soufi-inayat-khan.org

Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


LA VOIE DE L'INITIATION
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan


 

On peut trouver l'interprétation de l'idée de l'initiation dans le sens du mot lui-même: c'est une initiative. Comme il y a des troupeaux de moutons et des bandes d'oiseaux, ainsi y a-t-il des êtres humains groupés dans telle ou telle direction, entraînés par le pouvoir des autres. Et pourtant si vous demandez à quelqu'un: «Est-ce le cas pour vous?», il répondra: «Non, pas pour moi, mais pour tous les autres». Il est difficile pour tout un chacun de se rendre compte jusqu'à quel point, sans le savoir lui-même, il peut inconsciemment aller avec la foule à droite et à gauche. Et celui-là est un être doué d'initiative qui fait un pas dans une direction différente, parce qu'il est insatisfait d'être tenu et tiré par la foule, c'est-à-dire par ses associés, ses amis, ses relations, par ceux qui l'entourent. Par conséquent, le sens réel de l'initiation pour quelqu'un est de prendre une direction différente, sa direction à lui, au lieu de celle vers laquelle la foule l'attire. Les gens religieux diront qu'il est devenu païen, ses amis diront qu'il est devenu idiot, ses relations qu'il est devenu fou. En réalité, cet individu a eu une initiation.

 

On peut expliquer l'initiation comme possédant trois aspects; le premier est l'initiation naturelle, le second est l'initiation supérieure et le troisième l'initiation la plus élevée.

 

L'initiation naturelle vient à quelqu'un à n'importe quel moment de sa vie. Elle ne vient pas à chacun, mais à quelques-uns. Et pour cette initiation, il n'est pas nécessaire d'aller vers un Maître, elle vient quand il est temps. Cette initiation se présente chez quelqu'un sous la forme du changement soudain de son point de vue sur la vie. Ainsi une personne constate: «Je me suis soudain éveillée dans un monde complètement différent», et pourtant elle est dans le même monde, mais celui-ci est devenu tout à fait différent pour elle. Les choses qui paraissaient importantes deviennent moins importantes, les couleurs pâlissent et le brillant des choses disparaît. Les choses apparaissent avec une valeur différente; leur valeur change dès le moment où le point de vue a changé. La vision entière a changé, comme si l'on voyait à travers un télescope; à travers un télescope, vous voyez la vie de façon complètement différente.

 

Parfois une initiation suit une souffrance, une maladie, une perte ou un grand choc, comme il est dit - et combien cela est vrai! - que c'est d'un cœur brisé que surgit l'âme nouvellement née. C'est pourquoi il n'y a pas de moment précis pour un tel événement. Quelqu'un peut être jeune et avoir cette expérience, ou elle peut venir à n'importe quelle période de la vie. A quelques-uns, elle vient de façon graduelle, mais alors c'est un long processus, c'est une ouverture graduelle du point de vue sur la vie; et pour quelques-uns, quelque chose s'est soudain produit, et non seulement leur vie entière a changé, mais aussi leur point de vue sur la vie. En un clin d'œil tout est changé; à ce moment le monde est devenu différent, tout a une signification différente et tout a pris une valeur différente en un instant. Cela est appelé initiation, et c'est une initiation naturelle. Vous demanderez sans doute comment cela se produit, quel en est le processus métaphysique ou mécanique? Je répondrai que l'âme est recouverte de voiles, l'un recouvrant l'autre, et que la déchirure d'un voile permet à l'âme de s'élever plus haut. Et ayant fait un pas en avant, l'horizon de la vision devient naturellement plus vaste, et l'âme atteint plus loin, et la vie devient plus claire. Une personne peut n'être pas consciente d'un tel changement, elle peut n'y prêter aucune attention, ne rien en savoir, cependant le changement est bien là. Parmi cent personnes, une seule en est réellement consciente.

 

A chaque pas que fait l'âme sur le chemin, elle vient naturellement plus près de Dieu, et venir plus près de Dieu signifie hériter des qualités de Dieu, les attirer. En d'autres termes, l'âme voit davantage, entend davantage, comprend davantage et elle se réjouit davantage car elle vit une vie plus grande, une vie plus élevée.

