Un mémorial est un objet destiné à rappeler aux humains une personnalité remarquable et à faire durer sa mémoire dans la pensée collective. Cet objet peut être une architecture ou un livre, il peut être fait de pierre ou d’écrits. Le Mémorial de Murshida Sharifa Goodenough, élève du grand maître Soufi Hazrat Inayat Khan ,est fait d’écrits ; et ces écrits, ces souvenirs, ces appréciations et ces jugements proviennent de gens ayant connu la personnalité spirituelle remarquable qu’elle fut.

Le présent Mémorial n’est donc pas une biographie, c’est-à-dire l’ouvrage d’un auteur sur un individu racontant toute sa vie. Bien que certains éléments biographiques y trouvent place, on y trouvera surtout un témoignage collectif, destiné à faire revivre un être dont le souvenir est passé par une longue ‘traversée du désert’, et qui doit maintenant être rendu à la lumière du jour.

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Nous vivons aujourd’hui dans un monde où l’esprit rationaliste et la science objective ont permis les extraordinaires conquêtes technologiques et les transformations de notre milieu de vie que chacun connaît.

Ce faisant, notre civilisation et notre culture ont fini par oublier un tout autre aspect de la réalité, inaccessible à nos sciences habituelles et seulement perceptible et explorable par l’esprit. Il s’en suit que bien des gens sont privés d’une vie plus complète, capable de combler ce que ni la science, ni la culture, ni une religion qui peut les avoir déçus, ni la philosophie telle qu’on la conçoit en ce jour ne peuvent apporter. Cette partie de la vie s’appelle l’expérience spirituelle. La spiritualité est en effet expérimentale.

Beaucoup de gens ont donc aujourd’hui le désir plus ou moins conscient d’une vie complétée par une expérience plus haute. Mais s’ils en sont conscients, ils ignorent où la trouver et surtout ils se demandent si une telle expérience est vivable pour eux. Autrement dit leur espoir a besoin d’être conforté par ce qu’on appelle dans l’industrie, ‘un modèle de faisabilité’. Autrement dit encore par la preuve qu’une telle entreprise est possible, à quoi elle ressemble et quel en pourra être l’aboutissement.

Le Mémorial présente aujourd’hui au lecteur un tel modèle : un être qui dès la fin de sa jeunesse se mit à la recherche du divin et, à la fin, l’atteignit. De tels êtres ne doivent pas être oubliés et le temps ne doit pas ternir leur exemple, ni effacer leur trace, car ils sont notre patrimoine spirituel et témoignent de la prégnance du divin en nous. Ils montrent que Dieu n’est ni une invention théologique, ni une sorte de personnage infiniment lointain, perdu, immuable, séparé de nous par une immensité d’inconnaissance, mais qu’Il vit en nous, même s’Il est endormi au fond de notre moi, comme Booz, selon la légende biblique, au bout de son champ. Ils montrent que sans le savoir, nous sommes tissés dans Sa vie, avant même que nous ne sachions qu’Il est tissé dans la nôtre. C’est cela que Sharifa Lucy Goodenough vient nous prouver par sa vie, et qu’une telle découverte, qu’une telle expérience est possible dans notre vie de tous les jours, dans la vie qu’il nous est donné de vivre. Dès son existence sur la terre, elle montra la voie et le but aux âmes en recherche de lumière qui lui étaient proches, grâce à son enseignement, à sa sagesse, mais surtout à son rayonnement.

Et puis, Murshida Sharifa Goodenough a aussi de grands titres à la reconnaissance de la postérité des élèves de son Maître, Pir-o-Murshid Inayat Khan, car elle contribua puissamment par son travail à préserver et à répandre son Message, le Message soufi de la liberté spirituelle.

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Qui sont les auteurs de ce Mémorial ?

D’abord deux personnes parmi toutes celles qui ont rencontré ou approché Murshida Goodenough, deux personnes qui demeurent seules aujourd’hui pour parler de cette remarquable disciple du grand Sage Soufi Pir-o-Murshid Inayat Khan. Deux personnes qui ont eu le double privilège de venir en contact avec elle et de vivre dans la familiarité de femmes et d’hommes qui l’ont suivie de longues années, qui l’ont bien connue, et qui ont conservé d’elle un souvenir plein de gratitude, de lumière et d’élévation.

