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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


La voix du Silence
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

On entend dans le silence, la voix de la nature, la parole de l'esprit, le verbe des éléments et des anges et de Dieu Lui-Même. Quoi que l'on souhaite entendre, on peut l'entendre. Des questions se posent bien souvent à l'esprit de celui qui cherche à s'informer, à savoir pourquoi la faveur de Dieu vint à l'homme auquel Il parla, comme au Mont Sinaï et en d'autres lieux. Tous les prophètes, voyants et messagers, qui ont donné des messages au monde les ont donnés comme le message de Dieu. Cela signifie que ce qu'ils ont dit ne leur appartenait pas, mais était une reproduction de ce qui leur était dit. Ils étaient devenus un véhicule pour être l'écho de ce qui leur avait été une fois dit. La question peut toujours se poser de savoir pourquoi cela doit être donnés à des êtres spécialement doués, et non pas à toute âme, puisque nous sommes tous les créatures de Dieu. Pourquoi chaque âme n'aurait-elle pas la capacité d'entendre le Verbe de Dieu, pourquoi chaque âme ne serait-elle pas la messagère de Dieu, ne serait-elle pas bénie et digne de ce privilège ? Pourquoi Dieu devrait-il être partial ? La réponse est que sans aucun doute tout âme est justifiée à recevoir la même bénédiction que Moïse et les prophètes. Mais si l'âme n'en est pas capable, c'est pour la même raison qu'en musique, certains ont l'oreille musicale et d'autres non, bien que la musique soit naturelle.

Avec une compréhension scientifique des choses et une recherche logique de la vérité, on peut comprendre que la personne qui parle n'entend pas nécessairement ce que dit une autre. C'est celle qui ferme les lèvres qui entend ; ce n'est pas celle qui parle beaucoup. Il y a dans le monde beaucoup de gens impatients qui sont toujours anxieux de parler, mais non pas prêts à écouter. Ils veulent toujours parler et leur défaut augmente et devient une maladie. Quelqu'un se sent mal à l'aise s'il n'a pas parlé et retenu l'attention d'un autre qui peut avoir été sa victime pendant une heure. Il a fatigué le cerveau de celui-ci et épuisé sa tolérance. Il y en a beaucoup qui sont anxieux de parler, et d'habitude ces gens qui parlent tant, se montrent plutôt stupides. C'est parce que tout ce qu'ils ont, ils le gaspillent et qu'ils ne connaissent pas le secret d'acquérir et de retenir. Par conséquent, ils ne sont pas fatigués, car ils ne désirent pas acquérir. Une telle personne, qui est limitée, épuise ses ressources ; elle n'attend pas d'amasser de nouveaux matériaux. Vous constaterez très souvent que la personne qui est habituée à parler a très peu le désir d'écouter. Elle veut que les autres aient la patience de l'écouter, mais elle a très peu de patience pour rendre la pareille. Si vous désirez lui prendre un dixième du temps qu'elle occupe à discourir, elle pourra s'en fâcher.

Il y a deux choses sur lesquelles la vie entière est basée : l'une est la partie de la vie qui s'exprime, l'autre partie est celle qui reçoit. La partie qui exprime est active, la partie qui reçoit est silencieuse. La partie réceptive est capable de refléter ce qu'elle reçoit. Par conséquent, ce qui s'exprime sans cesse perd ce qu'il possède, et n'a jamais l'occasion de gagner quelque chose de nouveau. De plus, il n'est pas capable d'amasser ou de refléter.

Dans une assemblée il y a en général deux types de gens : les uns qui vont toujours donnant, dépensant et peut être gaspillant ce qu'ils ont, et d'autres qui écoutent ; ils gagnent, car ils retiennent ce qu'ils ont, et ils reçoivent des autres, ce que ceux-ci avaient. Ainsi peuvent-ils gagner en sagesse aussi bien du sot que du sage. Il se peut que ceux qui parlent soient fiers de ce qu'ils ont dit aux autres, mais cet orgueil devient une dangereuse maladie. En parlant trop, de telles personnes deviennent fières de leur étourderie ou de leur égoïsme, ou de leur intelligence ou de leur bêtise. Une telle personne est fière de dire la vérité, bien que ce puisse être désagréable ou porter offense aux autres. Il vaudrait mieux qu'elle ne dise pas hardiment la vérité, de façon irréfléchie et sans douceur, car elle peut tourner quelqu'un contre elle-même et contre les autres. Par conséquent, le silence montre la réflexion, la patience, l'indulgence et la tolérance. La tendance à parler beaucoup montre le manque de considération, le manque de contrôle et de tolérance, et peut finir en insolence et autres faiblesses.