 

Les grands Maîtres et les Prophètes, qui avaient à donner un message à l'humanité, qui avaient un service à rendre à l'humanité, ont eu de telles intuitions dès leur enfance, comme on le raconte dans un récit symbolique selon lequel le cœur du Prophète fut ouvert et une sorte de substance en fut retirée. Les gens le prennent selon le sens littéral, mais le sens réel en est qu'un voile fut déchiré, fut détruit, et cela permit à l'âme d'aller de l'avant, d'atteindre plus loin sur le chemin. Il peut y avoir beaucoup de telles initiations, il peut y en avoir une ou deux, ou six ou sept, selon l'avancement de la personne.

 

Dans notre existence telle que nous la vivons aujourd'hui, beaucoup de difficultés attendent quelqu'un dont le point de vue a subitement changé, parce que le monde vit aujourd'hui à un certain diapason et ne peut tolérer la personne dont le diapason est au-dessous ou au-dessus du diapason ordinaire de la vie. Les gens ne l'aiment pas, lui créent des difficultés, la désapprouvent, désapprouvent ses idées. Si cette personne ne rencontre aucun ami, aucun guide sur le chemin, alors elle peut s'attarder au même niveau de pensée jusqu'à ce que la nature l'aide; mais tout le reste la tire en arrière. On entend souvent des gens dire que certains saints, ou maîtres, ou sages n'ont pas eu d'initiation, mais ils oublient qu'aucune âme ne fait un pas plus loin sur le chemin sans initiation.

 

La première initiation est donc l'initiation naturelle. Et quel en est l'effet?, demanderez-vous: l'étonnement, un extrême étonnement. Mais cet étonnement n'est pas perplexité; la différence entre les deux est grande. La perplexité fait que l'on se demande: «Est-ce vrai? J'en doute». L'étonnement fait dire à une personne: «Comme c'est stupéfiant, comme c'est merveilleux; il n'y a pas de mots pour l'expliquer, c'est un phénomène, c'est plus qu'un miracle». Peut-être est-ce des plus banals pour quelqu'un d'autre, tout à fait banal; mais pour la personne évoluée, c'est une merveille. Quelqu'un d'autre dira: «Comme c'est bête! je n'y vois rien d'extraordinaire; qu'avez-vous donc vu?». Mais ce qu'a perçu cette personne est une chose si merveilleuse qu'elle ne peut l'expliquer.

 

J'ai conversé un jour avec un homme très instruit en Inde, un docteur en philosophie, qui avait écrit cinquante volumes et en avait lu un millier. Quand je lui parlai, il fut si intéressé qu'il pensa que je lui avais donné quelques idées nouvelles qui valaient la réflexion, la considération. Je pensai donc que puisqu'il était si intéressé, ce serait une grande chose qu'il puisse rencontrer mon Maître. Je lui dis donc: «J'aimerais que vous rencontriez mon Maître. C'est un prodige sans pareil au monde, il est lui-même une merveille». Cela stimula sa curiosité et il en vint à se demander à quel point le Maître dont l'élève l'intéressait tant pouvait être étonnant. «Quel est son nom?», demanda-t-il. Je lui répondis qu'il vivait dans cette même ville à tel et tel endroit. «Mais, me dit-il, c'est mon voisin! Je le connais depuis vingt ans. Évidemment, je le connais!». Mais même s'il avait été son voisin pendant cent ans, il ne l'aurait pas connu.

 

Telle est la vie, tout est différence de point de vue. L'un voit une merveille, une splendeur, et l'autre dit: «Qu'est-ce que c'est? C'est tout à fait banal, ce n'est rien». Et celui qui dit: «Ce n'est rien, c'est banal», pense: «Je suis supérieur parce que je vois que cela est simple». Et celui qui s'émerveille ressemble à un enfant parce qu'il s'étonne de tout. Certainement cela est enfantin, mais c'est l'âme de l'enfant qui voit; elle voit davantage que l'âme d'une grande personne qui ne fait que se couvrir de mille voiles. Certes, l'enfant dans sa seconde enfance ne peut comprendre, mais dans sa petite enfance le nourrisson peut voir le monde angélique, peut parler avec des entités invisibles, peut voir des choses étonnantes dans divers plans. Il est facile de dire: «Cela est enfantin, innocent ou ignorant», mais en même temps c'est la chose la plus merveilleuse d'être enfantin, de posséder l'innocence d'un petit enfant. Il n'y a rien de meilleur à souhaiter, car en cela réside toute la joie, toute la beauté et tout le bonheur existant.

