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Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Communiquer avec la vie
L'Alchimie du Bonheur
Chapitre 20
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


Texte original en anglais

Au point de vue du mystique, la vie dans tous ses aspects est communicative à condition de connaître le secret de communiquer avec elle. Aussi longtemps que l'on ignore ce secret l'on est sourd malgré ses oreilles et aveugle malgré ses yeux. Il y a des histoires de saints et de sages qui parlaient avec des arbres et des plantes, des rochers et des montagnes et avec les mers. Les gens les prennent pour des légendes, mais elles sont aussi vraies que n'importe quoi dans ce monde de variété. Cela est non seulement vrai du passé, mais cela peut toujours être, c'est toujours possible, si l'on sait communiquer avec la vie.

Dans la création inférieure nous reconnaissons une faculté que nous appelons instinct : la tendance qui fait voler l'oiseau et nager le poisson sans qu'ils l'aient appris. Cet instinct apparaît sous forme d'intuition parmi la création inférieure. Plusieurs scientifiques aujourd'hui disent que les animaux n'ont pas de mental mais en réalité toutes les créatures ont un mental, même les arbres et les plantes. Ceux qui vivent près de la nature, ceux qui travaillent dans l'agriculture, ceux qui vivent dans la solitude parmi les animaux, connaissent le fait que les animaux donnent souvent un avertissement de la maladie, de la mort, d'une tempête ou d'une inondation. Ils ont de l'intuition. Le mécanisme du corps et du mental de l'homme est encore plus fin et l'homme est capable d'une intuition plus grande ; pourtant il semble que, avant que l'homme ne sache, les animaux perçoivent. Ceci parce que l'homme est tellement absorbé dans sa vie extérieure, dans son objectif, qu'il est très difficile pour lui de croire en l'intuition, et c'est pourquoi sa faculté intuitive s'émousse et qu'il se montre moins intuitif que la création inférieure.

Ceux qui vivent près de la nature dans la solitude, les paysans qui vivent la vie de la campagne, ont davantage d'intuition que les intellectuels qui vivent aujourd'hui au milieu du monde. Cela montre que la vie que nous avons actuellement dans les grandes villes est peu naturelle, étant vécue dans une atmosphère artificielle, mangeant une nourriture artificielle, adoptant des modes de vie artificiels. Ainsi l'on perd cette qualité céleste, l'héritage divin de l'homme que montrent les qualités intuitives. Les personnes fines et sensibles semblent posséder davantage d'intuition que les personnes grossières, la femme semble avoir une plus grande intuition que l'homme. C'est parce que la femme est par nature réceptive. C'est la réceptivité de sa nature qui a rend plus intuitive. Parfois l'homme raisonne et discute, et la femme dit : « Oui, mais je le sens, je sens que cela doit être ainsi », et son sentiment se trouve être juste. Elle ne peut pas en donner la raison, elle dit seulement : « Je le sens ».

En toute personne, la faculté de percevoir des impressions existe plus ou moins, et c'est le premier pas vers l'intuition. Plus la personne est fine, plus grande est sa perception. Mais chacun, à certains moments, ressent sous forme d'impression les conditions existant en un endroit, le caractère des gens qu'il rencontre, leurs tendances, leurs motivations, leur désir, leur degré d'évolution. Si nous lui demandons : « Pourquoi pensez-vous cela de telle personne ? », il ne pourra pas toujours en donner l'explication. Il pourra quelquefois dire : « C'est à cause de ses traits », ou « A cause de son atmosphère », ou : « D'après ce qu'il a dit ». Mais en réalité c'est un sentiment qui est au-delà de la description. Un être fin, sensitif, intelligent, reçoit toujours une impression quand il voit quelqu'un.

Le stade suivant est l'intuition. Par l'intuition l'on reçoit l'avertissement d'un danger qui se prépare, la promesse d'un succès, l'avertissement d'un échec. Si un changement quelconque doit se produire dans la vie, on le perçoit. Mais bien souvent, en n'ayant pas confiance en soi, l'on perd cette faculté intuitive. L'on craint que son intuition soit fausse et de cette façon l'on perd la confiance en soi. Si l'on pense : « Peut-être que mon intuition n'est pas juste et en la suivant j'échouerai », l'on prend un autre chemin, le chemin du raisonnement, de la logique. Mais l'intuition s'émoussera naturellement après quelque temps. Si l'on n'utilise pas cette faculté, elle disparaît, et quelqu'un qui est capable de percevoir par intuition perd alors cette faculté.

