On entend dans le
silence, la voix de la nature, la parole de l'esprit, le verbe des
éléments et des anges et de Dieu Lui-Même. Quoi que l'on souhaite
entendre, on peut l'entendre. Des questions se posent bien souvent à
l'esprit de celui qui cherche à s'informer, à savoir pourquoi la faveur
de Dieu vint à l'homme auquel Il parla, comme au Mont Sinaï et en
d'autres lieux. Tous les prophètes, voyants et messagers, qui ont donné
des messages au monde les ont donnés comme le message de Dieu. Cela
signifie que ce qu'ils ont dit ne leur appartenait pas, mais était une
reproduction de ce qui leur était dit. Ils étaient devenus un véhicule
pour être l'écho de ce qui leur avait été une fois dit. La question peut
toujours se poser de savoir pourquoi cela doit être donnés à des êtres
spécialement doués, et non pas à toute âme, puisque nous sommes tous les
créatures de Dieu. Pourquoi chaque âme n'aurait-elle pas la capacité
d'entendre le Verbe de Dieu, pourquoi chaque âme ne serait-elle pas la
messagère de Dieu, ne serait-elle pas bénie et digne de ce privilège ?
Pourquoi Dieu devrait-il être partial ? La réponse est que sans aucun
doute tout âme est justifiée à recevoir la même bénédiction que Moïse et
les prophètes. Mais si l'âme n'en est pas capable, c'est pour la même
raison qu'en musique, certains ont l'oreille musicale et d'autres non,
bien que la musique soit naturelle.
Avec une compréhension scientifique des choses et une recherche logique
de la vérité, on peut comprendre que la personne qui parle n'entend pas
nécessairement ce que dit une autre. C'est celle qui ferme les lèvres
qui entend ; ce n'est pas celle qui parle beaucoup. Il y a dans le monde
beaucoup de gens impatients qui sont toujours anxieux de parler, mais
non pas prêts à écouter. Ils veulent toujours parler et leur défaut
augmente et devient une maladie. Quelqu'un se sent mal à l'aise s'il n'a
pas parlé et retenu l'attention d'un autre qui peut avoir été sa victime
pendant une heure. Il a fatigué le cerveau de celui-ci et épuisé sa
tolérance. Il y en a beaucoup qui sont anxieux de parler, et d'habitude
ces gens qui parlent tant, se montrent plutôt stupides. C'est parce que
tout ce qu'ils ont, ils le gaspillent et qu'ils ne connaissent pas le
secret d'acquérir et de retenir. Par conséquent, ils ne sont pas
fatigués, car ils ne désirent pas acquérir. Une telle personne, qui est
limitée, épuise ses ressources ; elle n'attend pas d'amasser de nouveaux
matériaux. Vous constaterez très souvent que la personne qui est
habituée à parler a très peu le désir d'écouter. Elle veut que les
autres aient la patience de l'écouter, mais elle a très peu de patience
pour rendre la pareille. Si vous désirez lui prendre un dixième du temps
qu'elle occupe à discourir, elle pourra s'en fâcher.
Il y a deux choses sur lesquelles la vie entière est basée : l'une est
la partie de la vie qui s'exprime, l'autre partie est celle qui reçoit.
La partie qui exprime est active, la partie qui reçoit est silencieuse.
La partie réceptive est capable de refléter ce qu'elle reçoit. Par
conséquent, ce qui s'exprime sans cesse perd ce qu'il possède, et n'a
jamais l'occasion de gagner quelque chose de nouveau. De plus, il n'est
pas capable d'amasser ou de refléter.
