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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


La Signification de la vie
L'Alchimie du Bonheur
Chapitre 23
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Après une grande recherche dans les profondeurs de la vie, l'on constate que la seule quête de toutes les âmes est la connaissance de la signification de la vie. Le scientifique la poursuit au cours de sa recherche dans le domaine de la science et l'artiste la trouve dans son art. En tous leurs intérêts divers et à quoi que s'adonnent les gens, l'unique mobile qui les fait mouvoir est de trouver la signification la vie. Cela indique que c'est la nature de l'âme, que l'âme est venue ici pour ce but, pour qu'elle puisse réaliser, pour qu'elle puisse comprendre la signification de la vie. Par conséquent que ce soit d'une façon  matérielle ou d'une façon spirituelle, chaque âme à sa manière s'efforce de chercher ce à quoi elle aspire sans cesse.

 

L'on peut même voir cela dans la vie d'un petit enfant. Le désir qu'a un petit enfant de regarder un objet, de le mettre en pièces et de voir ce qui est à l'intérieur montre que c'est le désir de l'âme de regarder à l'intérieur de la vie, de comprendre la vie. Il est certain que l'effet et l'influence de la vie sur la terre est enivrant, et que par cette ivresse l'homme s'absorbe tellement en lui-même et dans son propre intérêt, que pour ainsi dire, il perd son chemin, le chemin qui est inné en l'homme. On ne trouve pas seulement ce désir dans l'homme, mais même dans la création inférieure l'on constate la même attitude. Chez les animaux, les oiseaux, le désir le plus profond n'est pas de chercher leur nourriture ou de chercher un nid confortable; le désir le plus profond est de comprendre la nature de la vie - qui ensuite s'épanouit dans l'homme. Dans la vie d'un enfant qui pose sans cesse des questions à ses parents: "Qu'est-ce que ça veut dire? Quel sens a cela?", l'on voit le désir continuel de connaître la signification de la vie, un désir qui continue tout le temps de la vie.

 

Qu'est-ce que cela nous apprend? Cela nous apprend que, la source et le but de l'univers étant un et le même, le Créateur a tout créé afin de connaître Sa propre création. Comment est-ce que le Créateur voit et comprend Sa création? Non seulement dans son aspect le plus élevé et le plus profond, mais aussi à travers chaque chose et chaque être. Il ne cesse de connaître et de comprendre Sa création. Par exemple, si quelqu'un me demandait: "Qu'est-ce que l'art? N'est-il pas fait par l'homme?", je répondrais: "Oui, mais fait aussi par Dieu, à travers l'homme". Et s'il en est ainsi, alors que fait ce mécanisme entier de l'univers? Il fonctionne. Il fonctionne pour quel but? Il fonctionne pour être compris.

 

Quel est ce mécanisme du monde? Est-il vivant ou est-il mort? Tout ce que nous appelons vivant est vivant, et tout ce que nous appelons mort est vivant aussi. C'est pour notre convenance que nous disons "chose" et "être". En réalité ce ne sont pas des choses, ce sont toutes de êtres. Il y a seulement un éveil graduel de l'aspect-témoin à l'aspect qui reconnaît. Et aucune science, aussi matérielle qu'elle soit, ne niera la vérité de cela, car on peut prendre conscience de cette vérité à partir de toutes choses, de la religion, de la philosophie, de la science, de l'industrie, de toutes choses. La seule différence est que l'un prend une voie plus courte et l'autre une voie plus longue; l'un va deci-delà et l'autre prend une voie directe. Il n'y a aucune différence dans la destination, la différence est dans le chemin; à savoir si l'on va à pied ou en voiture, si l'on est éveillé, ou si l'on dort et est emmené de façon aveugle à la destination, ne sachant rien des beautés de la route.

 

Si l'on peut diviser la destinée en deux parties, c'est de cette manière: une partie est le mécanisme qui travaille à faire la destinée et l'autre partie est l'âme qui connaît. Le mécanisme est l'engin et l'âme au-dedans est l'ingénieur placé là pour faire marcher ce mécanisme et pour produire à partir de lui ce qu'il a à produire.

 

Il y a bien des méthodes, ils y a bien des systèmes, il y a bien des voies que l'homme adopte pour connaître et pour comprendre, et le mental est le véhicule, l'outil grâce auquel, le prenant comme moyen, l'âme fait l'expérience de la vie dans l'accomplissement de ce but. En Sanscrit on appelle le mental manas d'où dérive le mot anglais man. Cela signifie que l'homme est son mental, non pas son corps. Comme l'âme possède le mental en tant qu'outil, c'est selon le bon état de cet outil qu'elle fait l'expérience de la vie et qu'elle la connaît. C'est la condition du mental qui permet à l'âme de voir la vie plus ou moins clairement. Le mental est comparable à l'eau. Quand l'eau est trouble on ne peut voir aucune réflexion; quand l'eau est claire alors elle montre une réflexion.