Une autre chose remarquable concernant l'intuition est que l'on en est béni selon sa propre sincérité. Si quelqu'un est sérieux, sincère, doué de sympathie, bon, il sera béni du don d'intuition ; mais si ces qualités manquent, l'intuition manquera aussi. Ceux qui manquent d'intuition ont aussi des difficultés à atteindre l'idéal spirituel, parce que la croyance spirituelle ne vient pas de l'expérience extérieure, de la raison ni de la logique, c'est une croyance qui s'élève du dedans sous forme d'intuition. Et si la faculté intuitive n'est pas développée, la croyance d'une telle personne manquera de force. D'abord quelqu'un qui manque d'intuition manque aussi de faculté de croire ; et s'il a une croyance, cette croyance ne sera pas assez forte, car elle ne sera pas bâtie sur une fondation saine.

Le pas suivant sur le chemin de l'intuition est l'inspiration. Les poètes, les musiciens, les penseurs, les philosophes, peuvent user de cette faculté. Les autres la possèdent mais ne savent pas comment en faire usage. Ce qu'on ne pourrait pas créer en dix ans dans l'art, la poésie, ou la musique, on peut le créer en quelques moments grâce à l'inspiration. C'est un courant naturel ; l'on n'a pas de difficulté pour l'exprimer. L'inspiration arrive déjà toute arrangée et il y a très peu à faire pour le cerveau et pour le mental. Par ailleurs, tout ce qui vient par inspiration est vivant et très beau, très harmonieux comparé à l'art et à la poésie qui viennent du cerveau. La musique du passé, celle des œuvres de Wagner ou de Beethoven, est toujours vivante. Et peu importe le nombre de fois où vous l'entendrez, vous en aurez toujours soif. La musique moderne ne possède pas cette attraction.

Il en est de même de l'art pictural ancien. Il y a quelque chose de vivant dans cet art, et aujourd'hui, malgré tout le progrès fait dans l'art, ce quelque chose de vivant est absent. Et il en est de même de la poésie. En Perse il y eut de grands poètes comme Hafiz, Roumi et Sa'di, dont on étudie encore les œuvres aujourd'hui, qui sont hautement estimées par des millions de gens en Orient ; ils considèrent que sans leurs œuvres il n'y aurait pas de culture humaine. Leurs œuvres ont été la fondation de la culture humaine en Orient ; bien des poètes ensuite ont essayé d'écrire des œuvres comme celles de Roumi ou de Hafiz, mais ils n'y sont pas encore arrivés après bien des siècles ; il semble que l'inspiration en soit perdue. L'inspiration, chaque fois qu'elle vient, est vivante et donneuse de vie ; et elle durera toujours et l'on n'en sera jamais fatigué.

Quelle est la théorie de l'inspiration ? Où peut-on la trouver ? D'où vient-elle ?

Il y a une Maison du Trésor où toute connaissance rassemblée, expérimentée, apprise et découverte par les êtres humains est emmagasinée. Et ce Trésor est le Mental Divin, un mental auquel tous les mentals sont reliés. Il n'y a aucune expérience par laquelle nous passons qui ne reste pas ou ne soit pas enregistrée dans ce Trésor. Chaque bonne ou mauvaise expérience que nous avons, chaque chose nouvelle que nous apprenons, chaque découverte que nous faisons, est emmagasinée dans cette Maison du Trésor. Mais l'on pourrait demander : « Où peut-on trouver cela ? Si nous avons un vaste magasin, de peut-être des centaines ou des milliers d'objets, il sera difficile d'y trouver quoi que ce soit en un moment ». Le pouvoir du mental cependant, le pouvoir de la volonté, est tel que si l'on a la volonté suffisante, l'on pourra trouver n'importe quoi que l'on voudra trouver. Il y a l'histoire de quelqu'un de forte volonté qui voulait trouver un certain meuble. Dans la première rue où il passa après avoir quitté son domicile, il vit ce meuble exposé à une devanture. En d'autres termes il y fut guidé. Ce que vous voulez réellement est attiré par vous, et vous êtres attiré vers ce que dont vous avez besoin. C'est la même chose en ce qui concerne le poète, le musicien, le penseur quand il éprouve un intérêt profond dans ce qu'il fait ; il a alors seulement à désirer, et par l'action automatique du désir son désir devient une lumière. Cette lumière se projette sur le divin Trésor, et se projette sur l'objet qu'il veut trouver. Tel est le phénomène de la volonté et de l'inspiration, qu'aussitôt qu'un être inspiré est ému par la beauté et l'harmonie de la vie et désire exprimer son âme, la lumière de son âme brille sur cet objet particulier ou sur cette connaissance particulière. Cela vient instantanément à son mental, s'exprimant à travers son mental. Tout ce qui est ainsi amené de l'intérieur est parfait, harmonieux, beau, et possède un effet merveilleux.