Dans une assemblée il y a en général deux types de gens : les uns qui
vont toujours donnant, dépensant et peut être gaspillant ce qu'ils ont,
et d'autres qui écoutent ; ils gagnent, car ils retiennent ce qu'ils
ont, et ils reçoivent des autres, ce que ceux-ci avaient. Ainsi
peuvent-ils gagner en sagesse aussi bien du sot que du sage. Il se peut
que ceux qui parlent soient fiers de ce qu'ils ont dit aux autres, mais
cet orgueil devient une dangereuse maladie. En parlant trop, de telles
personnes deviennent fières de leur étourderie ou de leur égoïsme, ou de
leur intelligence ou de leur bêtise. Une telle personne est fière de
dire la vérité, bien que ce puisse être désagréable ou porter offense
aux autres. Il vaudrait mieux qu'elle ne dise pas hardiment la vérité,
de façon irréfléchie et sans douceur, car elle peut tourner quelqu'un
contre elle-même et contre les autres. Par conséquent, le silence montre
la réflexion, la patience, l'indulgence et la tolérance. La tendance à
parler beaucoup montre le manque de considération, le manque de contrôle
et de tolérance, et peut finir en insolence et autres faiblesses.
Cela ne veut pas dire que parler soit un péché ou que le silence soit
une vertu ; quelquefois c'est le contraire. Sa'di, le poète, dit
que la beauté de l'art et de la musique peut être gâchée par deux choses
: la louange qui vient de l'imbécile, et le silence de la part du sage.
Quand quelqu'un de sage est silencieux en entendant quelque chose de
très beau, son silence peut être interprété comme une rebuffade. La
louange d'une personne stupide est aussi dégradante pour l'art que l'est
le silence du sage. Par conséquent, parler n'est pas toujours mauvais.
Ce dont on doit se souvenir est que l'on ne peut pas à la fois écouter
et parler. Par conséquent, on doit exercer son discernement.
Pour en venir maintenant aux diverses activités de l'univers, nous
constaterons que chaque activité, celle d'un objet ou d'un être vivant
est toujours en train de dire quelque chose. C'est ce que veulent
exprimer les vieilles histoires qui racontent que les plantes et les
arbres, les pierres et les rochers, les animaux et les oiseaux parlent
tous aux saints et voyants qui les écoutent et comprennent leur langage.
Il est vrai qu'ils parlent toujours, non seulement aux jours anciens
mais même maintenant. Chaque chose a une langue et parle son propre
langage, si seulement nous pouvons le comprendre. Pourquoi ne le
connaissons-nous pas et ne le comprenons-nous pas ? Parce que nous
sommes davantage prêts à parler qu'à écouter. Je veux dire par cela que,
bien que nous puissions sembler être silencieux et que le corps soit
inactif, cependant le mental parle et est actif ; ainsi il ne peut pas
écouter. Par conséquent, la personne qui se tait n'est pas
nécessairement silencieuse.
L'atmosphère d'une personne est expressive ou, en d'autres termes, parle
sans cesse. C'est son atmosphère qui vous dit ce qu'elle a été et ce
qu'elle a fait. Vous sentirez, et même les objets dans la pièce
pressentiront, ce qu'une personne a fait ou fera. Une personne qui vient
de causer une déception à une autre ou blessé le cœur d'une autre pourra
entrer dans une maison, et sa présence même communiquera un sens de
dépression ou de tristesse aux gens de cette maison. Mais il en est
également ainsi de l'amour, de la bonne volonté et de la bonté ; comme
qualités prédominantes dans une personne elles parleront même quand la
personne reste silencieuse. Notre propre atmosphère parle et même chaque
atome de notre corps et la circulation de notre sang sont éloquents, car
chaque chose a son propre langage et s'exprime par elle-même.
Le Coran dit que chaque partie de notre être témoignera de nos actions.
Notre personnalité elle-même parle et c'est pourquoi nous ne pouvons pas
écouter. N'est-il pas vrai que bien des fois, nous sommes si joyeux ou
si malheureux, que quand un autre parle, nous n'entendons pas ou nous ne
nous souvenons pas de ses paroles ? C'est parce que notre mental nous
parlait en même temps. Par conséquent, le silence extérieur en étant
assis tranquille n'est pas le vrai silence. Chaque activité de la vie,
chaque oiseau, animal, homme ou tout objet de la nature, parle, et vous
parlez aussi, même si vous paraissez vous taire. C'est pourquoi, vous ne
pouvez pas entendre la voix intérieure de la nature. Alors que vous
parlez constamment, comment pourriez-vous entendre la voix du silence ?