 

Mais comme il est dit dans l'Évangile: "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur", l'homme dans sa poursuite de gains matériels qu'il estime énormément, s'est absorbée dans la vie matérielle et a perdu le bénéfice de la vie. En ces temps-ci où l'on explique la civilisation comme étant le progrès commercial et industriel - quand on appelle cela civilisation - alors cela devient l'idéal de chaque être, et il devient difficile de conserver cette tranquillité nécessaire pour  accomplir le but en vue duquel l'âme est née. Veux-je dire par là que le développement industriel et commercial n'est pas nécessaire pour la vie de l'homme? Pas du tout, tant qu'il ne détruit pas le but de la vie, tant qu'il ne barre pas le chemin du but pour lequel l'homme est né. Autrement, en dépit de tous se progrès, il aura gâché sa vie, il n'aura pas atteint le but pour lequel il est né.

 

Il y a des superstitions en Oient et aussi en Occident selon lesquelles des animaux comme les chevaux, les chiens et les chats et les oiseaux avertissent de la maladie ou de la mort d'une personne, et il se peut que beaucoup aient constaté qu'il y a quelque vérité dans ce superstitions. Si l'on cherchait ce qu'il y a de vrai en elles et que l'on demandait pourquoi l'homme ne perçoit et ne comprend pas la vie comme les animaux le font, on répondrait que les animaux vivent d'une vie plus naturelle; ils sont plus près de la nature que l'homme qui est pris par la vie artificielle. Aucune personne réfléchie ne niera qu'il y a tant de choses que l'on fait, dit et pense qui sont loin de ce qui est vrai, de ce qui est naturel. Plus l'on sera un avec la nature et un avec la vie plus profonde, plus l'on constatera que l'on est dans un état de perpétuelle agitation anti-naturelle - non seulement en agissant mal ou en faisant le mal, mais même en faisant le bien. Si les animaux peuvent savoir, l'homme est encore plus capable de savoir, et c'est cette connaissance seule qui est la satisfaction de sa vie, non pas toutes les choses extérieures. Comme il est dit dans la Bible: "L'esprit vivifie, la chair ne profite en rien".

 

"Un homme possédant toute sa fortune"... qu'est-ce que sa fortune? C'est la connaissance qu'il en a. Si elle est seulement à la banque et qu'il n'en sache rien, il ne possèdera pas sa fortune, ce sera la propriété de la banque. Toutes les bonnes et belles choses, les valeurs et les titres, la situation et les possession, où sont-elles? Au-dehors? Non, au-dehors il y a seulement ce que recouvre cette connaissance que l'on a au-dedans, et par conséquent la possession réelle n'est pas au-dehors mais au-dedans. Par conséquent c'est le moi intérieur, c'est le coeur qui doit être développé. C'est le coeur qui doit être dans son rythme naturel et accordé à sa bonne hauteur. Quand il est accordé à son rythme et à son ton naturel alors il peut accomplir le but pour lequel il a été fait.

 

 

Il y a cinq manières différentes pour percevoir la connaissance de la vie. Une manière qui est connue de beaucoup d'entre nous - de la femme davantage peut-être que de l'homme - est l'impression. Souvent, une personne vient chez vous, ou nous rencontrons quelqu'un et avant de lui avoir parlé vous recevez une sorte d'impression, plaisante ou déplaisante, une certaine connaissance de l'être de cette personne. Quelquefois, à la vue d'une personne, nous dirions presque "allez-vous en", et parfois au premier regard nous nous sentons attirés vers quelqu'un sans en savoir la raison. Le mental ne sait pas, mais l'âme le sait. Ce n'est pas seulement que nous recevons l'impression d'une personne que nous rencontrons, mais si nous sommes encore plus sensibles nous pouvons aussi recevoir une impression d'une lettre qui nous vient d'un étranger. Beaucoup prétendent qu'ils peuvent dire le caractère d'après la physiognomie ou la phrénologie, mais s'ils n'ont pas le sens de l'impression dans leur coeur, même s'ils lisaient un millier de livres de physiognomie ou de phrénologie leur coeur n'en recevraient aucune impression. Qu'est-ce que cela montre? Cela montre que la vraie connaissance, du commencement à la fin, n'appartient pas au domaine matériel.