Cela ne veut pas dire que parler soit un péché ou que le silence soit une vertu ; quelquefois c'est le contraire. Sa'di, le poète, dit que la beauté de l'art et de la musique peut être gâchée par deux choses : la louange qui vient de l'imbécile, et le silence de la part du sage. Quand quelqu'un de sage est silencieux en entendant quelque chose de très beau, son silence peut être interprété comme une rebuffade. La louange d'une personne stupide est aussi dégradante pour l'art que l'est le silence du sage. Par conséquent, parler n'est pas toujours mauvais. Ce dont on doit se souvenir est que l'on ne peut pas à la fois écouter et parler. Par conséquent, on doit exercer son discernement.

Pour en venir maintenant aux diverses activités de l'univers, nous constaterons que chaque activité, celle d'un objet ou d'un être vivant est toujours en train de dire quelque chose. C'est ce que veulent exprimer les vieilles histoires qui racontent que les plantes et les arbres, les pierres et les rochers, les animaux et les oiseaux parlent tous aux saints et voyants qui les écoutent et comprennent leur langage. Il est vrai qu'ils parlent toujours, non seulement aux jours anciens mais même maintenant. Chaque chose a une langue et parle son propre langage, si seulement nous pouvons le comprendre. Pourquoi ne le connaissons-nous pas et ne le comprenons-nous pas ? Parce que nous sommes davantage prêts à parler qu'à écouter. Je veux dire par cela que, bien que nous puissions sembler être silencieux et que le corps soit inactif, cependant le mental parle et est actif ; ainsi il ne peut pas écouter. Par conséquent, la personne qui se tait n'est pas nécessairement silencieuse.

L'atmosphère d'une personne est expressive ou, en d'autres termes, parle sans cesse. C'est son atmosphère qui vous dit ce qu'elle a été et ce qu'elle a fait. Vous sentirez, et même les objets dans la pièce pressentiront, ce qu'une personne a fait ou fera. Une personne qui vient de causer une déception à une autre ou blessé le cœur d'une autre pourra entrer dans une maison, et sa présence même communiquera un sens de dépression ou de tristesse aux gens de cette maison. Mais il en est également ainsi de l'amour, de la bonne volonté et de la bonté ; comme qualités prédominantes dans une personne elles parleront même quand la personne reste silencieuse. Notre propre atmosphère parle et même chaque atome de notre corps et la circulation de notre sang sont éloquents, car chaque chose a son propre langage et s'exprime par elle-même.


Le Coran dit que chaque partie de notre être témoignera de nos actions. Notre personnalité elle-même parle et c'est pourquoi nous ne pouvons pas écouter. N'est-il pas vrai que bien des fois, nous sommes si joyeux ou si malheureux, que quand un autre parle, nous n'entendons pas ou nous ne nous souvenons pas de ses paroles ? C'est parce que notre mental nous parlait en même temps. Par conséquent, le silence extérieur en étant assis tranquille n'est pas le vrai silence. Chaque activité de la vie, chaque oiseau, animal, homme ou tout objet de la nature, parle, et vous parlez aussi, même si vous paraissez vous taire. C'est pourquoi, vous ne pouvez pas entendre la voix intérieure de la nature. Alors que vous parlez constamment, comment pourriez-vous entendre la voix du silence ?

Il y a le mot seer, "voyant" dans la langue anglaise, qui indique quelqu'un qui voit non pas comme voit tout un chacun, mais qui voit à travers les gens et les choses dans la vie. Dans le Coran il y a deux mots : sami et basîr. Sami se rapporte à celui qui entend et écoute, tandis que basîr s'applique à celui qui voit, au voyant. Il y a une très belle allusion dans le Coran qui dit : "Nous avons montré une vision qui a révélé Notre secret". Cela se rapporte au Prophète et à sa vision qui révèle que Dieu est l'Essence de la Pureté et qu'Il est l'Entendant et le Voyant de tous les êtres et de toutes les choses. Qu'est-ce que cela nous montre en réalité ?