Cependant, comme on l’a évoqué, ces deux personnes n’auraient pas pu écrire ce Mémorial sans les souvenirs et témoignages de diverses personnes qui ont connu ou approché Murshida Goodenough, à commencer par le témoignage le plus significatif, celui de son Maître, Pir-o-Murshid Inayat Khan. A tous ces témoignages, nous ferons les plus larges empreints.

Peut-être que leur diversité même donnera, à première vue, une impression disparate, kaléidoscopique à un récit que le lecteur aurait souhaité plus univoque. Mais qu’il veuille bien considérer, ce lecteur, que les documents objectifs ont une valeur irremplaçable ; et qu’ils sont à prendre comme autant de points de vue qui composent à eux tous une image plus complète, de même que le fait de tourner autour d’un objet permet d’en avoir une vision plus entière.

Cet ensemble de témoignages est d’autant plus nécessaire que des erreurs et des interprétations hasardeuses et défavorables montrant Murshida Sharifa sous un jour inexact sont encore émises et colportées par des personnes d’une génération qui n’a pas pu avoir de contact avec elle ni avec la plupart de ses contemporains.

C’est une raison supplémentaire pour rétablir les faits comme ils se sont produits et les événements comme ils furent.

Murshida Sharifa a laissé un enseignement écrit assez abondant, dont nous reparlerons. Cependant l’enseignement oral ou écrit qu’ont pu laisser les mystiques et les personnalités spirituelles n’est pas tout ce que nous pouvons apprendre d’elles. Leur vie ne doit pas non plus servir uniquement de bel exemple et d’édification pour les âmes éprises d’idéalisme. Mais tâcher de saisir avec respect, je dirai avec une humble empathie, ce que fut, au delà des apparences, un peu de cette ascension, un peu de cette suite d’expériences intérieures qui amena Sharifa Goodenough à ce qu’une conscience humaine peut atteindre de plus haut, est en soi une bien plus vaste élévation et un enseignement autrement plus vivant.

Puissent ces pages inspirer à leur tour ceux qui les liront ; et puissent-elles aussi, ces pages, susciter dans l’imaginaire du lecteur la bienveillante figure de Murshida Sharifa précédant au loin les pèlerins qui s’engageront sur le Sentier.

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« Il y a une seule ligne qui relie l’homme à Dieu ; le pôle limité au pôle illimité »  a dit Hazrat Inayat Khan. Ces paroles du Maître illustrent parfaitement ce que fut le parcours de Sharifa Lucy Goodenough. un parcours à la fois en marge de toutes les personnes qui entouraient Pir-o-Murshid Inayat Khan et pourtant tissé dans ce Mouvement Soufi à la naissance et à l’essor duquel elle prit, dans l’ombre, tant de part Et en même temps nous assisterons à sa propre et difficile ascension de cette montagne au sommet duquel l’âme trouve enfin « le pôle illimité » de l’être.

Cependant, toute l’admiration et la piété que peuvent susciter le souvenir de Murshida Sharifa n’occultent évidemment pas la grandeur et la plus singulière dimension spirituelle de son Maître, Pir-o-Murshid Inayat Khan. Elle-même eut reculé d’horreur à cette idée. En écrivant ce Mémorial notre conviction est au contraire que l’illustration du disciple ne fait qu’augmenter la gloire du maître.

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Un mot sur nos sources. Indépendamment des souvenirs personnels et des réminiscences intimes, nous ferons de multiples emprunts à celles et à ceux que nous avons personnellement connus ou rencontrés, ainsi qu’à d’autres que nous n’avons connus que par personnes interposées, ou grâce à leur écrits, et dont la bonne foi, l’honnêteté et surtout l’indépendance d’esprit ne nous paraissent pas pouvoir être mises en doute. Parmi ces personnes, mention spéciale doit concerner notre regrettée amie, Adriana Feizi van der Scheer, qui fut à la fois une dame de compagnie admirablement dévouée et une amie pour Murshida Sharifa dans les dernières années si difficiles de sa vie.

A toutes et à tous va notre gratitude

Elise SCHAMHART
Michel GUILLAUME