Le mysticisme,
essence de toute connaissance |
Je parlerai ce soir du mysticisme. Si l'on parle du mysticisme Chrétien, Juif ou Musulman, c'est une manière de dire, car l'esprit du mysticisme est un seul et même esprit. Vous ne pouvez pas le diviser, vous ne pouvez pas y faire de séparations. Mais dans ce monde de différences et de distinctions nous ne pouvons pas nous empêcher de donner un nom. Si nous ne le faisons pas, d'autres le feront. Il est aussi bien pour nous de lui donner un nom que nous préférons.
Le mysticisme est l'essence de toute connaissance; la science, l'art, la philosophie, la religion, la littérature viennent tous sous la rubrique du mysticisme, car le mysticisme est la base de toute connaissance. Une science aussi claire que la médecine telle qu'elle s'est développée aujourd'hui, si vous remontez à son origine, vous trouverez qu'elle est venue comme de sa source, de l'intuition. Ce sont les mystiques qui l'ont apportée au monde. Avicenne, le grand mystique de la Perse a donné davantage au monde de la médecine que bien de ceux qui ont fait des découvertes en médecine dans l'histoire du monde. Nous savons que la science signifie une connaissance claire, basée sur la raison et la logique. Mais depuis quand a-t-elle commencé et comment? A-t-elle commencé par la raison et la logique? Elle est venue d'abord de l'intuition, puis le raisonnement est venu et la logique lui a été appliquée. Dans la création inférieure il n'y a pas de docteurs, les animaux sont leurs propres médecins. Ils savent bien si leur guérison nécessite qu'ils se tiennent sous le soleil ou se baignent dans une mare, qu'ils courent à l'air libre ou qu'ils se couchent tranquillement à l'ombre d'un arbre. J'ai connu un chien très intelligent qui avait l'habitude de jeûner tous les jeudis de la semaine. Il n'était pas étonnant que les Hindous aient prétendu que c'était la réincarnation d'un brahmine! Mais ce qui m'intriguait c'était comment le chien pouvait reconnaître qu'on était jeudi.
Les gens pensent qu'être mystique signifie être un rêveur, un être dénué de sens pratique, n'ayant aucun sens des affaires ordinaires de la vie. Mais j'appellerais un tel mystique un demi-mystique. Un mystique dans la pleine acception du terme doit avoir de l'équilibre. Il doit être aussi sage dans les affaires mondaines que dans les choses spirituelles. Les gens ont une fausse conception de ce qu'est un mystique. Ils appellent mystique un diseur de bonne-aventure ou un médium, un voyant ou une personne visionnaire. Je ne veux pas dire que toutes ces qualités ne se trouvent pas chez un mystique, mais elles ne font pas un mystique. Un mystique peut avoir toutes ces qualités mais il a beaucoup d'autres qualités. Un vrai mystique peut se montrer artiste inspiré, merveilleux savant, homme d'Etat puissant. Il doit avoir des qualités pour les affaires, pour l'industrie, pour la vie sociale et politique tout autant qu'un matérialiste. Je n'aime pas quand les gens me disent: "Comme vous êtes un mystique, j'ai pensé que vous ne feriez pas attention à une petite chose". Pourquoi n'y aurais-je pas fait attention? Je fais attention à chaque petit détail. Seulement, chaque petit détail n'occupe pas mon esprit au point que ce soit la première chose que je remarque. Pour être conscient de Dieu il n'est pas nécessaire d'être inconscient du monde. Nous voyons une seule vision avec nos deux yeux. Ainsi nous voyons deux aspects: Dieu et le monde en même temps dans une vision claire. C'est difficile, mais ce n'est pas impossible.
On pourrait demander comment je décris le mysticisme, ce que c'est. Le mysticisme est un point de vue sur la vie. Les choses qui semblent réelles à une personne ordinaire, aux yeux du mystique sont irréelles, et les choses qui semblent irréelles aux yeux de la personne ordinaire, aux yeux du mystique semblent réelles.