Qu'une vision peut être révélée à une âme, qui par sa contemplation de Dieu est devenue si purifiée, qu'elle est capable de voir et d'entendre dans les plans intérieurs. Grâce à cela, nous pouvons comprendre ensuite que l'âme qui est purifiée, acquiert la capacité d'entendre et de voir le monde intérieur. Mais purifiée de quoi ? La réponse est : purifiée de toutes les activités extérieures. Et le seul moyen de cette purification réside dans le vrai silence.

Il y a une histoire très intéressante dans les anciennes traditions des Juifs. Un jour Moïse cheminait à côté d'une rivière et soudain, tandis qu'il contemplait la nature, se sentant proche d'elle et admirant sa beauté, une inspiration lui vint comme une voix intérieure, disant : "Moïse, écoute !" Il sentit qu'il devait s'arrêter pour entendre et comprendre ce qu'il écoutait dans les sons de la nature. Ainsi écouta-t-il l'eau qui coulait au-dessus des rochers et le bruit du vent passant dans les arbres, et alors il entendit des sons très beaux, et il les entendit dans leurs détails. Dans ces sons il perçut, tandis qu'il écoutait plus attentivement, des sons plus hauts et des sons plus bas, qui l'intéressèrent grandement ; il comprit l'harmonie entre un son et l'autre, d'une façon qui lui révéla une gamme de notes. Quand il s'en retourna il donna à ses élèves cette gamme qu'il avait apprise de la nature, et il leur demanda d'imiter cette gamme, puisque tout art est une étroite imitation et une manière de suivre ma nature. Meilleur est l'art, que ce soit en peinture ou en musique, plus il doit imiter la nature.

L'histoire de l'art montre que chaque fois qu'il a pris une direction opposée à la nature, il a décliné dans cette période et à la fin n'a abouti à rien. D'une part, l'art ne peut pas produire ce qui n'existe pas ; d'autre part, ce qui en appelle à l'homme, est ce qui est apparenté à la nature. Chaque fois qu'il n'est pas apparenté à la nature, aussi artistique qu'il soit, il ne fera pas un appel durable à l'homme. Malgré toutes les grandes tentatives de musiciens, le folklore d'un pays possède toujours un charme et une beauté spéciale. Dans toutes les grandes décorations des peintres, il y aura peut-être une touche naturelle qui les amènera plus près de la nature et qui gagnera l'admiration d'une personne. C'est l'étroite observation de la nature et son habileté à produire des effets naturels, qui constituent l'âme de l'artiste.
C'est à cause de cet aspect de l'art que Moïse dit à ses élèves : "Appelez cet aspect de la nature 'Mousa qé' d'où est venu "musique". Le nom fut employé par les Arabes et nous l'appelons maintenant ainsi. Nous avons donc la fondation de la musique dans la nature elle-même.

La tradition hébraïque dit que Moïse fut inspiré sur le Mont Sinaï quand le Seigneur lui parla. Quand la tradition hébraïque parle du Mont Sinaï, c'est symbolique. Quand quelqu'un s'est élevé au-dessus des activités du monde dans le silence de sa méditation et de sa contemplation, et a élevé sa conscience à cet état qui est au-dessus de toutes les choses matérielles, il atteint la sphère de silence qu'on appelle le sommet de la montagne, d'où vient la Voix de Dieu. Ce qui signifie que pour atteindre la Voix de Dieu il nous faut monter au sommet de la montagne, de la montagne de la matière et des conditions du monde. C'est en s'élevant au-dessus des activités du corps, des émotions et du mental, que nous passons au-delà du plan terrestre. Alors nous pouvons entendre le Verbe de Dieu venant des plus hautes sphères. C'est ce Verbe qu'on appelle la Voix du Silence.