 

Cet étonnement provoque une sorte de pessimisme chez une personne, mais un pessimisme que l'on ne peut comparer avec ce que nous appelons d'habitude pessimisme; car ce que nous reconnaissons comme pessimisme est misérable tristesse, il ne mène personne nulle part; mais ce pessimisme-là est autre; comme Omar Khayyam le dit:

 

«O Bien-Aimé, emplis la coupe qui efface aujourd'hui les regrets d'hier et les craintes de demain. 
Demain? Quoi demain? Demain je serai peut-être avec les sept mille ans d'hier.»

 

Cette sorte de pessimisme se produit; il se produit parce que c'est une exaltation, il est élevant. Une personne voit la vie sous un angle différent: la vie qui lui semblait auparavant être au-dessus de sa tête lui apparaît maintenant sous ses pieds. Si l'on demande: «Qu'est-ce?», on ne peut répondre que ce soit indifférence, on ne peut l'appeler indépendance, et pourtant c'est quelque chose qui leur ressemble; c'est du pessimisme et pourtant ce n'est rien de ces trois choses. Il n'y a pas de terme pour cela dans une langue occidentale; en Sanskrit, on l'appelle Vairâgya, qui est une émotion, un sentiment tout à fait différent de tous ceux qui font regarder la vie d'une autre manière; c'est un point de vue qui introduit une personne dans un tout autre monde de pensée; la valeur des choses semble avoir changé, la valeur des situations apparaît tout à fait différente. L'on pourrait objecter: «Quelle vie inintéressante, être indifférent!». Mais il n'en est pas ainsi, c'est des plus intéressants. Un sentiment qui allège le poids de la vie, le fardeau de la vie, quel admirable sentiment cela doit être! Imaginez un moment de relaxation après le labeur de la journée entière, quand on peut se reposer un instant. Quel soulagement, quelles vibrations calmantes, comme l'esprit se sent reposé! Alors donc, si l'être intime a la même expérience, celle de sentir que le fardeau qu'il portait sans cesse du matin au soir et jour et nuit est enlevé, alors cet être se sent élargi pour un moment. Quelle bénédiction il y a là! On ne peut l'exprimer, mais celui qui l'a éprouvée à un faible degré peut en saisir la valeur.

 

Il est certain qu'il arrive un moment dans la vie d'une personne, même si elle a été initiée mille fois par la nature, où elle cherche un guide marchant sur la terre. Beaucoup disent: «Pourquoi n'y aurait-il pas Dieu seul, sans intermédiaire entre Lui et l'homme? Pourquoi doit-il y avoir un individu, quelqu'un d'aussi limité que nous le sommes, pourquoi ne pas atteindre directement l'Esprit de Dieu?». Mais je répondrai: «S'il y a un homme qui est votre ennemi, qui a tourmenté votre vie, et un autre qui est votre grand ami, et s'il y a votre instructeur qui vous a inspiré et guidé, en tous ces trois-là il y a la main de Dieu. Ils vous ont tous trois guidé sur le chemin de l'inspiration, ils sont tous trois nécessaires dans votre vie pour aller plus loin. Il est aussi votre initiateur, celui qui vous a déçu, qui vous a fait du mal, qui a tourmenté votre vie, car il vous a enseigné quelque chose, il vous a mis sur la voie, sinon sur la voie de vérité. Et celui qui a été votre ami est votre initiateur, car il vous donne l'évidence de la vérité, le signe de la réalité parce qu'il n'y a rien d'autre que l'amour pour montrer le signe qu'il y a quelque chose de vivant, quelque chose de réel. Et puis il y a le Maître qui inspire, que ce soit un homme simple, une personne illettrée, un être méditatif, un grand Maître ou un humble Maître, il est ce que vous pensez qu'il est; car tout individu est pour nous ce que nous pensons qu'il est: si nous pensons qu'il est grand ou bon, il l'est pour nous; si nous pensons qu'il est petit, il est petit pour nous. Mais si nous le regardons seulement comme étant un parmi la foule, la foule n'est pas sur le chemin de l'initiation!