Dieu, pour le mystique, est la source et le but de tout. Dieu est tout, et tout est Dieu. Cependant un vrai mystique ne sera pas quelqu'un qui dira, comme le dirait un intellectuel étudiant la philosophie: "Je ne crois en aucun Dieu mais je crois en l'Abstrait". C'est sans poésie, sans idéal. Il peut avoir la vérité, mais c'est une fleur sans parfum. Vous ne pouvez pas adorer l'abstrait, et vous ne pouvez pas non plus communiquer avec l'abstrait, ni donner quelque chose à l'abstrait, ni en prendre quelque chose. N'adorer rien n'est rien. Vous devez avoir devant vous quelque chose à aimer, à adorer, à quoi vous puissiez adhérer, que vous puissiez respecter, placer haut. Et si vous dites: "Dieu est tout et chaque chose", c'est vrai, mais en même temps qu'est-ce que c'est? "Tout" en d'autres termes signifie rien.
Le mystique dit: "Si vous n'avez pas de Dieu, faites-en un". C'est l'homme sans idéal et sans imagination qui méconnaît Dieu. Un bol d'eau est aussi intéressant que l'océan, ou peut-être davantage si l'on a soif. Un Dieu personnel est aussi important ou peut-être plus important que l'idée de l'abstrait, dont vous n'obtenez rien. Nous autres êtres humains avons notre mental limité. Nous pouvons saisir l'idée de Dieu pour autant que nous pouvons concevoir Dieu. Par exemple, vous avez un ami que vous aimez et dont vous voulez faire l'éloge. Pourtant il est au-dessus de votre éloge. Ce que vous pouvez faire est de dire: "Comme il est aimable, comme il est bon, comme il est patient, comme il est merveilleux, mon ami!" C'est tout. Vos paroles ne peuvent pas le rendre plus grand, vos paroles ne peuvent pas même exprimer complètement ce que vous-même pensez de votre ami. Et en même temps c'est tout ce que vous pouvez faire; faire une conception de votre ami pour votre propre compréhension. Il en est de même en ce qui concerne Dieu. L'homme ne peut pas pleinement comprendre Dieu. Ce qu'il peut faire est de s'en faire un de sa propre conception pour lui-même. L'homme aime la justice et dit: "Dieu est le juge de tous"; l'homme aime l'amour, la bonté et dit: "Dieu est compassion, miséricorde". L'homme dit: "Dieu est le père au ciel, et la qualité de Dieu est la qualité qui est exprimée dans l'amour de la mère". Un homme qui a vénéré son roi dit: "Dieu est le Roi de l'univers". il exprime cela au mieux de ce qu'il peut; il ne peut pas faire davantage. Même s'il était capable de dire davantage, ce ne serait pas approprié pour ce qu'est Dieu. C'est entièrement pour lui-même, afin de rendre ce qui est illimité compréhensible pour lui. On le rend limité pour son propre usage.
Le mystique par conséquent ne dit pas: "Ma réalisation est plus élevée que la vôtre; donc je me sépare de vous". J'ai vu un mystique marchant avec des paysans dans une procession religieuse, chantant des hymnes avec eux devant un Dieu de pierre. Lui-même était plus grand que le dieu dans la procession, et pourtant il chantait avec le même respect que n'importe qui d'autre. Il n'aurait eu aucun désir de montrer que sa croyance, sa réalisation était plus élevée, plus grande que la réalisation des autres.
L'idée de Dieu comme étant l'abstrait est la conception intellectuelle de ceux qui ont étudié la philosophie. Pour un mystique Il est une réalité. Le mystique ne pense pas à Dieu comme abstrait, mais il sait que Dieu l'est. Ce n'est pas une question de savoir mais d'être. Dieu, pour le mystique est le marchepied de la réalisation de soi. C'est le seuil, la porte pour entrer aux Cieux. Dieu, pour le mystique, est la clé pour ouvrir le secret de la vie. Dieu, pour le mystique, est cette demeure d'où il vient et où il retournera et se trouvera chez lui.