Il y a le mot seer, "voyant" dans la langue anglaise, qui indique
quelqu'un qui voit non pas comme voit tout un chacun, mais qui voit à
travers les gens et les choses dans la vie. Dans le Coran il y a deux
mots : sami et basîr. Sami se rapporte à celui qui
entend et écoute, tandis que basîr s'applique à celui qui voit,
au voyant. Il y a une très belle allusion dans le Coran qui dit : "Nous
avons montré une vision qui a révélé Notre secret". Cela se rapporte au
Prophète et à sa vision qui révèle que Dieu est l'Essence de la Pureté
et qu'Il est l'Entendant et le Voyant de tous les êtres et de toutes les
choses. Qu'est-ce que cela nous montre en réalité ?
Qu'une vision peut être révélée à une âme, qui par sa contemplation de
Dieu est devenue si purifiée, qu'elle est capable de voir et d'entendre
dans les plans intérieurs. Grâce à cela, nous pouvons comprendre ensuite
que l'âme qui est purifiée, acquiert la capacité d'entendre et de voir
le monde intérieur. Mais purifiée de quoi ? La réponse est : purifiée de
toutes les activités extérieures. Et le seul moyen de cette purification
réside dans le vrai silence.
Il y a une histoire très intéressante dans les anciennes traditions des
Juifs. Un jour Moïse cheminait à côté d'une rivière et soudain, tandis
qu'il contemplait la nature, se sentant proche d'elle et admirant sa
beauté, une inspiration lui vint comme une voix intérieure, disant :
"Moïse, écoute !" Il sentit qu'il devait s'arrêter pour entendre et
comprendre ce qu'il écoutait dans les sons de la nature. Ainsi
écouta-t-il l'eau qui coulait au-dessus des rochers et le bruit du vent
passant dans les arbres, et alors il entendit des sons très beaux, et il
les entendit dans leurs détails. Dans ces sons il perçut, tandis qu'il
écoutait plus attentivement, des sons plus hauts et des sons plus bas,
qui l'intéressèrent grandement ; il comprit l'harmonie entre un son et
l'autre, d'une façon qui lui révéla une gamme de notes. Quand il s'en
retourna il donna à ses élèves cette gamme qu'il avait apprise de la
nature, et il leur demanda d'imiter cette gamme, puisque tout art est
une étroite imitation et une manière de suivre ma nature. Meilleur est
l'art, que ce soit en peinture ou en musique, plus il doit imiter la
nature.
L'histoire de l'art montre que chaque fois qu'il a pris une direction
opposée à la nature, il a décliné dans cette période et à la fin n'a
abouti à rien. D'une part, l'art ne peut pas produire ce qui n'existe
pas ; d'autre part, ce qui en appelle à l'homme, est ce qui est
apparenté à la nature. Chaque fois qu'il n'est pas apparenté à la
nature, aussi artistique qu'il soit, il ne fera pas un appel durable à
l'homme. Malgré toutes les grandes tentatives de musiciens, le folklore
d'un pays possède toujours un charme et une beauté spéciale. Dans toutes
les grandes décorations des peintres, il y aura peut-être une touche
naturelle qui les amènera plus près de la nature et qui gagnera
l'admiration d'une personne. C'est l'étroite observation de la nature et
son habileté à produire des effets naturels, qui constituent l'âme de
l'artiste.
C'est à cause de cet aspect de l'art que Moïse dit à ses élèves :
"Appelez cet aspect de la nature 'Mousa qé' d'où est venu
"musique". Le nom fut employé par les Arabes et nous l'appelons
maintenant ainsi. Nous avons donc la fondation de la musique dans la
nature elle-même.