Une meilleure image encore est celle de Mohammed et de son expérience. Sa vie commença dans d'humbles conditions et il aida d'abord son oncle dans ses affaires, ce qui lui donna une expérience pratique et l'aptitude à l'administration. Ensuite il aida son pays dans sa défense et par là devint un chef. Jusque-là, il n'y eut pas trace qu'il devint prophète de sa race. Il était un homme de ce monde normal, ayant une femme et une famille. Puis, après ces expériences variées et son intérêt dans le bien-être de ses compatriotes et au vu des aspects variés de la vie, l'idée vint à son esprit que la condition terrestre de son peuple pourrait être améliorée et que bien des conditions contraires devraient cesser d'être. Mais cet idéal ne reflétait-il pas le désir de tout homme bon ? Quand nous voyons la fausse bonté et l'égoïsme qui règnent dans le monde, cela nous donne naturellement un désir de délivrer le monde de ces conditions malheureuses, pour que nous puissions en faire un meilleur endroit où l'on vive. Mais ce n'est pas tout le monde qui a le courage ou la volonté de s'efforcer à améliorer les conditions du monde. L'on a tant d'attachements vis-à-vis de ces conditions mondaines que l'on se trouve gouverné par elles, de sorte que nous ne pouvons pas nous en échapper et ne pouvons pas vivre par nous-mêmes dans ce monde. Telle est l'expérience de bien des idéalistes aujourd'hui. Mais ce grand désir humain adressait un tel appel au Prophète, qui était doué de courage et de détermination, qu'il pensait sans cesse à ce problème ; il demanda à sa femme Khadidja la permission d'aller dans la montagne pour y réfléchir en silence. Elle le laissa naturellement aller dans la montagne, lui fournit de la nourriture et l'encouragea dans cet idéal. Mais parfois, il allait sans nourriture afin que rien ne vienne perturber sa méditation silencieuse. Son idée principale était : "Comment ce monde pourrait-il être rendu digne de la création de Dieu ? Comment puis-je moi-même être rendu meilleur, pour arriver à une meilleure harmonie dans le monde ? Pour le présent - se disait-il à lui-même - je vois la discorde là où devrait régner la paix". Il faisait de fréquentes visites à la montagne et y restait des heures, parfois des jours entiers.

Quand nous ne nous refusons rien des choses du monde, des jeux et des amusements superficiels, comment pouvons-nous en jouir quand nous savons qu'il y a tant de souffrance et de discorde autour de nous ? A quel point l'âme jouirait de la paix que le silence intérieur pourrait donner ! Si nous avons seulement touché la frange de la sphère du silence, nous connaîtrions la joie que peut donner la paix et nous saurions sa beauté et sa valeur pour l'âme. Ainsi Mohammed commença à oublier les agréments du monde, sa nourriture et son foyer et les choses de la vie normale. Il fut de plus en plus attiré par la tranquillité de la montagne et par la solitude du désert dans lequel on voit rarement un oiseau.
Sans une plante qui se meuve, sans aucun animal qui fasse un bruit, il y a le silence absolu dans le désert. Mohammed était un penseur et un visionnaire, il avait foi et courage ; il attendait toujours le signe qui le guiderait, une clé pour résoudre les problèmes de la vie tels qu'il les voyait. Avec sa foi, sa dévotion et sa confiance parfaites dans ce silence éternel, et en comprenant l'infinie patience de Dieu, il attendait quelque chose qui lui dirait ce qu'il devait faire pour soulager le monde de ses difficultés. Ce besoin anxieux d'aider les autres, la profondeur de son cœur le ressentait, mais il savait aussi la joie que le silence peut donner. Alors, comme dit le Coran, il vint à son oreille du dedans la Voix du Seigneur. Mais un Soufi dirait que la Voix du Seigneur s'entendit quand toute autre activité de sa part fut suspendue. Quand il ne fut plus conscient de lui-même, il devint l'âme pure et vierge qui attendait le Seigneur. Il fut comme une plaque photographique prête à prendre une image, dans un état passif et réceptif. Alors il sembla que le Seigneur vint à lui et parla. Quand la Voix fut entendue il sembla que la langue qui parlait était dans le rocher, dans les arbres, dans le soleil, dans la lune et dans les planètes, et que chaque chose autour de lui, lui parlait. Il sentit le Seigneur lui parlant à travers l'eau, à travers le vent, et même à travers le silence du désert. Il n'y avait rien nulle part qui n'était pas la langue de Dieu qui pouvait lui parler.

Le parfait silence qu'il avait découvert révéla la Voix qui commença à parler de toutes les directions, car Dieu est partout, au-dessus, en dessous, au-dedans et au-dehors - Dieu nous parlera si nous écoutons - et la beauté du discours était celle-ci : "Crie au nom de ton Seigneur Qui a créé ce monde à partir de ce tu appelles rien". Comme cette révélation est étonnante pour celui qui a toujours pensé que l'origine de tout ce qui a été créé est quelque chose ! La première leçon qu'on doit apprendre est comment écouter. Ou comme le Christ l'a dit : "Cherchez d'abord le Royaume de Dieu qui a été créé par Sa Volonté, à partir de Cela que vous pourriez appeler rien. Mais dans ce rien vous trouverez toutes choses".