On dit qu'un chercheur alla voir un sage en Chine et dit: "Je viens pour apprendre de vous la vérité". - "Beaucoup de vos missionnaires - dit le sage - viennent chez nous et enseignent ici votre religion. Pourquoi venez-vous me voir?" - "Hé bien, ce qu'ils enseignent est Dieu; ce que nous connaissons au sujet de Dieu. Maintenant je viens vous voir au sujet du mystère de la vie". - "Si vous connaissez Dieu, c'est tout ce qu'il y a à connaître. C'est tout le mystère qui existe".
Pour le mystique, par conséquent, Dieu est tout ce qu'il y a.
Maintenant vient la question de la conception mystique du Christ. Est-ce que nous ne savons pas qu'une personne est meilleure qu'une autre, et n'est-il pas vrai qu'il y a Dieu dans l'homme?. Si cela est vrai, le mystique demande quelle objection il y a à ce qu'une personne sache que le Christ est Dieu, et à ce qu'une autre appelle le Christ un homme. Si Dieu est dans l'homme, qu'est-ce que cela peut faire que l'on appelle le Christ Dieu? Et si on appelle le Christ un homme, cela élève seulement l'homme à ce niveau; Dieu l'a créé. Les deux personnes ont leurs raisons et les deux ont raison. Pourtant chacune s'oppose à l'autre. Quelques-uns disent: "On ose appeler le Christ Divin!" Mais si nous ne cherchons pas la divinité dans l'homme, en qui la chercherons-nous?. Doit-on chercher la divinité dans un arbre, dans une plante, dans une pierre? Oui, en tout il y a Dieu. Cependant la divinité est éveillée, Dieu est éveillé, Dieu peut être vu dans l'homme.
Autre est la tolérance du mystique. Il dit que nous avons pris des noms dans l'histoire, de nos ancêtres. Les gens d'une nation ou d'une race ou d'une religion disent; "En Jésus-Christ nous voyons le Seigneur". Sous ce nom ils ont vu leur idéal. Des gens d'autres pays disent: "En Bouddha nous avons notre Dieu". Ils ont vu leur idéal divin en Bouddha. D'autres noms ont été trouvés par d'autres gens pour leur consolation, pour exalter leur idéal, dans l'histoire de certains êtres qui ont jadis existé. Les Musulmans disent: "Mohammed" - les hindous disent: "Krishna est l'objet de notre adoration". Tant qu'ils n'auront pas réalisé l'esprit de leur idéal, il se disputeront, se querelleront et se battront, disant: "Mon Maître est grand" - "Le mien est encore plus grand", car ils ne voient pas le seul et unique Esprit manifesté dans la plus grande excellence. Notre compréhension l'a exalté. Nous ne pouvons pas l'exalter assez si nous l'appelons par un certain nom et le limitons, le séparant des autres parties du monde. Si nous L'appelons Christ nous Le séparons de tous les autres; si nous L'appelons Krishna nous Le séparons de tous les autres. Mais quand nous cherchons l'Illimité dans notre idéal divin, nous pouvons L'appeler par tous les noms, disant: "Tu es Christ, Tu es Bouddha". Tout comme une mère peut appeler son enfant "mon petit empereur" et lui donner toutes sortes de noms magnifiques.