La tradition hébraïque dit que Moïse fut inspiré sur le Mont Sinaï quand
le Seigneur lui parla. Quand la tradition hébraïque parle du Mont Sinaï,
c'est symbolique. Quand quelqu'un s'est élevé au-dessus des activités du
monde dans le silence de sa méditation et de sa contemplation, et a
élevé sa conscience à cet état qui est au-dessus de toutes les choses
matérielles, il atteint la sphère de silence qu'on appelle le sommet de
la montagne, d'où vient la Voix de Dieu. Ce qui signifie que pour
atteindre la Voix de Dieu il nous faut monter au sommet de la montagne,
de la montagne de la matière et des conditions du monde. C'est en
s'élevant au-dessus des activités du corps, des émotions et du mental,
que nous passons au-delà du plan terrestre. Alors nous pouvons entendre
le Verbe de Dieu venant des plus hautes sphères. C'est ce Verbe qu'on
appelle la Voix du Silence.
Une meilleure image encore est celle de Mohammed et de son expérience.
Sa vie commença dans d'humbles conditions et il aida d'abord son oncle
dans ses affaires, ce qui lui donna une expérience pratique et
l'aptitude à l'administration. Ensuite il aida son pays dans sa défense
et par là devint un chef. Jusque-là, il n'y eut pas trace qu'il devint
prophète de sa race. Il était un homme de ce monde normal, ayant une
femme et une famille. Puis, après ces expériences variées et son intérêt
dans le bien-être de ses compatriotes et au vu des aspects variés de la
vie, l'idée vint à son esprit que la condition terrestre de son peuple
pourrait être améliorée et que bien des conditions contraires devraient
cesser d'être. Mais cet idéal ne reflétait-il pas le désir de tout homme
bon ? Quand nous voyons la fausse bonté et l'égoïsme qui règnent dans le
monde, cela nous donne naturellement un désir de délivrer le monde de
ces conditions malheureuses, pour que nous puissions en faire un
meilleur endroit où l'on vive. Mais ce n'est pas tout le monde qui a le
courage ou la volonté de s'efforcer à améliorer les conditions du monde.
L'on a tant d'attachements vis-à-vis de ces conditions mondaines que
l'on se trouve gouverné par elles, de sorte que nous ne pouvons pas nous
en échapper et ne pouvons pas vivre par nous-mêmes dans ce monde. Telle
est l'expérience de bien des idéalistes aujourd'hui. Mais ce grand désir
humain adressait un tel appel au Prophète, qui était doué de courage et
de détermination, qu'il pensait sans cesse à ce problème ; il demanda à
sa femme Khadidja la permission d'aller dans la montagne pour y
réfléchir en silence. Elle le laissa naturellement aller dans la
montagne, lui fournit de la nourriture et l'encouragea dans cet idéal.
Mais parfois, il allait sans nourriture afin que rien ne vienne
perturber sa méditation silencieuse. Son idée principale était :
"Comment ce monde pourrait-il être rendu digne de la création de Dieu ?
Comment puis-je moi-même être rendu meilleur, pour arriver à une
meilleure harmonie dans le monde ? Pour le présent - se disait-il à
lui-même - je vois la discorde là où devrait régner la paix". Il faisait
de fréquentes visites à la montagne et y restait des heures, parfois des
jours entiers.
Quand nous ne nous refusons rien des choses du monde, des jeux et des
amusements superficiels, comment pouvons-nous en jouir quand nous savons
qu'il y a tant de souffrance et de discorde autour de nous ? A quel
point l'âme jouirait de la paix que le silence intérieur pourrait donner
! Si nous avons seulement touché la frange de la sphère du silence, nous
connaîtrions la joie que peut donner la paix et nous saurions sa beauté
et sa valeur pour l'âme. Ainsi Mohammed commença à oublier les agréments
du monde, sa nourriture et son foyer et les choses de la vie normale. Il
fut de plus en plus attiré par la tranquillité de la montagne et par la
solitude du désert dans lequel on voit rarement un oiseau.