Le poète Amir nous donne une magnifique image, disant que depuis cette partie de la vie qui est tangible et perceptible, vous pouvez découvrir cette partie de la vie qui est au-dessus d'elle, au-delà d'elle et que vous pourriez appeler néant ; et pourtant dans cette partie de la vie vous pourrez voir qu'elle est toutes choses. Par conséquent, vous pourrez découvrir que rien est tout et que toutes choses que vous connaissez ne sont rien en réalité. C'est la première et la dernière leçon que les Voyants ont donnée à l'humanité. Le Christ n'a-t-il pas affirmé le même principe quand il pressait l'homme de chercher la vérité, de chercher le Royaume de Dieu, après quoi toutes choses et toute connaissance et tous pouvoirs lui serait donnés par surcroît ? Ainsi cherchez d'abord la Source de toutes choses et de toutes activités, en Laquelle toute chose vit, de Laquelle tout vient et s'en va, et en Laquelle elles seront finalement réabsorbées.

Il y a deux sortes de gens dans ce monde : une sorte est religieuse, pieuse, et croit en un certain maître, en une religion et en des services religieux ; et ils croient que la foi dans leur maître, dans leurs Ecritures et dans leur Eglise est la seule foi digne d'être adoptée. Il est certain qu'ils sont de bonne foi et que cela a ses bons aspects. Et puis il y en a d'autres qui s'informent et cherchent la vérité, qui désirent connaître le silence intérieur et l'avertissement de la Voix de Dieu. Vous pourriez demander comment nous pouvons entendre quelque chose que nous n'avons ni connu, ni entendu. Je dirai que le désir ardent de notre cœur nous dit qu'il y a une Voix qui appelle, et, si seulement nous pouvions écouter, il y a sûrement une Voix qui attend de parler. C'est une Voix dans le silence que l'âme cherche ; et le Message Soufi nous aide à comprendre ces mystères.

Vient maintenant le travail du mystique. Le mystique ne vous ouvrira pas l'oreille ou ne vous donnera pas quelque chose grâce à quoi vous pourrez voir. La mission du mystique est de vous donner un travail à faire par vous-mêmes. Il y a deux espèces de personnes qui peuvent apporter une aide ; la première de ces personnes peut vous donner la connaissance dont vous avez besoin, la seconde peut aussi vous donner la connaissance, mais elle peut vous expliquer la méthode par laquelle vous pourrez l'acquérir. Le travail du Soufi est principalement du second type. Sans doute, la première méthode de développement est-elle possible dans le cas où un élève est réceptif et tout-à-fait prêt à recevoir quelque exposition de la vérité. Mais peut-être l'autre méthode est-elle meilleure car elle vous dit la manière d'acquérir la richesse spirituelle dont vous avez besoin, et comment amener votre être entier, mental, corps et l'être le plus intérieur, dans l'état de silence qui vous prépare à entendre la parole que votre âme a toujours ardemment désirée et attendue. Il ne peut pas y avoir plus grande richesse ni plus grand bonheur que celui-là.

C'est pourquoi en Orient l'aide d'un gourou ou d'un murshid est tenue en haute estime et l'élève pense qu'il n'y a rien qu'il puisse donner ou faire dans l'ordre du service pour rendre ce qu'il doit à son maître. S'il pouvait donner tout ce qu'il a et même sa vie, le vrai mourîd sent qu'il ne pourra jamais rendre au murshid ce qu'il a reçu, parce qu'il n'y a rien de plus précieux que ce qu'il nous donne. Pourtant, cela est étrange à dire, c'est notre propre richesse de connaissance spirituelle qu'il nous donne ; elle n'est pas à lui, mais à nous, bien que nous ne sachions pas qu'une telle sagesse spirituelle est notre héritage et notre possession la plus intime. Le travail du murshid est de nous révéler ce mystère et de l'amener à notre réalisation consciente.

Le Vedanta dit qu'il y a six étapes qui préparent quelqu'un à atteindre cet état idéal de vrai silence. D'abord il y a le contrôle du corps et ensuite le contrôle du mental. En dépit des opinions contraires, ce n'est pas aisé pour quelqu'un d'atteindre un réel contrôle du corps et encore moins du mental. Le contrôle du corps signifie que chaque muscle et chaque nerf est sous notre direction et contrôle conscients, de sorte que l'énergie qui court dans tout le corps et dans chaque atome soit conservée. Ce n'est pas facile à atteindre. Et quant au contrôle du mental, sa distraction constante par des pensées, des idées, des souvenirs, des espoirs, des peurs, des craintes anticipées, dont la plupart viennent sans qu'on les invite, montre combien il est difficile d'arriver au contrôle du mental.