 

S'il n'était pas nécessaire qu'un homme guide ses semblables, Jésus-Christ n'aurait pas été envoyé parmi ces pêcheurs qui ne pouvaient Le comprendre; et pourtant Il fut leur guide. Une personnalité telle que Bouddha et tous les autres - et beaucoup parmi eux ne sont même pas connus de l'humanité, bien qu'ils aient beaucoup accompli - qui toujours furent et qui seront toujours, sous quelque nom, sous quelque apparence qu'ils aient travaillé; leur existence sur terre est de guider les individus, de guider l'humanité. Dieu ne nous atteint pas directement de façon si entière que quand Il nous atteint à travers Ses Maîtres. La meilleure manière pour Dieu d'atteindre les êtres humains est à travers un être humain; non pas à travers un ange, mais à travers un être humain qui est sujet à la vie et à la mort, et sujet à toutes les fautes que tout le monde a.

 

La manière du Maître avec son initié est étrange. Plus le Maître est grand, plus étrange est sa manière. Le Maître peut tester et le Maître peut donner des épreuves, et l'attitude du Maître ne peut jamais être comprise, ne peut jamais être saisie, car un vrai Maître ne se laisse jamais découvrir. On ne peut pas davantage comprendre son «oui» que son «non», car leur sens est symbolique, il est subtil. Peut-être parlera-t-il en paraboles et peut-être enseignera-t-il sans enseigner; peut-être enseignera-t-il davantage par un simple regard qu'en disant mille mots. Peut-être que la présence du Maître est une plus grande bénédiction dans la vie de l'élève qu'une centaine de livres qu'il peut avoir lus. Ni l'indifférence du Maître ni sa sympathie ne peuvent être prises pour ce qu'elles paraissent être, car dans les deux il y a quelque chose de plus. Plus l'on étudie la personnalité du Maître, plus l'on est dérouté. Le Maître est l'initiateur de la vie, il est l'exemple de la subtilité de la vie entière, ce qui est plus difficile que d'être un exemple dans la vie. Cela peut sembler étrange, mais il sera sans doute intéressant pour vous de savoir qu'après mon initiation de la main de mon Maître, j'allais le voir à l'endroit très éloigné où il vivait. Les communications n'étaient pas comme à New York; il était très difficile de l'atteindre. Après avoir voyagé tous ces kilomètres on pouvait espérer un enseignement quelconque, et cela ne se produisait pas. C'était une conversation sur les plantations, sur la musique et les concerts ou sur quelque autre sujet. Durant six mois j'ai été perplexe: pourquoi mon Maître ne me parlait-il pas des choses plus profondes de la vie? Pourquoi une conversation ordinaire comme tout le monde pouvait l'avoir? Un jour, après six mois, mon Maître me parla des différents plans d'existence. Je fus si intéressé et j'eus si peur de perdre ce qu'il disait que, comme un jeune homme moderne, je sortis crayon et calepin. Et que pensez-vous qu'il fît? Il changea instantanément de sujet, avant que j'aie pu écrire tout ce qu'il disait. Croyez-vous que j'aurais eu l'insolence de dire «encore!»? J'avais dû attendre six mois. Mais je pensai que peut-être cent livres n'auraient pas pu me donner ce qui m'était donné sans paroles, qui était la lumière et la vie même.

 

La présence de l'âme illuminée est la vie même; elle vous rend capable d'apprendre et de percevoir et de comprendre quelque chose qui est au-delà des mots. Et quand la parole vivante vous est donnée, cette parole vient d'elle-même; vous n'avez pas besoin de lire ou d'écrire, vous devenez cette parole: «D'abord était le Verbe, et le Verbe était Dieu». Parce que dans le Maître, on voit l'exemple de ce Verbe. Par conséquent, l'initiation venue d'un Maître est un pas en avant sur le chemin.