Quelques petites filles se disputaient. L'une disait: "Ma mère est meilleure que la tienne". Une autre disait: "Ma mère est encore meilleure". Et ainsi elles se disputaient et discutaient et se chamaillaient. Finalement l'une d'entr'elles dit: "Ce n'est pas votre mère ou leur mère, c'est la mère qui est toujours la meilleure": c'est la qualité maternelle, son amour et son affection pour ses enfants. C'est ce point de vue que prend le mystique vis-à-vis de l'idéal divin. Il dit: "Peu importe que vous preniez un nom historique ou que vous fabriquiez un nom spécial, que vous disiez "lys" ou "rose". Si c'est votre idéal divin, tout va bien. Mon idéal divin est le même". Il veut dire que cela ne fait pas de différence. Si nous avons de la dévotion, si nous avons du respect, si nous avons devant nous un idéal élevé, c'est tout ce qui est nécessaire.
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Puis nous en venons à la morale, aux principes du mystique. Le principe moral du mystique est le principe de l'amour. Plus grand est votre amour, plus grande est votre morale. Si vous êtes contraint par un certain principe, par certaines règles, certaines lois, vous pouvez montrer que vous êtes vertueux, mais ce n'est pas la vertu réelle. La vertu réelle doit venir de la profondeur du cœur, votre propre cœur doit vous enseigner la vraie morale. Et ainsi le mystique laisse la moralité à l'approfondissement de la qualité du cœur. Plus aimant est le cœur, plus grande est la moralité qu'une personne a dans la vie. Il n'y a pas de plus grand professeur de morale que l'amour lui-même, parce que la première leçon que l'on apprend de l'amour est: "Je ne suis pas, tu es". C'est le déni de soi, l'abnégation. Vous ne pouvez pas faire le premier pas dans le chemin de l'amour sans vous dénier vous-même. Aussi longtemps que vous ne vous déniez pas vous-même, vous n'avez pas fait un pas dans le chemin de l'amour. Vous pouvez prétendre être un grand amoureux, un grand admirateur, être très affectueux, tout cela ne voudra rien dire. Tant que l'idée du moi est présente, il n'y a pas d'amour. Si l'idée du moi est effacée, alors chaque action, chaque chose que l'on fait dans la vie est une vertu. Il ne peut en être autrement. Une personne aimante ne peut pas être injuste, ne peut pas faire quelque chose de méchant. Même si cela était mal aux yeux de mille personnes, cela ne pourra pas l'être en réalité. En réalité c'est bien, parce que c'est inspiré par l'amour.
Et puis il y a la religion du mystique. Sa religion consiste à progresser fermement vers l'unité. On pourrait demander: "Comment peut-il ainsi progresser?". Il y a deux manières. Selon une de ces manières il se voit lui-même dans un autre: dans celui qui est bon, dans celui qui est mauvais, en tous. Ainsi il élargit l'horizon de sa vision. Par cette étude sans cesse poursuivie au cours de sa vie, et progressant dans cette étude, il s'approche de l'unité de toutes choses. L'autre manière de se développer est d'être conscient de son être en Dieu, et de Dieu en soi-même. C'est approfondir la conscience de son être le plus intime. De telle sorte, le progrès est fait selon deux directions: à l'extérieur en étant uni à tout ce que l'on voit, et intérieurement en étant en contact avec cette vie unique qui est éternelle, en se dissolvant en elle, et en étant conscient de cet Esprit Unique qui est l'existence, la seule existence.
La loi du mystique consiste à comprendre la loi. L'homme ordinaire dit: "Cet individu m'a dépouillé. Je dois lui faire un procès". Le point de vue du mystique est différent. Il dit: "Personne ne peut s'échapper en emportant quoi que ce soit de ce monde sans le payer. S'il doit payer en avance il paie en espèces, et si ce n'est pas en espèces la note lui sera présentée en son temps. Pour tout gramme de nourriture que l'on mange, pour chaque goutte que l'on boit, chaque aspiration d'air que l'on prend il y a une taxe à payer". L'on paie continuellement et pourtant on ne le sait pas. Cela veut dire que derrière tout il y a une parfaite justice qui travaille tout de même. On ne peut bénéficier du plus petit confort ou du plus petit plaisir sans avoir à le payer, et pourtant personne n'en sait rien. Chaque souffrance a sa propre récompense. Par conséquent derrière toute la fausseté et l'injustice que nous voyons continuellement il y a une parfaite sagesse qui est à l'œuvre jour et nuit. Le mystique la voit en toutes choses avec les yeux ouverts, et c'est le grand phénomène. Pour le mystique la vie est une énigme, puis c'est un sujet d'ahurissement, puis en troisième lieu la vie est un phénomène.