Dans les anciens temps, le Shah de Perse exprima le désir d'avoir l'histoire écrite du passé de la Perse. Mais on lui dit que les archives étaient perdues et qu'il serait très difficile de retrouver les récits des rois qui vivaient auparavant. Cependant il y eut un poète, Firdûsî, qui déclara qu'il écrirait l'histoire de la Perse. C'était un homme d'inspiration. Les gens furent stupéfaits ; ils demandèrent : « Comment s'y prendra-t-il ? » Mais Firdûsî envoya son âme, pour ainsi dire, dans le passé et son âme devint un réceptacle de la connaissance du passé qu'il exprima sous forme de poésie. On appelle ce livre le Shâh-Nâme de la Perse.

Beaucoup de gens pensent que la science est basée sur la connaissance des faits prouvée par la raison et la logique, et très peu savent qu'elle commence par l'intuition. Toutes les découvertes scientifiques sortent de l'intuition ; ensuite la raison trouve leur place et la logique y aide. Elles sont analysées et ainsi rendues intelligibles aux autres, mais au commencement elles viennent tout de même de l'intuition. Si les grands inventeurs de l'Amérique, tels Edison et les autres avaient seulement été de grands mécaniciens, cela n'aurait pas été suffisant ; à l'arrière-plan il y avait l'intuition.

Aujourd'hui il y a une tendance à ne pas admettre cet aspect de la vie. Les gens croient que cela n'est pas assez solide de se reposer sur l'intuition ou l'inspiration. Un jour à Paris j'ai été surpris d'entendre un grand écrivain déclarer : « L'inspiration existe-t-elle ? ». Je pensai : « Voilà un écrivain qui a acquis une grande réputation, et pourtant il ne sait pas qu'il existe quelque chose comme l'inspiration ». Par un effort matériel continu, et en ignorant sans cesse l'Esprit divin, les gens sont devenus si matériels qu'ils ne savent pas qu'il existe une chose comme l'inspiration. Cet homme devint fameux sans croire à l'inspiration, et c'était tout ce qu'il désirait. Quand j'ai commencé à en savoir davantage sur les œuvres de cet homme, j'ai constaté que celles-ci n'étaient rien que superficielles. Il n'y avait en elles ni profondeur ni élévation ; une vision très étroite. Et c'est tout ce qui importe en ce jour.

Quand on va voir des pièces de théâtre modernes il en est de même. A peine y a-t-il une pièce de quelque profondeur. Et si vous demandez pourquoi il en est ainsi, on répondra que c'est pour plaire à l'homme de la rue. Un jour le reporter d'un journal, avec lequel je parlais philosophie, me dit : « Comme c'est intéressant! Mais, dites-moi, comment vais-je le présenter à l'homme de la rue ? Ainsi l'éducation générale consiste à garder tout homme au niveau de l'homme de la rue. Dans les magazines de théâtre tout est à un niveau très borné, cela ne touche pas la profondeur. Alors où est l'espoir de progrès si l'inspiration est ignorée et l'intuition émoussée ? Aujourd'hui l'orientation d'esprit en est à se tourner vers les faits vides de vérité.

L'étape qui suit l'inspiration est ce qu'on appelle vision. L'on n'a pas besoin de voir une vision en rêve ; on peut voir une vision à l'état de veille. Il n'y a pas à s'en effrayer. C'est seulement une question de clarté de vue intérieure. La connaissance vient en un éclair et le problème est résolu ; un problème philosophique ou une certaine loi cachée de la nature devient manifeste sous une forme très claire. Ou bien l'on a connaissance d'une chose ou d'un être à une distance inimaginable. Les gens se sont très souvent mépris sur le sens de la vision et ont prétendu être visionnaires. Mais en réalité le développement de la vue intérieure est un grand progrès de l'âme.