 

Mais il y en a beaucoup qui disent: «Quant à nous, nous sommes initiés par un initiateur qui est de l'autre côté». Ils ont leur raison et ceux-là sont initiés. Mais n'y a-t-il pas deux mondes en ce cas, vous étant dans un monde et le Maître dans un autre? Vous n'appartenez pas plus au monde du Maître que le Maître n'appartient au vôtre. Certes, cela vous donne moins de peine que de considérer la satisfaction d'un être vivant. C'est plus facile de sentir que vous avez quelqu'un derrière votre dos qui vous parle sans cesse à l'oreille, qui vous parle dans un songe ou dans une vision. Ce n'est pas faux et dans bien des cas c'est vrai. Il y a des âmes, il y a des Maîtres qui n'ont peut-être pas donné ce qu'ils avaient à donner, ce qu'ils avaient à impartir aux autres, mais ce n'est pas le processus normal. Si cela avait été le processus normal, alors tous les Maîtres auraient été envoyés pour enseigner depuis l'autre côté, mais ni Bouddha, ni Jésus-Christ, ni Mohammed n'ont donné leur enseignement depuis là. En outre, c'est comme si l'on disait: «J'ai un grand ami de l'autre côté avec lequel je marche et je me promène». Mais est-ce une condition normale? Cela paraît-il une chose naturelle d'être sur cette terre, de dépendre de cette nourriture matérielle, de respirer dans cette dimension, d'avoir à être dans la foule, et de se promener tout le temps avec un Maître dans l'autre monde?

 

Il y a beaucoup à dire sur cette question que l'on discute beaucoup aujourd'hui; c'est l'idée répandue qu'aucun homme ne devrait guider son prochain. Je ne veux pas dire qu'il n'y ait aucune vérité en cela, mais cette idée est si répandue qu'elle tend à empêcher l'homme de chercher la direction de l'un de ses semblables qui doit faire face aux mêmes luttes, aux mêmes ennuis, qui a les mêmes expériences que tout un chacun. Les gens continuent à le rejeter, comme Jésus-Christ fut rejeté, et ils cherchent quelqu'un sur l'autre plan. Bien des sociétés et des groupements de dénominations diverses se sont égarés sur ce sujet, à tel point qu'ils se sont privés de cette eau vivante qui suit son cours naturel à travers le monde de l'homme.

 

Nous en venons maintenant à la question: comment les instructeurs s'occupaient-ils des candidats qui venaient en vue d'être initiés? Il y a l'histoire d'un roi de Boukhara qui était si las de l'existence qu'il pensa vouer tout le temps de sa vie au chemin spirituel. Il laissa donc son royaume et alla voir un Maître. La première chose que le Maître lui dit fut: «Etes-vous d'accord pour passer par les diverses épreuves qu'une personne doit traverser?» - «Oui» répondit-il. «Fort bien!» - dit le maître - «Votre premier travail sera de balayer la maison où vivent les disciples». C'était une chose plutôt difficile pour un roi d'entreprendre ce travail que d'autres auraient fait volontiers pour lui; les élèves pensaient: «Pour un tel homme qui a renoncé à son royaume, balayer la maison!». Emus de sympathie, ils dirent au Maître: «Il devrait maintenant être admis à l'initiation». Le Maître dit: «Hé bien, je ne pense pas que le moment soit venu». Mais ils répondirent: «Nous sommes tous en sympathie avec cet homme, nous vous demandons de l'accepter parmi tous les élèves». Le Maître dit: «Nous allons voir; l'un d'entre vous ira avec lui, et lorsqu'il aura balayé la pièce et mis les déchets dans la poubelle, poussez celle-ci pour tout faire retomber dehors». C'est ce que fit l'un d'entre eux, et celui qui avait été roi le regarda et dit: «Oui, maintenant tu peux faire cela. Il fut un temps où j'en aurais pris note; maintenant tu peux le faire». Ils s'en vinrent le raconter au Maître, qui dit: «Le fruit est vert, il fait du bruit». La fois suivante la même chose eut lieu, et il se contenta de jeter un regard à celui qui l'avait fait. Quand on en fit le rapport au Maître, il dit: «Il n'est pas encore prêt». Et une troisième fois, quand la même injure lui fut infligée, il ne jeta même pas un regard et continua seulement son travail. Quand on rapporta cela au Maître, il dit: «Maintenant, cela peut avoir lieu».