Sans une plante qui se meuve, sans aucun animal qui fasse un bruit, il y
a le silence absolu dans le désert. Mohammed était un penseur et un
visionnaire, il avait foi et courage ; il attendait toujours le signe
qui le guiderait, une clé pour résoudre les problèmes de la vie tels
qu'il les voyait. Avec sa foi, sa dévotion et sa confiance parfaites
dans ce silence éternel, et en comprenant l'infinie patience de Dieu, il
attendait quelque chose qui lui dirait ce qu'il devait faire pour
soulager le monde de ses difficultés. Ce besoin anxieux d'aider les
autres, la profondeur de son cœur le ressentait, mais il savait aussi la
joie que le silence peut donner. Alors, comme dit le Coran, il vint à
son oreille du dedans la Voix du Seigneur. Mais un Soufi dirait que la
Voix du Seigneur s'entendit quand toute autre activité de sa part fut
suspendue. Quand il ne fut plus conscient de lui-même, il devint l'âme
pure et vierge qui attendait le Seigneur. Il fut comme une plaque
photographique prête à prendre une image, dans un état passif et
réceptif. Alors il sembla que le Seigneur vint à lui et parla. Quand la
Voix fut entendue il sembla que la langue qui parlait était dans le
rocher, dans les arbres, dans le soleil, dans la lune et dans les
planètes, et que chaque chose autour de lui, lui parlait. Il sentit le
Seigneur lui parlant à travers l'eau, à travers le vent, et même à
travers le silence du désert. Il n'y avait rien nulle part qui n'était
pas la langue de Dieu qui pouvait lui parler.
Le parfait silence qu'il avait découvert révéla la Voix qui commença à
parler de toutes les directions, car Dieu est partout, au-dessus, en
dessous, au-dedans et au-dehors - Dieu nous parlera si nous écoutons -
et la beauté du discours était celle-ci : "Crie au nom de ton Seigneur
Qui a créé ce monde à partir de ce tu appelles rien". Comme cette
révélation est étonnante pour celui qui a toujours pensé que l'origine
de tout ce qui a été créé est quelque chose ! La première leçon qu'on
doit apprendre est comment écouter. Ou comme le Christ l'a dit :
"Cherchez d'abord le Royaume de Dieu qui a été créé par Sa Volonté, à
partir de Cela que vous pourriez appeler rien. Mais dans ce rien vous
trouverez toutes choses".
Le poète Amir nous donne une magnifique image, disant que depuis cette
partie de la vie qui est tangible et perceptible, vous pouvez découvrir
cette partie de la vie qui est au-dessus d'elle, au-delà d'elle et que
vous pourriez appeler néant ; et pourtant dans cette partie de la vie
vous pourrez voir qu'elle est toutes choses. Par conséquent, vous
pourrez découvrir que rien est tout et que toutes choses que vous
connaissez ne sont rien en réalité. C'est la première et la dernière
leçon que les Voyants ont donnée à l'humanité. Le Christ n'a-t-il pas
affirmé le même principe quand il pressait l'homme de chercher la
vérité, de chercher le Royaume de Dieu, après quoi toutes choses et
toute connaissance et tous pouvoirs lui serait donnés par surcroît ?
Ainsi cherchez d'abord la Source de toutes choses et de toutes
activités, en Laquelle toute chose vit, de Laquelle tout vient et s'en
va, et en Laquelle elles seront finalement réabsorbées.