Puis il y a la troisième étape, appelée shradha, ce qui veut dire foi, qui est par elle-même une sorte de contrôle sur les sentiments. Quand quelqu'un manque de cet aspect de la foi, c'est parce qu'il n'a pas encore un contrôle sur ses sentiments suffisant pour maintenir sa foi en présence de conditions contraires qui pourraient engendrer des peurs. Cela ne signifie pas la foi dans la religion, mais la foi comme qualité humaine, qui a été nettement développée et consciemment atteinte. Il y a deux classes d'individus : l'une qui vous donnera sa fortune pour la garder en sécurité, qui a la foi et qui sent que son bien est en sûreté dans vos mains, et qui est ainsi en paix. L'autre genre d'individu peut vous donner son trésor à garder, mais ensuite ils ne vous fait pas entièrement confiance. De sorte qu'il se sent honteux et embarrassé et ne peut pas vous regarder droit dans les yeux, car il est plein de doute. Il ne peut s'empêcher de changer de sentiments, parce que cela est dû au manque de contrôle qui devient manque de foi. Là où il y a confiance, (encore appelée foi), cela vous donne la force, et une force puissante, qui vous donne aussi la paix.

Je me souviens des paroles de bénédiction que mon murshid me donnait, et aujourd'hui je me rends de plus en plus compte de leur valeur. A l'époque j'aurais pensé que j'aurais pu désirer un autre souhait, mais le murshid disait simplement : "Que ta foi soit fortifiée". Notre progrès et notre succès dans la vie, le soulagement des difficultés et des luttes, dépendent tous de notre foi. Le Christ, du commencement à la fin de sa mission, enseigna ce principe encore et toujours : "Ayez foi et confiez-vous à Dieu".

La quatrième étape est l'attendrissement de ce que nous pouvons appeler le cœur, qui dans les conditions normales de la vie a une tendance à durcir et à geler. Dans ce chemin de quête du vrai silence, il est nécessaire de garder le cœur dans une condition liquide, au lieu de lui permettre de tourner en glace ; car s'il est gelé il change tout notre être et toute notre activité en froideur. Le malheur qui est causé dans le monde provient surtout de cette froideur du cœur qui doit être évitée par le Soufi.

La cinquième étape est l'observation pénétrante de toutes choses. Quand quelqu'un regarde la surface des choses, il en connaît seulement l'extérieur, de sorte qu'il se trompe facilement. Si une personne lui parle en le flattant, il en est impressionné et peut en être ravi, mais si la personne lui parle durement, il se sent blessé et insulté sans considérer les mérites du cas. Il prend toute chose selon l'aspect superficiel et ainsi commet des méprises et prend des amis pour des ennemis et vice-versa. De sorte qu'il se trompe lui-même à chaque fois. L'observation pénétrante est très nécessaire pour comprendre clairement les choses et pour voir la vie dans ses profondeurs. Ainsi l'observation implique aussi de voir non seulement le présent mais l'avenir, et d'avoir un point de vue plus large et plus profond qui vient comme résultat d'une observation soigneuse.

La sixième chose nécessaire est la capacité à synthétiser et à unifier. Par exemple, au lieu de vous séparer des autres en pensant au degré de désaccord qui vous sépare d'eux, vous devriez trouver comment et de quelle manière vous pouvez être d'accord. Au lieu de classer les gens comme étant de telle ou telle nationalité, nous ne devrions pas les appeler autrement qu'"êtres humains". Au lieu de penser aux Cieux et à la terre séparément, nous devrions penser à eux comme étant tous deux cette création de Dieu. La synthèse est désirable dans tous ces aspects de la vie, car séparer tend à diviser chaque atome à l'intérieur de vous-mêmes et toute chose autour de vous, de telle sorte que vous ne serez jamais satisfaits et ne trouverez pas la paix.

Quand ces six qualités sont développées et pleinement atteintes, l'on parvient à ce septième degré, qui consiste à plonger profondément et à pénétrer dans les profondeurs de la vie et de votre propre cœur. Là gît le tabernacle du silence intérieur, et la bénédiction spirituelle de la Voix de Dieu peut alors se réaliser.

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