 

Le travail de l'instructeur est un travail très subtil. C'est le travail d'un joaillier qui a d'abord fait fondre l'or et peut ensuite en faire un ornement. L'or doit d'abord être fondu; une fois qu'il est fondu, une fois qu'il n'est plus du métal dur mais est devenu liquide, alors on peut en faire une couronne, une bague ou un bijou; alors vous pouvez en faire quelque chose de beau.

 

Après cela, il y a un pas de plus, quand on a passé toutes les initiations que l'instructeur doit donner, quand la tâche de l'instructeur est terminée, alors l'instructeur dit: «Maintenant, votre chemin va plus loin». L'instructeur ne retient pas l'élève pour toujours. Il a eu son rôle à jouer durant la partie du voyage qui est déjà passée. Alors vient l'initiation intérieure. Celle-ci advient à la personne qui est devenue méditative, dont l'intérêt est devenu certain, dont la vision s'est élargie, qui voit la vie différemment, dont la conscience a pris l'habitude de raisonner, de s'élargir. Dans cette expérience, l'aide de l'instructeur est certainement toujours présente. De même que l'aide arrive sur la terre, de même depuis le monde invisible, cette aide alors arrive. Supposez que nous soyons dans une rue, en proie à une certaine difficulté, naturellement d'autres personnes s'approcheraient pour voir si elles pourraient nous aider. A mesure que l'on avance, l'on attire la sympathie d'êtres qui sont toujours occupés à aider l'humanité depuis tous les plans d'existence. La sympathie de ceux qui sont près de celui qui voyage sur le chemin est attirée, ils lui donnent la main pour avancer. C'est cette main donnée que l'on appelle initiation. Si je devais vous en parler, il y a tant d'initiations différentes! Ce sont comme des marches pour monter plus haut.

 

Je mentionnerai seulement pour conclure ce que l'on atteint par l'initiation. Ce que l'on atteint est cette réalisation pour laquelle nous sommes nés, qui est le but de notre vie. A moins que nous ne nous appliquions à la recherche du but de la vie, quoi que nous ayons fait ne nous aide pas assez; cela nous aide seulement pour un de nos besoins limités, mais pas plus loin. Il y a seulement une chose qui donne toute satisfaction, c'est d'arriver à la réalisation du Soi. Ce n'est pas simple et cela ne nécessite pas seulement la méditation et la concentration, bien que celles-ci soient d'une grande aide dans l'acquisition de la réalisation du Soi. Ceux qui pensent qu'en lisant le livre d'un Yogi, ils pourront arriver à cette réalisation se trompent. Ils se trompent pour la raison que c'est un phénomène, et que c'est par ce phénomène que l'on avance plus loin.

 

Les gens pensent que par une simple étude, une étude scientifique, ils peuvent arriver à la réalisation; mais indépendamment de l'initiation et de la méditation, une certaine manière de vivre est nécessaire. «Quelle vie?» demanderez-vous, «Est-ce la vie enseignée par les gens de religion; est-ce vivre de telle ou telle façon, est-ce vivre selon certains principes, certains dogmes?». Non, rien de tout cela. C'est une vie qui est un processus continuel d'effacement du moi. C'est tout à fait comme de moudre quelque chose de très dur; c'est moudre continuellement ce moi qui pèse si lourdement sur nous. Plus le moi est adouci, plus haut la personne évolue, et plus grande devient sa personnalité. Peu importe le pouvoir qu'une personne ait pu atteindre et quelle inspiration elle a pu acquérir, s'il n'y a pas d'effacement du moi rien n'est accompli. L'on devrait avoir l'initiation, et alors le résultat qu'apporte la méditation est cette troisième chose: l'effacement du moi. Et l'on doit persister encore et encore dans ce processus afin d'arriver à la vraie sagesse.

 

-oOo-

 

Tawajo

 

Présentation La Musique du Message Accueil Textes et Conférences Lexique
Accueil