Il y a deux sortes de gens dans ce monde : une sorte est religieuse,
pieuse, et croit en un certain maître, en une religion et en des
services religieux ; et ils croient que la foi dans leur maître, dans
leurs Ecritures et dans leur Eglise est la seule foi digne d'être
adoptée. Il est certain qu'ils sont de bonne foi et que cela a ses bons
aspects. Et puis il y en a d'autres qui s'informent et cherchent la
vérité, qui désirent connaître le silence intérieur et l'avertissement
de la Voix de Dieu. Vous pourriez demander comment nous pouvons entendre
quelque chose que nous n'avons ni connu, ni entendu. Je dirai que le
désir ardent de notre cœur nous dit qu'il y a une Voix qui appelle, et,
si seulement nous pouvions écouter, il y a sûrement une Voix qui attend
de parler. C'est une Voix dans le silence que l'âme cherche ; et le
Message Soufi nous aide à comprendre ces mystères.
Vient maintenant le travail du mystique. Le mystique ne vous ouvrira pas
l'oreille ou ne vous donnera pas quelque chose grâce à quoi vous pourrez
voir. La mission du mystique est de vous donner un travail à faire par
vous-mêmes. Il y a deux espèces de personnes qui peuvent apporter une
aide ; la première de ces personnes peut vous donner la connaissance
dont vous avez besoin, la seconde peut aussi vous donner la
connaissance, mais elle peut vous expliquer la méthode par laquelle vous
pourrez l'acquérir. Le travail du Soufi est principalement du second
type. Sans doute, la première méthode de développement est-elle possible
dans le cas où un élève est réceptif et tout-à-fait prêt à recevoir
quelque exposition de la vérité. Mais peut-être l'autre méthode est-elle
meilleure car elle vous dit la manière d'acquérir la richesse
spirituelle dont vous avez besoin, et comment amener votre être entier,
mental, corps et l'être le plus intérieur, dans l'état de silence qui
vous prépare à entendre la parole que votre âme a toujours ardemment
désirée et attendue. Il ne peut pas y avoir plus grande richesse ni plus
grand bonheur que celui-là.
C'est pourquoi en Orient l'aide d'un gourou ou d'un murshid est
tenue en haute estime et l'élève pense qu'il n'y a rien qu'il puisse
donner ou faire dans l'ordre du service pour rendre ce qu'il doit à son
maître. S'il pouvait donner tout ce qu'il a et même sa vie, le vrai
mourîd sent qu'il ne pourra jamais rendre au murshid ce qu'il
a reçu, parce qu'il n'y a rien de plus précieux que ce qu'il nous donne.
Pourtant, cela est étrange à dire, c'est notre propre richesse de
connaissance spirituelle qu'il nous donne ; elle n'est pas à lui, mais à
nous, bien que nous ne sachions pas qu'une telle sagesse spirituelle est
notre héritage et notre possession la plus intime. Le travail du
murshid est de nous révéler ce mystère et de l'amener à notre
réalisation consciente.
Le Vedanta dit qu'il y a six étapes qui préparent quelqu'un à atteindre
cet état idéal de vrai silence. D'abord il y a le contrôle du corps et
ensuite le contrôle du mental. En dépit des opinions contraires, ce
n'est pas aisé pour quelqu'un d'atteindre un réel contrôle du corps et
encore moins du mental. Le contrôle du corps signifie que chaque muscle
et chaque nerf est sous notre direction et contrôle conscients, de sorte
que l'énergie qui court dans tout le corps et dans chaque atome soit
conservée. Ce n'est pas facile à atteindre. Et quant au contrôle du
mental, sa distraction constante par des pensées, des idées, des
souvenirs, des espoirs, des peurs, des craintes anticipées, dont la
plupart viennent sans qu'on les invite, montre combien il est difficile
d'arriver au contrôle du mental.
Puis il y a la troisième étape, appelée shradha, ce qui veut dire
foi, qui est par elle-même une sorte de contrôle sur les sentiments.