La vie est une énigme quand la loi n'est pas comprise, une énigme très intéressante. Il n'y a pas de meilleur jeu que d'être dans cette énigme, et d'essayer de la comprendre, de la résoudre. Elle est si intéressante qu'il n'y a pas de sport ou de jeu qu'on puisse lui comparer.
Puis la vie est un sujet d'ahurissement: de voir comment chacun la regarde, et comment elle est en réalité. Et puis vient un stade où le mystique dit: "Ils sont tous fous, ou je suis fou. Quelqu'un doit être fou". Car tous ont un point de vue commun et son point de vue est différent. Pourtant il peut voir du point de vue de tous, et du sien propre qui est tout-à-fait contraire. Par exemple il y a cet enseignement du Christ où il dit: "Si quelqu'un vous demande votre vêtement donnez-lui aussi votre manteau". Un homme de ce monde dira: "Ce n'est pas une idée pratique. Si quelqu'un me le demande tous les jours, je devrai en acheter un nouveau tous les jours!". Pourtant c'est plus que pratique du point de vue du Maître: quoi que vous donniez, vous ne pouvez pas le donner sans le recevoir en retour d'une manière ou d'une autre. Une idée pure, de la bonne volonté, un petit service, votre temps, quoi que vous donniez, ce n'est jamais perdu. Cela vous revient toujours selon votre bonne volonté à donner. Quelque chose vous revient mille fois plus. On n'est jamais perdant en étant généreux, on ne fait qu'y gagner.
Le mystique, par conséquent, voit la loi qui est à l'œuvre en toutes choses. Cela lui donne une vision profonde de la vie. Il commence à voir pourquoi la misère est arrivée, pourquoi le plaisir est venu, pourquoi la douleur est venue, pourquoi l'un prospère et l'autre pas, pourquoi l'un progresse et un autre non. Tout cela lui devient clair, parce qu'il voit la loi qui est à l'œuvre en tout. Par conséquent la loi du mystique n'est pas la loi des gens. C'est la loi de la nature, la loi réelle.
Le chemin du mystique vers la perfection est le chemin de l'annihilation du faux ego. Dans l'homme il y a l'ego réel, et l'ego réel est divin. Mais ce divin est recouvert par le faux ego. Chaque homme a un faux ego, parce qu'il commence à croître depuis la naissance de l'enfant.
Il y a une histoire de derviche. Un jeune homme rencontra un derviche au cours d'un voyage et se prit de grande amitié pour lui, car il entendit de sa bouche de choses très belles concernant la vie et la nature. En partant, le jeune homme lui demanda "Aurai-je le plaisir de vous rencontrer encore? Où puis-je vous trouver?" Le derviche lui donna le nom d'un village et l'adresse qu'il lui indiqua fut "La Place des Menteurs". L'idée qu'un pareil amateur de la vérité et de la réalité vive à un endroit qui s'appelait la Place des Menteurs amusa le jeune homme. Quand il arriva au village et s'en enquit, personne ne la connaissait, mais finalement les gens l'amenèrent au derviche. La première question qu'il lui posa fut pourquoi il lui avait donné ce nom. Le derviche dit: "Viens avec moi". Sa "Place" était un cimetière, et il lui dit: "Regarde, cet homme qui est enterré ici, on l'appelait autrefois "Général", c'était un chef d'armée. Aujourd'hui nous marchons sur sa tête. Cet homme là-bas, c'était un cadi, un chef dans la ville. Maintenant il gît ici sans aucune puissance. Qu'il ait rendu la justice ou non, maintenant il est ici. Est-ce qu'ils n'étaient pas des menteurs pour s'appeler ceci ou cela, et pour se connaître eux-mêmes comme ceci ou cela? S'ils ne sont pas ceci ou cela aujourd'hui, ils ne l'étaient pas même quand ils le prétendaient. C'est pourquoi je les appelle menteurs".