Quand on va encore plus loin dans le chemin de l'intuition, l'on arrive à ce que nous appelons révélation, ce qui signifie que chaque chose et chaque être vous révèle son secret. Un être arrivé à ce point constate que chaque feuille est une langue qui raconte sa légende. Il constate que chaque âme est un livre ouvert qui fait lire sa propre histoire. Il constate que chaque situation de la vie montre son envers devant lui dès qu'il la regarde. Il sent qu'il est chez lui sur la terre et au ciel, que l'ici-bas et l'au-delà deviennent clairs pour son âme. Comme l'a dit Sa'di, le grand poète Persan : « Dès que quelqu'un commence à lire, chaque feuille d'un arbre devient une page du Livre Sacré ».

Comment arrive-t-il que l'on éprouve ou perçoive l'intuition, l'inspiration et que l'on voie des visions et que l'on atteigne à des révélations ? Il y a une histoire selon laquelle les Apôtres connurent instantanément beaucoup de langues. Cela ne veut pas dire qu'ils surent le français, l'anglais, l'allemand et l'espagnol. Cela veut dire qu'ils connurent le langage de chaque âme, que chaque âme commença à leur parler, qu'ils commencèrent à communiquer avec chaque personne. Le sens de la révélation est la compréhension du langage de l'âme. Chaque âme parle sans cesse si on peut l'entendre. Ce n'est pas seulement grâce au bruit du monde ou à la voix de l'homme que l'on entend, mais même les arbres silencieux et les montagnes immobiles nous parlent quand nous sommes capables de les entendre. C'est un langage de vibration, un langage imperceptible et pourtant un mental affiné peut le saisir. La seule explication qu'on puisse en donner est que c'est une musique. Pour un musicien la musique est un langage, elle lui raconte quelque chose. La note élevée et la note basse, le bémol ou le dièse sont tous expressifs et lui parlent ; ils ont tous une signification. Quelqu'un qui n'étudie pas la musique ne connaît pas ce langage. Il jouira de la musique mais n'en connaîtra pas la langue.

Et puis il y a le langage de la vie, parce que la vie est aussi musique. Chaque personne est une note dans cette musique et cela fait la symphonie de la vie. Une personne est dans le ton et une autre personne n'est pas dans le ton ; une âme joue la note juste, une autre une fausse note. De cette façon toute personne ou bien fait ou bien gâche la musique. La révélation vient de la compréhension de cette musique. Vous ne pouvez pas l'apprendre ; vous ne pouvez pas l'enseigner, mais vous pouvez accorder votre cœur à ce diapason qui lui permet de commencer à vivre la musique de la vie et à en jouir.

De cette manière est perçue la révélation, lorsque le cœur s'éveille, devient vivant de telle façon qu'il perçoit les vibrations venant de chaque âme, de chaque condition qui transmet une certaine signification.

Les grands prophètes et maîtres qui ont donné la religion à l'humanité, qui ont inspiré à l'humanité un idéal plus élevé, qui ont guidé l'humanité vers la réalisation spirituelle, étaient des âmes de révélation. Et ce qu'ils ont donné au monde fut leur interprétation de la révélation qu'ils avaient atteinte. Cependant, aussitôt qu'un compositeur écrit sa musique sur du papier, une grande partie en est perdue. Et lorsque le prophète donne ses enseignements sous forme de paroles, beaucoup en est aussi perdu.
Il y en a qui disent : « C'est une chose sacrée, c'est ma croyance », et ils s'en tiennent à ces paroles. Mais il y en a d'autres qui veulent en connaître l'esprit. Les paroles qui sont venues sont seulement des interprétations des révélations qu'eurent les prophètes.

Si tous les gens du monde connaissaient l'esprit, alors il n'y aurait pas tant de religions et tant de croyances différentes. Ils seraient tous d'accord sur cette vérité unique. S'il y a tant de croyances, tant de religions différentes, c'est parce qu'ils ne comprennent pas la religion. Si on la comprenait il y aurait seulement une religion, interprétée différemment par les différents maîtres de l'humanité. Et leur révélation vient de la musique de la vie interprétée par la langue humaine.

 

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