qu'on recule, mais en réalité on avance.  Dans la vie de quelques disciples il y a cette impression, mais cette impression est seulement la preuve de la vie, et cette petite impression de reculer n'est qu'une sensation, cela veut seulement dire qu'on avance.

Mais l'on pourrait dire parfois : « Je trouve que depuis que je suis devenu disciple, je découvre davantage de fautes en moi que je n'en ai jamais vu auparavant ».  C'est tout-à-fait vrai, mais cela ne veut pas dire que les fautes ont augmenté.  Cela veut seulement dire que les yeux se sont maintenant si largement ouverts que l'on voit chaque jour bien plus de fautes que l'on n'en voyait auparavant.  Cela ne signifie pas un accroissement des fautes, mais l'élargissement de la vision.  La vision est devenue plus aigüe.

Il y a toujours un grand danger sur le chemin spirituel que le disciple doit surmonter.  Il se produit un sentiment que l'on est exalté, un sentiment que l'on connaît plus que les autres et un sentiment que l'on est meilleur que les autres, et cela peut être très dangereux dans le chemin spirituel.  Aussitôt qu'une personne pense : « Je sais », les portes de la connaissance se ferment.  Il ne peut plus acquérir de savoir, parce qu'il a automatiquement fermé les portes de son cœur.  Elles sont fermées dès l'instant où elle dit : « Je sais ».  La connaissance spirituelle, la connaissance de la vie est si enivrante, si exaltante, elle donne une telle joie, que l'on commence à déverser sa connaissance devant chaque personne qui arrive dès que s'élève cette connaissance. 

Si à ce moment le disciple pense : « Je dois conserver cette fontaine de lumière, la préserver, la garder en moi-même et la laisser s'approfondir », alors ses paroles ne seront pas nécessaires.  Sa présence éclairera les gens.  Mais si, dès que cette fontaine arrive, il la déverse en paroles, d'un côté sa vanité sera satisfaite et de l'autre son énergie s'épuisera et il sera sans pouvoir.  La réserve, par conséquent, est enseignée au véritable disciple, pour la conservation de l'inspiration et du pouvoir.  Celui qui parle n'est pas toujours sage ;  c'est celui qui écoute qui est sage.

Pendant la discipline spirituelle on peut appeler la première période la période d'observation, durant laquelle le disciple, avec une attitude respectueuse observe toutes choses, bonne et mauvaise, vraie ou fausse, sans exprimer aucune opinion sur elles.  Et ceci révèle chaque jour au disciple une nouvelle idée sur le sujet.  Aujourd’hui, il pensera : « C'est faux », mais il ne l'exprimera pas ;  et le lendemain il pensera : « Mais comment cela peut-il être faux » ;  et le jour d'après il pensera : « Est-ce que cela peut être vraiment mauvais ?  » Et peut-être que le quatrième jour il pensera : « Non, ce n'est pas faux », et que le cinquième jour il dira que c'est vrai.  Et de la même manière il peut observer ce qui semble vrai, s'il ne s'exprime pas dès le premier jour.  Ce sont ceux qui sont bêtes qui sont toujours prêts à exprimer leur opinion, ceux qui sont sages la réservent toujours.  En réservant leur opinion, ils deviennent de plus en plus sages, en exprimant leur opinion ils deviendront chaque jour moins sages.

La seconde chose qui est très importante pour le disciple est d'apprendre.  Comment apprendre ?  Chaque mot qu'entend le disciple venant de la bouche du maître, ce mot est un livre saint, sacré.  Au lieu de lire un livre sacré de religion du commencement à la fin, il peut prendre une parole du maître est cela revient au même.  En méditant sur elle, en y pensant, en s'appesantissant sur elle, il fait de cette parole une plante d'où sortent fruits et fleurs.  Un livre est une chose, et une parole vivante est autre chose.  Peut-être que le livre entier pourrait être écrit grâce à l'inspiration donnée par une seule parole vivante du maître.  En dehors de toutes les méditations données au disciple qui les pratique, par cet exercice il développe en lui cette inspiration, ce pouvoir qui sont censés se développer dans un disciple.

La troisième avancée du disciple consiste à éprouver l'inspiration, le pouvoir qu'il a acquis.  On pourrait demander : « Comment l'éprouve-t-on ?  » La vie peut donner mille exemples de chaque idée sur laquelle on a réfléchi.  Si l'on a appris du dedans qu'une certaine idée est fausse ou qu'une certaine idée est vraie, alors la vie est un exemple qui montre pourquoi elle est fausse ou pourquoi elle est vraie.

Les attributs du disciple sont la réserve, la réflexion, la considération, l'équilibre et la sérénité.  On doit prendre un soin particulier pour que durant la période de discipline spirituelle, l'on ne devienne pas un maître.  Car très souvent une âme en cours de croissance est si impatiente de devenir maître qu'avant d'avoir fini sa période de discipline elle devient trop impatiente.  On doit se souvenir que tous les grands maîtres de l'humanité, y compris Jésus-Christ, Bouddha, Mohammed et Zoroastre, ont été de grands disciples.  Ils ont appris de l'enfant innocent, ils ont appris de tout le monde ;  de chaque personne qui venait à eux, ils ont appris ;  chaque situation, chaque condition du monde, ils l'ont saisie et ils en ont appris.  C'est le désir d'apprendre sans cesse qui fait un maître, et non pas le désir de devenir un maître.  Aussitôt que quelqu'un pense : « Je suis un petit peu maître », il a perdu pied, parce qu'il n'y a qu'un seul Maître ;  Dieu seul est le Maître et tous les autres sont Ses élèves. 

Nous apprenons tous de la vie ce que la vie nous enseigne, et le jour où un être pense qu'il a appris tout ce qu'il avait à apprendre et qu'il est maintenant un maître, il se trompe grandement.  Les grands maîtres de l'humanité ont davantage appris de l'humanité qu'ils n'ont enseigné.

 

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