Les hommes développent en eux-mêmes un faux ego, et ce faux ego est une identification avec quelque chose qu'ils appellent "eux-mêmes". Ils disent: "Je suis professeur, je suis juriste, je suis avocat, je suis docteur, je suis prêtre, ou roi, ou noble ou quelqu'autre chose". Mais quoi qu'ils prétendent être, ils ne sont pas cela. Que leur prétention soit humble ou pleine d'orgueil, ils ne sont pas cela.
Par conséquent, l'effort persévérant d'un mystique sur le chemin spirituel est d'effacer complètement ce faux ego, autant qu'il le peut, par la méditation, la concentration, la prière, l'étude, par tout ce qu'il fait. Son but est de l'effacer autant qu'il peut pour qu'un jour puisse se manifester la réalité qui demeure toujours enterrée sous le faux ego. En appelant le nom de Dieu, en répétant le nom de Dieu partout sous forme de prière ou dans le dhikr ou sous quelqu'autre forme, ce que le mystique fait c'est d'éveiller l'esprit du véritable ego, afin qu'il puisse se manifester comme une source qui jaillit d'un rocher ou d'une montagne. Aussitôt que le pouvoir ou la force est venue à l'eau, elle s'élance à travers la pierre et sort comme une source. Et ainsi en est-il de l'étincelle divine dans l'homme. Par la concentration, par la méditation elle sort et se manifeste. Là où cet esprit se manifeste, il lave à fond les salissures du faux ego et devient un courant de plus en plus grand. Il devient la source du réconfort et de la consolation et de la guérison et du bonheur pour tous ceux qui viennent en contact avec cet esprit.
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Question : Le célibat est-il essentiel pour le mysticisme? Réponse : Un mystique n'est pas assujetti à des règles particulières, mais pour certaines expériences le célibat est de grande importance. Le vrai mystique ne se limite pas lui-même à une certaine loi, même à celle du célibat, mais s'il est nécessaire dans sa vie qu'il jeûne ou garde le célibat, ou vive avec un régime végétarien ou vive dans un endroit écarté, en réclusion, il peut se le prescrire à lui-même et y trouver bénéfice. En même temps on ne peut pas dire qu'un mystique doive faire telle ou telle chose ou vivre une certaine vie. Salomon dans son palais, avec toute sa grandeur, avec son royaume, était un homme aussi sage et un mystique aussi grand qu'un ermite vivant dans la forêt, étranger à tout cela. On ne peut pas juger un mystique d'après son apparence. Si c'est un mystique, un vrai roi, qu'il soit au milieu des splendeurs d'une cour ou assis vêtu seulement d'un manteau, il est roi où qu'il soit. L'argent, une cour, la vie dans le monde, ne le distraient pas du mysticisme, ni d'être en solitude. S'il le choisit, c'est sa fantaisie. S'il veut être dans la foule, il peut tout aussi bien y être. Quand quelqu'un pense à un idéal élevé cela ne le touche pas d'être dans la forêt, dans un lieu écarté, ou dans la boutique d'un boulanger. Les gens s'imaginent que les mystiques sont des gens merveilleux qui sont assis dans la solitude, qui volent dans l'air. C'est beau comme conception, mais quand on en vient à la réalité il n'y a aucun aspect de la vie qui puisse priver un mystique de son esprit de mysticisme. Il peut être riche ou pauvre, au milieu du monde ou loin de tout, il est mystique de toute façon.
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