Quand quelqu'un manque de cet aspect de la foi, c'est parce qu'il n'a
pas encore un contrôle sur ses sentiments suffisant pour maintenir sa
foi en présence de conditions contraires qui pourraient engendrer des
peurs. Cela ne signifie pas la foi dans la religion, mais la foi comme
qualité humaine, qui a été nettement développée et consciemment
atteinte. Il y a deux classes d'individus : l'une qui vous donnera sa
fortune pour la garder en sécurité, qui a la foi et qui sent que son
bien est en sûreté dans vos mains, et qui est ainsi en paix. L'autre
genre d'individu peut vous donner son trésor à garder, mais ensuite ils
ne vous fait pas entièrement confiance. De sorte qu'il se sent honteux
et embarrassé et ne peut pas vous regarder droit dans les yeux, car il
est plein de doute. Il ne peut s'empêcher de changer de sentiments,
parce que cela est dû au manque de contrôle qui devient manque de foi.
Là où il y a confiance, (encore appelée foi), cela vous donne la force,
et une force puissante, qui vous donne aussi la paix.
Je me souviens des paroles de bénédiction que mon murshid me
donnait, et aujourd'hui je me rends de plus en plus compte de leur
valeur. A l'époque j'aurais pensé que j'aurais pu désirer un autre
souhait, mais le murshid disait simplement : "Que ta foi soit
fortifiée". Notre progrès et notre succès dans la vie, le soulagement
des difficultés et des luttes, dépendent tous de notre foi. Le Christ,
du commencement à la fin de sa mission, enseigna ce principe encore et
toujours : "Ayez foi et confiez-vous à Dieu".
La quatrième étape est l'attendrissement de ce que nous pouvons appeler
le cœur, qui dans les conditions normales de la vie a une tendance à
durcir et à geler. Dans ce chemin de quête du vrai silence, il est
nécessaire de garder le cœur dans une condition liquide, au lieu de lui
permettre de tourner en glace ; car s'il est gelé il change tout notre
être et toute notre activité en froideur. Le malheur qui est causé dans
le monde provient surtout de cette froideur du cœur qui doit être évitée
par le Soufi.
La cinquième étape est l'observation pénétrante de toutes choses. Quand
quelqu'un regarde la surface des choses, il en connaît seulement
l'extérieur, de sorte qu'il se trompe facilement. Si une personne lui
parle en le flattant, il en est impressionné et peut en être ravi, mais
si la personne lui parle durement, il se sent blessé et insulté sans
considérer les mérites du cas. Il prend toute chose selon l'aspect
superficiel et ainsi commet des méprises et prend des amis pour des
ennemis et vice-versa. De sorte qu'il se trompe lui-même à chaque fois.
L'observation pénétrante est très nécessaire pour comprendre clairement
les choses et pour voir la vie dans ses profondeurs. Ainsi l'observation
implique aussi de voir non seulement le présent mais l'avenir, et
d'avoir un point de vue plus large et plus profond qui vient comme
résultat d'une observation soigneuse.
La sixième chose nécessaire est la capacité à synthétiser et à unifier.
Par exemple, au lieu de vous séparer des autres en pensant au degré de
désaccord qui vous sépare d'eux, vous devriez trouver comment et de
quelle manière vous pouvez être d'accord. Au lieu de classer les gens
comme étant de telle ou telle nationalité, nous ne devrions pas les
appeler autrement qu'"êtres humains". Au lieu de penser aux Cieux et à
la terre séparément, nous devrions penser à eux comme étant tous deux
cette création de Dieu. La synthèse est désirable dans tous ces aspects
de la vie, car séparer tend à diviser chaque atome à l'intérieur de
vous-mêmes et toute chose autour de vous, de telle sorte que vous ne
serez jamais satisfaits et ne trouverez pas la paix.
Quand ces six qualités sont développées et pleinement atteintes, l'on
parvient à ce septième degré, qui consiste à plonger profondément et à
pénétrer dans les profondeurs de la vie et de votre propre cœur. Là gît
le tabernacle du silence intérieur, et la bénédiction spirituelle de la
Voix de Dieu peut alors se réaliser.
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