 

Et puis il y a une autre manière, la manière intuitive, grâce à laquelle on sait avant de faire quelque chose si ce sera un succès ou un échec. L'on trouvera souvent - ce n'est pas rare - qu'il y a bien des gens intuitifs qui avant de faire quoi que ce soit, avant d'entreprendre quoi que ce soit, savent quel en sera le résultat.

 

Il y a ensuite une troisième manière qui est celle du rêve ou de la vision. Quelques-uns diront qu'un rêve a une signification et beaucoup prétendront qu'il n'y a aucun sens dans un rêve. Mais en fait il n'y a rien en ce monde qui n'ait aucun sens; il n'y a aucune situation, aucune action, aucune parole qui n'ait pas son sens. Dans tout ce qu'on fait avec intention aussi bien que dans tout ce qui est accompli sans intention, il y a un sens à l'arrière-plan, si seulement l'on est capable de le comprendre. Il y a une raison pour laquelle il est possible de voir plus clairement dans le songe que dans l'état de veille: quand on rêve, le mental est naturellement concentré et quand on est éveillé tout ce que l'on perçoit par les sens attire l'attention à chaque instant.

 

L'on constatera certainement que l'impression, l'intuition ou un rêve véritable ne se manifestent pas à chaque être, et se manifestent à l'un plus qu'à un autre. On constate aussi que ce n'est pas tout le monde qui vit toujours dans le rythme et le ton qui conviennent pour recevoir les impressions et les intuitions. A des périodes différentes l'impression de l'homme change et cela montre que c'est selon son évolution qu'il peut avoir l'expérience de la connaissance de la vie. Plus il est spirituellement évolué, plus il reçoit naturellement du dedans la connaissance de la vie.

 

La quatrième forme sous laquelle l'on perçoit la connaissance de la vie est ce qu'on appelle l'inspiration. Elle pourra venir à un artiste, elle pourra venir à un musicien, elle pourra venir à un poète. Au moment où elle viendra il sera capable d'écrire ou de composer ou de faire une oeuvre qui ensuite le surprendra: est-ce qu'il l'aura faite lui-même, ou bien quelqu'un d'autre l'aura-t-il faite? Si ce n'était pas pour l'inspiration, le même poète aurait pu s'efforcer pendant six mois sans pouvoir écrire ce vers qu'il a écrit en trois minutes. Comment peut-on l'expliquer? Est-ce le développement mental de l'homme qui fait qu'il reçoit l'inspiration? Non, c'est la qualité réceptive du mental, c'est la pureté du mental, c'est l'absorption dans son art, la direction à laquelle il a voué sa vie. Les grande âmes dont les oeuvres inspirées sont devenues immortelles, d'où les ont-ils tirées? Ils les ont tirées de l'inspiration. Et comment ont-ils reçu l'inspiration? En s'oubliant eux-mêmes, en étant absorbés par l'objet de leur amour. C'est la signification du sacrifice; sacrifier à la beauté de l'idéal. On tient l'idéal devant soi - telle est la manière de recevoir l'inspiration.

 

Et puis, un pas plus loin, vient la réalisation que l'on peut appeler révélation. Quand l'âme est accordée à ce stade, alors les oreilles du coeur sont ouvertes, les yeux du coeur sont ouverts pour voir et pour entendre la parole qui vient de tous côtés. En fait chaque atome de ce monde - qu'il soit de la terre ou du ciel - parle et parle à haute voix. Ce sont les oreilles sourdes du coeur et les yeux clos de l'âme qui empêchent l'homme de ne pas le voir ni l'entendre. Il y a les vers d'un poète Hindoustani qui disent:

O mon être, ce n'est pas la faute du Bien-Aimé divin
si tu ne Le vois ni ne L'entends
Il est sans cesse devant toi
et sans cesse Il te parle.
Si tu ne Le vois ni ne L'entends
c'est ta propre faute.

 

C'est pour ce but que chaque âme a été créée, et c'est dans cet accomplissement que l'âme remplit l'objectif de Dieu. Quand cette étincelle que possède tout coeur, cette étincelle que l'on peut appeler l'étincelle divine dans l'homme est ranimée par le souffle et que la flamme s'élève, la vie entière s'illumine et l'homme entend et voit et connaît et comprend. Dans les vers d'un Soufi il est écrit que chaque feuille de l'arbre devient une page du Livre Sacré quand le coeur est ouvert pour la lire et quand l'âme a ouvert les yeux.

 

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